Bienvenue
Retrouvez ici une sélection d'une centaine d'albums qui me semblent être les plus remarquables qui aient jamais été enregistrés ¹ ²
¹ Il n'y en a pas exactement cent, mais un peu moins - parce que je n'ai pas voulu sélectionner un nombre convenu d'avance. Pour éviter ceux qu'on placerait en bouche-trous. Pour n'avoir qu'un seul critère de sélection, la pertinence. ² Je me suis attaché à ne sélectionner qu'une seule œuvre par artiste, ce qui fait que ce ne sont pas vraiment les meilleurs albums qui sont présentés ici. Pour composer une liste de façon rigoureuse des meilleurs albums, il faudrait évidemment prendre plusieurs opus d'un même artiste, ce qui n'est pas le cas ici. Ne concourt que le meilleur album de chaque interprète. Je précise que j'ai parfois sélectionné deux œuvres d'une même voix, lorsqu'il y en a une réalisée en solo et une autre avec son groupe (ex : Sting et The Police, ou encore Jean-Jacques Goldman et Taï Phong). |
Il est rare, surtout à l'âge du mp3, que l'on ait l'envie, et le temps, d'écouter un album en entier, à la suite. Et pourtant, ces ouvrages sont, comme les films ou les livres, des ouvrages que l'on devrait dérouler du début à la fin, nous imprégnant du point de vue, de la démarche, de l'atmosphère, et suivant le fil de ce que vient nous y dire l'artiste. Des ouvrages qui font naître un univers et qui commencent déjà à se dévoiler avec l'objet-même de leur support, surtout lorsqu'il s'agit d'un vinyle.
Il faut reconnaître que les albums bons de bout en bout sont rares. Ils représentent à peine 5% de la production globale. La plupart du temps, on sent les titres laborieux que l'on a rajoutés pour remplir, les titres qui ne sont pas mauvais mais qui nous lassent vite car manquant d'étincelles, ou encore les titres qui n'ajoutent rien et sont redondants. Sans parler bien sûr des titres complètement ratés ou de mauvais goût.
Si vous voulez écouter des œuvres qui ne présentent pas ces défauts de fabrication, et qui vous entraînent par la main, vous font vibrer, vous proposent quelque chose de bon et de substantiel qui s'étende tout le long de l'intégralité des pistes, alors laissez-moi vous présenter cette petite centaine de summums de la création musicale...
NB : Pour ceux qui trouveraient mes présentations trop positives ou dithyrambiques pour être honnêtes et rigoureuses, je rappelle que je présente ici les albums qui me semblent être les meilleurs de tout temps. Il est donc normal que mon avis ne soit ni négatif, ni mesuré, ni contrasté, si j'avais un avis de cette nature sur un ouvrage, je ne le mentionnerais pas ici. Mon niveau d'exigence me paraît être assez haut. La preuve, j'étais parti pour vous présenter cent albums, et je n'en ai finalement trouvé que 99 à citer. Et 99, sur les millions d'albums sortis et la dizaine de milliers que j'ai écoutée, c'est bien peu.
Il faut reconnaître que les albums bons de bout en bout sont rares. Ils représentent à peine 5% de la production globale. La plupart du temps, on sent les titres laborieux que l'on a rajoutés pour remplir, les titres qui ne sont pas mauvais mais qui nous lassent vite car manquant d'étincelles, ou encore les titres qui n'ajoutent rien et sont redondants. Sans parler bien sûr des titres complètement ratés ou de mauvais goût.
Si vous voulez écouter des œuvres qui ne présentent pas ces défauts de fabrication, et qui vous entraînent par la main, vous font vibrer, vous proposent quelque chose de bon et de substantiel qui s'étende tout le long de l'intégralité des pistes, alors laissez-moi vous présenter cette petite centaine de summums de la création musicale...
NB : Pour ceux qui trouveraient mes présentations trop positives ou dithyrambiques pour être honnêtes et rigoureuses, je rappelle que je présente ici les albums qui me semblent être les meilleurs de tout temps. Il est donc normal que mon avis ne soit ni négatif, ni mesuré, ni contrasté, si j'avais un avis de cette nature sur un ouvrage, je ne le mentionnerais pas ici. Mon niveau d'exigence me paraît être assez haut. La preuve, j'étais parti pour vous présenter cent albums, et je n'en ai finalement trouvé que 99 à citer. Et 99, sur les millions d'albums sortis et la dizaine de milliers que j'ai écoutée, c'est bien peu.
JEAN-JACQUES GOLDMAN - ENTRE GRIS CLAIR ET GRIS FONCÉ (1987)
De l'avis global, il s'agit là du meilleur album francophone de tous les temps. Mais personnellement, je me demande s'il règne seulement sur les productions francophones... A-t-on fait mieux quelque part dans le monde ? Pas sûr. Rien qu'avec le prisme du titre. Pouvait-on mieux capter l'essence de l'ère post-industrielle mondialiste que par ce "entre gris clair et gris foncé" ? En plein cœur des années 80, là où tout le monde glissait aisément voir tout en rose ou tout en noir, JJG, le sage modéré, prend de la hauteur et cerne la mesure de ce qui est en train de se passer, il voit clair dans l'époque qui est en train de s'installer. Entre gris clair et gris foncé, certes, mais pour autant Goldman est ici loin d'être fade ou tiède, il chante l'humain et le positivisme avec une force éclatante communicative (Il changeait la vie, C'est ta chance...), sans pour autant oublier les drames humains de l'époque qui s'ouvre (Là-bas, Fais des bébés...). Les tableaux de société se succèdent, tous collent à leur époque mais sont pérennes et portent en eux cette mémoire dont Jean-Jacques ne se déconnecte jamais. Tout le spectre de ce que l'on peut écrire est ici abordé et traité avec brio, on passe de la chronique sociale à l'intimisme. L'album commence, avec A quoi tu sers ?, sur la virtuosité avec les vocalises de Carole Fredericks et les mots foisonnants d'un Jean-Jacques particulièrement inspiré sur le fond comme sur la forme, puis il nous fait vibrer et finit dans l'introspection et l'intimité acoustique, l'artisanal d'excellence. Cet opus est une réflexion philosophique lucide, profonde mais abordable par tous, portée par une musique plus que jamais issue du blues et chargée de toutes ses teintes claires-obscures. JJG traverse cet album comme il traverse le titre Peur de rien blues, singulier, humble et solitaire, mais tellement universel et fédérateur, dans un état de grâce, semblant invincible, avançant sans se soucier du paraître et transformant tout en or (gold-man porte bien son nom).
De l'avis global, il s'agit là du meilleur album francophone de tous les temps. Mais personnellement, je me demande s'il règne seulement sur les productions francophones... A-t-on fait mieux quelque part dans le monde ? Pas sûr. Rien qu'avec le prisme du titre. Pouvait-on mieux capter l'essence de l'ère post-industrielle mondialiste que par ce "entre gris clair et gris foncé" ? En plein cœur des années 80, là où tout le monde glissait aisément voir tout en rose ou tout en noir, JJG, le sage modéré, prend de la hauteur et cerne la mesure de ce qui est en train de se passer, il voit clair dans l'époque qui est en train de s'installer. Entre gris clair et gris foncé, certes, mais pour autant Goldman est ici loin d'être fade ou tiède, il chante l'humain et le positivisme avec une force éclatante communicative (Il changeait la vie, C'est ta chance...), sans pour autant oublier les drames humains de l'époque qui s'ouvre (Là-bas, Fais des bébés...). Les tableaux de société se succèdent, tous collent à leur époque mais sont pérennes et portent en eux cette mémoire dont Jean-Jacques ne se déconnecte jamais. Tout le spectre de ce que l'on peut écrire est ici abordé et traité avec brio, on passe de la chronique sociale à l'intimisme. L'album commence, avec A quoi tu sers ?, sur la virtuosité avec les vocalises de Carole Fredericks et les mots foisonnants d'un Jean-Jacques particulièrement inspiré sur le fond comme sur la forme, puis il nous fait vibrer et finit dans l'introspection et l'intimité acoustique, l'artisanal d'excellence. Cet opus est une réflexion philosophique lucide, profonde mais abordable par tous, portée par une musique plus que jamais issue du blues et chargée de toutes ses teintes claires-obscures. JJG traverse cet album comme il traverse le titre Peur de rien blues, singulier, humble et solitaire, mais tellement universel et fédérateur, dans un état de grâce, semblant invincible, avançant sans se soucier du paraître et transformant tout en or (gold-man porte bien son nom).
MICHAEL JACKSON - THRILLER (1982)
Le disque de tous les records ! De loin le plus gros best-seller musical ! (20 millions d'avance sur le second dans le classement international des meilleures ventes d'albums de tous les temps). Certainement le plus joué de l'histoire de la musique enregistrée. Certainement aussi le premier à avoir été joué en même temps dans les grandes villes occidentales et dans le fin fond de l'Asie ou de l'Afrique. Michael Jackson est devenu roi avec cet album qui ne trouvera jamais de digne challenger. On ne peut plus concevoir un pareil succès, et personne ne se rapprochera jamais de ses records et de son impact. La jeune génération ne peut pas comprendre le statut qu'avait acquis Jackson suite à la sortie de ce disque. Les artistes à qui on peut le comparer aujourd'hui, en tant qu'artistes numéro 1, n'ont pas le dixième de sa popularité. Thriller est un phénomène de société, il relance à lui tout seul le marché du disque et en fait sur sa lancée un des plus juteux au monde pendant plusieurs années. Il lance les ventes de CDs qui sont alors tout neufs sur le marché, et un peu boudés au profit de la cassette audio qui permet l'écoute au walkman. Le titre qui donne son nom à l'album bénéficie d'un vidéo-clip qui est un vrai court-métrage à grand budget et fait entrer la vidéo musicale dans une nouvelle dimension. C'est grâce à, ou à cause de, Thriller que le clip vidéo va prendre une telle importance dans la production musicale. Michael Jackson voit les choses en grand, il fait de la musique une discipline plus holistique en donnant autant de part au visuel qu'à l'auditif, l'exceptionnel chorégraphe et danseur qu'il est lui permet de faire cela naturellement dans une démarche logique et intègre. Artistiquement, que dire de Thriller sinon qu'on est devant une œuvre d'une portée exceptionnelle ? Les premiers rythmes de Wanna be Startin' Somethin', le premier morceau de l'album, vous donnent le ton d'emblée (même sans voir Michael danser) : on est devant quelque chose de jubilatoire, de transcendant, d'implacable, de purement génial, d'indémodable, d'inlassable et d'universel. Et on peut dire ça des neuf titres du disque. On pourrait reprocher à Michael sa volonté non dissimulée de se placer lui-même comme le numéro 1. Le problème, c'est qu'il n'use pas d'artifice, il semble être tout naturellement le numéro 1. Lui, l'enfant battu et exploité, servant de figure de proue aux Jackson 5, il donne depuis Off the Wall, son album précédent, une leçon incroyable sur le plan humain (bien sûr la suite de la vie de Michael détruira cette dimension mais elle est à ce moment-là bien présente, et même sachant ce que l'on sait on peut l'entendre avec force sur ce disque). La présence de Paul McCartney sur le titre The girl is mine en rajoute, si cela était possible, à la dimension de l'enregistrement. Ce duo signe une parenté avec le plus grand phénomène musical anté-Jackson, les Beatles, et surtout il confine à cet album une connotation de métissage, de mélange des générations. Le métissage est peut-être d'ailleurs le mot qui colle peut-être le plus pour désigner cet album. On mélange ici le tribal avec le sophistiqué, le classicisme avec l'avant-gardiste, le commercial avec l'expérimental, le blanc avec le noir, le léger avec le profond, le spectaculaire avec la délicatesse... MJ est le roi du métissage, peut-être est-ce la raison pour laquelle il s'est éclairci la peau, voulant représenter ce qu'il incarne artistiquement et culturellement (pour le moment en tout cas, il est permis de voir les choses ainsi puisque l'on ne perçoit pas encore l'excès, l'autodestruction, la folie et le reniement que sa démarche va prendre quelques années plus tard).
Le disque de tous les records ! De loin le plus gros best-seller musical ! (20 millions d'avance sur le second dans le classement international des meilleures ventes d'albums de tous les temps). Certainement le plus joué de l'histoire de la musique enregistrée. Certainement aussi le premier à avoir été joué en même temps dans les grandes villes occidentales et dans le fin fond de l'Asie ou de l'Afrique. Michael Jackson est devenu roi avec cet album qui ne trouvera jamais de digne challenger. On ne peut plus concevoir un pareil succès, et personne ne se rapprochera jamais de ses records et de son impact. La jeune génération ne peut pas comprendre le statut qu'avait acquis Jackson suite à la sortie de ce disque. Les artistes à qui on peut le comparer aujourd'hui, en tant qu'artistes numéro 1, n'ont pas le dixième de sa popularité. Thriller est un phénomène de société, il relance à lui tout seul le marché du disque et en fait sur sa lancée un des plus juteux au monde pendant plusieurs années. Il lance les ventes de CDs qui sont alors tout neufs sur le marché, et un peu boudés au profit de la cassette audio qui permet l'écoute au walkman. Le titre qui donne son nom à l'album bénéficie d'un vidéo-clip qui est un vrai court-métrage à grand budget et fait entrer la vidéo musicale dans une nouvelle dimension. C'est grâce à, ou à cause de, Thriller que le clip vidéo va prendre une telle importance dans la production musicale. Michael Jackson voit les choses en grand, il fait de la musique une discipline plus holistique en donnant autant de part au visuel qu'à l'auditif, l'exceptionnel chorégraphe et danseur qu'il est lui permet de faire cela naturellement dans une démarche logique et intègre. Artistiquement, que dire de Thriller sinon qu'on est devant une œuvre d'une portée exceptionnelle ? Les premiers rythmes de Wanna be Startin' Somethin', le premier morceau de l'album, vous donnent le ton d'emblée (même sans voir Michael danser) : on est devant quelque chose de jubilatoire, de transcendant, d'implacable, de purement génial, d'indémodable, d'inlassable et d'universel. Et on peut dire ça des neuf titres du disque. On pourrait reprocher à Michael sa volonté non dissimulée de se placer lui-même comme le numéro 1. Le problème, c'est qu'il n'use pas d'artifice, il semble être tout naturellement le numéro 1. Lui, l'enfant battu et exploité, servant de figure de proue aux Jackson 5, il donne depuis Off the Wall, son album précédent, une leçon incroyable sur le plan humain (bien sûr la suite de la vie de Michael détruira cette dimension mais elle est à ce moment-là bien présente, et même sachant ce que l'on sait on peut l'entendre avec force sur ce disque). La présence de Paul McCartney sur le titre The girl is mine en rajoute, si cela était possible, à la dimension de l'enregistrement. Ce duo signe une parenté avec le plus grand phénomène musical anté-Jackson, les Beatles, et surtout il confine à cet album une connotation de métissage, de mélange des générations. Le métissage est peut-être d'ailleurs le mot qui colle peut-être le plus pour désigner cet album. On mélange ici le tribal avec le sophistiqué, le classicisme avec l'avant-gardiste, le commercial avec l'expérimental, le blanc avec le noir, le léger avec le profond, le spectaculaire avec la délicatesse... MJ est le roi du métissage, peut-être est-ce la raison pour laquelle il s'est éclairci la peau, voulant représenter ce qu'il incarne artistiquement et culturellement (pour le moment en tout cas, il est permis de voir les choses ainsi puisque l'on ne perçoit pas encore l'excès, l'autodestruction, la folie et le reniement que sa démarche va prendre quelques années plus tard).
PRINCE - SIGN O' THE TIMES (1987)
Il aurait été sans doute plus logique de placer ici en troisième rang le "Sgt Pepper" des Beatles. Mais je trouve qu'il est d'une logique plus grande de faire siéger Prince juste derrière son meilleur ennemi Jackson, tant il a toujours été très proche de lui en tout, un peu comme un Cristiano Ronaldo dans l'ombre d'un Leo Messi. Il existe des histoires étranges aux chemins tortueux, ce Sign O' the times apparaît comme une œuvre de maître, une œuvre libre, incroyablement aboutie et personnelle du bien-nommé Prince. On est conforté par le fait qu'il s'agisse du premier album où le Kid de Minneapolis ne se présente pas aux côtés de son groupe The Revolution. Et pourtant, cet album est un puzzle de différents enregistrements et un projet avorté. Ce double-album tel qu'il est présenté n'est pas l'ouvrage tel que l'avait conçu initialement le génial auteur-compositeur et musicien virtuose. Non, c'est à la base un mix entre deux projets distincts, Camille et Dream Factory, une base sur laquelle ont été enregistrés d'autres titres. Mais même ce patchwork n'est pas ici présenté de la façon souhaitée par l'Artist, c'est une adaptation à la demande de la maison de disques. Prince voulait faire de ces enregistrements un triple-album intitulé Crystal Ball (titre qu'il reprendra en 1998 pour l'édition d'un triple album avec de nouveaux titres). Ce qui lui a été invraisemblablement refusé (comment peut-on refuser quelque chose à celui qui est peut-être le plus grand génie musical du vingtième siècle ?). En tout cas, nous ne nous plaindrons pas trop car le résultat de ce Sign O' the times est somptueux, on ne sent nulle part l'œuvre tronquée, l'artiste semble être dans la plus pure expression de sa quintessence. Un album très addictif d'une force musicale exceptionnelle aux horizons presque infinis.
Il aurait été sans doute plus logique de placer ici en troisième rang le "Sgt Pepper" des Beatles. Mais je trouve qu'il est d'une logique plus grande de faire siéger Prince juste derrière son meilleur ennemi Jackson, tant il a toujours été très proche de lui en tout, un peu comme un Cristiano Ronaldo dans l'ombre d'un Leo Messi. Il existe des histoires étranges aux chemins tortueux, ce Sign O' the times apparaît comme une œuvre de maître, une œuvre libre, incroyablement aboutie et personnelle du bien-nommé Prince. On est conforté par le fait qu'il s'agisse du premier album où le Kid de Minneapolis ne se présente pas aux côtés de son groupe The Revolution. Et pourtant, cet album est un puzzle de différents enregistrements et un projet avorté. Ce double-album tel qu'il est présenté n'est pas l'ouvrage tel que l'avait conçu initialement le génial auteur-compositeur et musicien virtuose. Non, c'est à la base un mix entre deux projets distincts, Camille et Dream Factory, une base sur laquelle ont été enregistrés d'autres titres. Mais même ce patchwork n'est pas ici présenté de la façon souhaitée par l'Artist, c'est une adaptation à la demande de la maison de disques. Prince voulait faire de ces enregistrements un triple-album intitulé Crystal Ball (titre qu'il reprendra en 1998 pour l'édition d'un triple album avec de nouveaux titres). Ce qui lui a été invraisemblablement refusé (comment peut-on refuser quelque chose à celui qui est peut-être le plus grand génie musical du vingtième siècle ?). En tout cas, nous ne nous plaindrons pas trop car le résultat de ce Sign O' the times est somptueux, on ne sent nulle part l'œuvre tronquée, l'artiste semble être dans la plus pure expression de sa quintessence. Un album très addictif d'une force musicale exceptionnelle aux horizons presque infinis.
THE BEATLES - SERGENT PEPPER'S LONELY HEARTS CLUB BAND (1967)
Si de l'avis populaire et comptable, le plus grand album de tous les temps est le Thriller de Jackson, de l'avis critique il n'y a rien au-dessus du Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band des 4 de Liverpool. S'il n'est pas LE meilleur album, il est en tout cas l'un des tout meilleurs. Et ce qui ne prête pas à discussion, c'est que c'est l'album LE plus influent du vingtième siècle, ayant défini le genre pop-rock qui allait tout envahir et s'infiltrer partout dans le paysage musical de la planète entière. Et il ne s'agit pas là seulement de musique, mais de culture dans son sens le plus global. C'est là un album qui n'est pas juste un album mais un concept riche et travaillé. La pochette est déjà tout un programme à lire et à décrypter comme un bon livre, comme le sera plus tard le Dangerous de Michael Jackson. La balade musicale ici proposée est parfois un peu sous acide, parfois grise, parfois colorée, mais toujours captivante et édifiante. Qu'on soit dans le ciel au milieu de diamants ou dans d'autres lieux, on a toujours conscience d'être dans un instant d'Histoire, sur le chantier d'un nouveau monde en construction.
Si de l'avis populaire et comptable, le plus grand album de tous les temps est le Thriller de Jackson, de l'avis critique il n'y a rien au-dessus du Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band des 4 de Liverpool. S'il n'est pas LE meilleur album, il est en tout cas l'un des tout meilleurs. Et ce qui ne prête pas à discussion, c'est que c'est l'album LE plus influent du vingtième siècle, ayant défini le genre pop-rock qui allait tout envahir et s'infiltrer partout dans le paysage musical de la planète entière. Et il ne s'agit pas là seulement de musique, mais de culture dans son sens le plus global. C'est là un album qui n'est pas juste un album mais un concept riche et travaillé. La pochette est déjà tout un programme à lire et à décrypter comme un bon livre, comme le sera plus tard le Dangerous de Michael Jackson. La balade musicale ici proposée est parfois un peu sous acide, parfois grise, parfois colorée, mais toujours captivante et édifiante. Qu'on soit dans le ciel au milieu de diamants ou dans d'autres lieux, on a toujours conscience d'être dans un instant d'Histoire, sur le chantier d'un nouveau monde en construction.
MADONNA - RAY OF LIGHT (1998)
Faut pas s'mentir, j'écoute plus souvent True Blue que Ray of Light, trouvant l'opus de 1986 plus plaisant. Pour autant, bien évidemment, force est de constater que celui-ci a plus de volume et d'ambition. Madonna y est a son apogée. Celui qu'elle n'a pas prolongé, au grand regret d'un grand nombre de fans. Ray of Light est l'album où la Madone dévoile enfin jusqu'au bout sa grande part mystique qu'elle ne dévoilait jusqu'ici que par ellipses, et sous le mode de la provocation. Madonna s'y place comme une divinité, ce qui n'est pas nouveau, mais ne se place plus comme un sex-symbol. Sa philosophie, savant mélange de sexe et de spiritualité, est ici presque totalement désexualisée. Le culte, qu'elle pratique et érige autour d'elle, passe aux chakras supérieurs, se baladant tout le long jusqu'au sommet du crâne. C'est un véritable voyage initiatique que l'on entame dès la première note, en partant du monde de James Graham Ballard (inspirateur du premier morceau - premier sur le disque et premier à avoir été enregistré, servant de point de départ au projet du disque) pour évoluer jusqu'aux philosophies modernes de développement personnel nourries d'antiques courants spirituels orientaux. Perpétuant la démarche des Beatles, la Ciccone fera comme eux en entraînant des millions de gens vers les philosophies d'Asie du sud. Toutefois, ne voulant pas être en reste, la superstar ne se contente pas de l'aspect sacré de son œuvre et met un point d'honneur dans certains titres à montrer qu'elle est à la pointe de la mode et de l'innovation en n'hésitant pas à prendre des tours électroniques audacieux dont certains manquent d'esthétisme. On sent déjà chez elle cette course en avant, implacable bien que perdue d'avance, à vouloir se montrer toujours plus jeune et dans le vent. Ray of Light réunit Delhi, New-York, Lhasa, Los Angeles, Bangkok, des contrées extraterrestres ou futuristes, le Londres du 19ème siècle et le Londres de la fin des années 90. Madonna semble être un aigle dans le vent, volant au-dessus de tous ces univers dont elle capte l'âme. On saluera au passage la façon dont elle a utilisé son compositeur et musicien principal, William Orbit, le poussant à travailler d'une façon différente de celle qu'il concevait. L'intransigeante star à la réputation tyrannique est arrivée à obtenir de lui ce qu'elle voulait, et bien que bon gré-mal gré, Orbit livre harmonieusement le décor dans lequel Madonna nous entraîne et nous raconte son histoire.
Faut pas s'mentir, j'écoute plus souvent True Blue que Ray of Light, trouvant l'opus de 1986 plus plaisant. Pour autant, bien évidemment, force est de constater que celui-ci a plus de volume et d'ambition. Madonna y est a son apogée. Celui qu'elle n'a pas prolongé, au grand regret d'un grand nombre de fans. Ray of Light est l'album où la Madone dévoile enfin jusqu'au bout sa grande part mystique qu'elle ne dévoilait jusqu'ici que par ellipses, et sous le mode de la provocation. Madonna s'y place comme une divinité, ce qui n'est pas nouveau, mais ne se place plus comme un sex-symbol. Sa philosophie, savant mélange de sexe et de spiritualité, est ici presque totalement désexualisée. Le culte, qu'elle pratique et érige autour d'elle, passe aux chakras supérieurs, se baladant tout le long jusqu'au sommet du crâne. C'est un véritable voyage initiatique que l'on entame dès la première note, en partant du monde de James Graham Ballard (inspirateur du premier morceau - premier sur le disque et premier à avoir été enregistré, servant de point de départ au projet du disque) pour évoluer jusqu'aux philosophies modernes de développement personnel nourries d'antiques courants spirituels orientaux. Perpétuant la démarche des Beatles, la Ciccone fera comme eux en entraînant des millions de gens vers les philosophies d'Asie du sud. Toutefois, ne voulant pas être en reste, la superstar ne se contente pas de l'aspect sacré de son œuvre et met un point d'honneur dans certains titres à montrer qu'elle est à la pointe de la mode et de l'innovation en n'hésitant pas à prendre des tours électroniques audacieux dont certains manquent d'esthétisme. On sent déjà chez elle cette course en avant, implacable bien que perdue d'avance, à vouloir se montrer toujours plus jeune et dans le vent. Ray of Light réunit Delhi, New-York, Lhasa, Los Angeles, Bangkok, des contrées extraterrestres ou futuristes, le Londres du 19ème siècle et le Londres de la fin des années 90. Madonna semble être un aigle dans le vent, volant au-dessus de tous ces univers dont elle capte l'âme. On saluera au passage la façon dont elle a utilisé son compositeur et musicien principal, William Orbit, le poussant à travailler d'une façon différente de celle qu'il concevait. L'intransigeante star à la réputation tyrannique est arrivée à obtenir de lui ce qu'elle voulait, et bien que bon gré-mal gré, Orbit livre harmonieusement le décor dans lequel Madonna nous entraîne et nous raconte son histoire.
MYLENE FARMER - L'AUTRE... (1991)
Certains, tels Madonna ou Michael Jackson, suent sang et eau, et finalement s'autodétruisent à vouloir ériger un culte à eux même. Pour Mylène Farmer, c'est différent. Oui, il y a un culte particulièrement religieux à Mylène Farmer, mais cela semble opérer naturellement, et n'être pas une recherche particulière de l'artiste qui ne fait rien dans ce sens, sinon en se faisant mystérieuse, rare, et en se mettant en scène dans des clips grandiloquents. La fascination de son public est acquise comme si cela allait de soi, comme si elle n'avait qu'à laisser parler ce qu'elle est, comme si elle était véritablement d'une nature divine et omnisciente. Tout en elle transpire cela, ses regards, ses attitudes, ses chorégraphies, ses références, les textes qu'elle écrit, les mises en scène qu'elle imagine. Avant cet album, on pouvait encore croire qu'il y avait une part artificielle créée par Mylène en compagnie de son producteur et compositeur Laurent Boutonnat, avec L'Autre... on comprend qu'on a affaire à un phénomène hors cadre et sans précédent. Cet ouvrage est d'une poésie troublante, et ce sans avoir recours comme dans l'album précédent à un texte de Charles Baudelaire pour l'introduire. Le corbeau, animal cher à cette grande admiratrice d'Edgar Allan Poe, présent sur la pochette a quelque chose de l'aigle noir de Barbara, et il semble que Mylène se situe dans la lignée de la dame en noir (elle qui est ici en blanc) dans la troublante poésie qu'elle délivre. Mais Mylène est plus fédératrice, plus éclatante, sachant donner l'illusion d'être une extravertie qu'elle n'est pas du tout. Cet album danse, chavire, se perd en son milieu dans la folie avec le titre Psychiatric qui est hautement dérangeant. Mais il retombe toujours sur ses pieds et nous fait voyager au seuil de la nuit, en ce moment entre chien et loup où elle retrouve Jean-Louis Murat. Les titres L'Autre, Désenchantée et Il n'y a pas d'ailleurs sont particulièrement impressionnants dans l'écriture, semblant être nés sous la plume de quelque créature supérieure se penchant vers nous, ou même allant jusqu'à se glisser parmi nous pour nous révéler la vérité qui nous échappe et pourtant nous crève les yeux. Tout cet album est d'une intensité vibrante, parfois ténue, le premier comme le dernier titre étant des introduction et conclusion particulièrement réussies. Le premier titre Agnus Dei nous emmène, pas à pas, de plus en plus loin, jusqu'à ce qu'on ne voie plus le rivage et qu'on s'immerge totalement dans l'univers de Mylène Farmer qui semble nous avoir fait manger un morceau du champignon d'Alice au pays des merveilles. Le chemin du retour n'est plus visible et on ne s'en plaint pas.
Certains, tels Madonna ou Michael Jackson, suent sang et eau, et finalement s'autodétruisent à vouloir ériger un culte à eux même. Pour Mylène Farmer, c'est différent. Oui, il y a un culte particulièrement religieux à Mylène Farmer, mais cela semble opérer naturellement, et n'être pas une recherche particulière de l'artiste qui ne fait rien dans ce sens, sinon en se faisant mystérieuse, rare, et en se mettant en scène dans des clips grandiloquents. La fascination de son public est acquise comme si cela allait de soi, comme si elle n'avait qu'à laisser parler ce qu'elle est, comme si elle était véritablement d'une nature divine et omnisciente. Tout en elle transpire cela, ses regards, ses attitudes, ses chorégraphies, ses références, les textes qu'elle écrit, les mises en scène qu'elle imagine. Avant cet album, on pouvait encore croire qu'il y avait une part artificielle créée par Mylène en compagnie de son producteur et compositeur Laurent Boutonnat, avec L'Autre... on comprend qu'on a affaire à un phénomène hors cadre et sans précédent. Cet ouvrage est d'une poésie troublante, et ce sans avoir recours comme dans l'album précédent à un texte de Charles Baudelaire pour l'introduire. Le corbeau, animal cher à cette grande admiratrice d'Edgar Allan Poe, présent sur la pochette a quelque chose de l'aigle noir de Barbara, et il semble que Mylène se situe dans la lignée de la dame en noir (elle qui est ici en blanc) dans la troublante poésie qu'elle délivre. Mais Mylène est plus fédératrice, plus éclatante, sachant donner l'illusion d'être une extravertie qu'elle n'est pas du tout. Cet album danse, chavire, se perd en son milieu dans la folie avec le titre Psychiatric qui est hautement dérangeant. Mais il retombe toujours sur ses pieds et nous fait voyager au seuil de la nuit, en ce moment entre chien et loup où elle retrouve Jean-Louis Murat. Les titres L'Autre, Désenchantée et Il n'y a pas d'ailleurs sont particulièrement impressionnants dans l'écriture, semblant être nés sous la plume de quelque créature supérieure se penchant vers nous, ou même allant jusqu'à se glisser parmi nous pour nous révéler la vérité qui nous échappe et pourtant nous crève les yeux. Tout cet album est d'une intensité vibrante, parfois ténue, le premier comme le dernier titre étant des introduction et conclusion particulièrement réussies. Le premier titre Agnus Dei nous emmène, pas à pas, de plus en plus loin, jusqu'à ce qu'on ne voie plus le rivage et qu'on s'immerge totalement dans l'univers de Mylène Farmer qui semble nous avoir fait manger un morceau du champignon d'Alice au pays des merveilles. Le chemin du retour n'est plus visible et on ne s'en plaint pas.
LAURENT VOULZY - CACHÉ DERRIÈRE (1992)
Considéré par Jean-Jacques Goldman comme le meilleur album francophone de tous les temps, ce chef-d'œuvre intemporel n'a pas fini de nous surprendre et de nous émerveiller. Un bijou où chaque titre est un sommet. On a ici plusieurs justes hymnes à l'âme humaine (Le rêve du pêcheur, Le cantique mécanique, Le pouvoir des fleurs). Un album comme un antidote aux dérives sociétales contemporaines. La barre est toujours haute avec le duo Souchon-Voulzy à la barre, mais là on est particulièrement à la quintessence de leur art. Les guitares et les claviers sonnent comme des bateaux voguant, de la brume se levant, des mâts s'entrechoquant mélodieusement... On navigue entre les mers et dans les forêts légendaires, à la recherche de ce qui est caché derrière, de cet arrière-pays comme l'appelait Yves Bonnefoy. On se sent héros quand on écoute ce disque, au milieu d'une grande aventure humaine bouleversante et rafraîchissante, musicalement étincelante. Les arrangements de Laurent sont toujours perfectionnistes, longs et minutieux. Il nous fait nous impatienter mais Dieu que le résultat en vaut la peine ! Quelle fine dentelle ! Cet album clame l'éternelle victoire inéluctable de l'âme humaine sur le froid pragmatisme et les systèmes capitalistes. Quand on met en parallèle cet album avec l'album d'Alain C'est déjà ça qui sortira l'année suivante, on peut vraiment se demander ce qu'avait bien pu alors manger ou respirer Souchon pour être aussi inspiré, alignant à la pelle les textes d'un niveau que l'on touche d'ordinaire que peu de fois dans son existence d'auteur.
Considéré par Jean-Jacques Goldman comme le meilleur album francophone de tous les temps, ce chef-d'œuvre intemporel n'a pas fini de nous surprendre et de nous émerveiller. Un bijou où chaque titre est un sommet. On a ici plusieurs justes hymnes à l'âme humaine (Le rêve du pêcheur, Le cantique mécanique, Le pouvoir des fleurs). Un album comme un antidote aux dérives sociétales contemporaines. La barre est toujours haute avec le duo Souchon-Voulzy à la barre, mais là on est particulièrement à la quintessence de leur art. Les guitares et les claviers sonnent comme des bateaux voguant, de la brume se levant, des mâts s'entrechoquant mélodieusement... On navigue entre les mers et dans les forêts légendaires, à la recherche de ce qui est caché derrière, de cet arrière-pays comme l'appelait Yves Bonnefoy. On se sent héros quand on écoute ce disque, au milieu d'une grande aventure humaine bouleversante et rafraîchissante, musicalement étincelante. Les arrangements de Laurent sont toujours perfectionnistes, longs et minutieux. Il nous fait nous impatienter mais Dieu que le résultat en vaut la peine ! Quelle fine dentelle ! Cet album clame l'éternelle victoire inéluctable de l'âme humaine sur le froid pragmatisme et les systèmes capitalistes. Quand on met en parallèle cet album avec l'album d'Alain C'est déjà ça qui sortira l'année suivante, on peut vraiment se demander ce qu'avait bien pu alors manger ou respirer Souchon pour être aussi inspiré, alignant à la pelle les textes d'un niveau que l'on touche d'ordinaire que peu de fois dans son existence d'auteur.
FRANCIS CABREL - HORS SAISON (1999)
Hors-saison incarne la quintessence de l'art de Francis Cabrel, et cela même pour moi qui regrette pourtant que cet album soit quelque peu lisse comparé à ce qui est exposé par l'artiste d'Astaffort une quinzaine d'années plus tôt dans Quelqu'un de l'intérieur. Francis Cabrel est dans Hors-Saison bien enraciné des deux pieds dans le blues qu'il célèbre, et pourtant il reste toujours campé dans sa campagne agenaise. C'est là toute sa puissance, sa nature viscéralement attachée à ses origines, s'adaptant sans jamais se renier ni même se changer. Qu'on ne s'arrête pas trop sur le titre et la pochette de cet album, ce n'est pas seulement l'album d'un lieu déserté tel un site touristique au mois de novembre. Cette ambiance est loin d'être commune à tous les titres. Cabrel met du rythme et de la couleur dans sa poésie souvent mélancolique et parfois acerbe. On se promène dans cet album parfois dans du pur bonheur, un bonheur simple et ample comme sur les deux premiers singles extraits, Presque rien et Le reste du temps. Francis trouve un terrain commun entre son terroir et les champs de coton. On est toujours dans cet attachement à la nature qui le caractérise. Il nous bluffe en reprenant avec une délicate justesse du Otis Redding sur Depuis toujours (titre dont il a bien sûr adapté le texte en français). Et on ne cessera jamais de louer le goût artisanal de cette production haute-qualité d'une superstar.
Hors-saison incarne la quintessence de l'art de Francis Cabrel, et cela même pour moi qui regrette pourtant que cet album soit quelque peu lisse comparé à ce qui est exposé par l'artiste d'Astaffort une quinzaine d'années plus tôt dans Quelqu'un de l'intérieur. Francis Cabrel est dans Hors-Saison bien enraciné des deux pieds dans le blues qu'il célèbre, et pourtant il reste toujours campé dans sa campagne agenaise. C'est là toute sa puissance, sa nature viscéralement attachée à ses origines, s'adaptant sans jamais se renier ni même se changer. Qu'on ne s'arrête pas trop sur le titre et la pochette de cet album, ce n'est pas seulement l'album d'un lieu déserté tel un site touristique au mois de novembre. Cette ambiance est loin d'être commune à tous les titres. Cabrel met du rythme et de la couleur dans sa poésie souvent mélancolique et parfois acerbe. On se promène dans cet album parfois dans du pur bonheur, un bonheur simple et ample comme sur les deux premiers singles extraits, Presque rien et Le reste du temps. Francis trouve un terrain commun entre son terroir et les champs de coton. On est toujours dans cet attachement à la nature qui le caractérise. Il nous bluffe en reprenant avec une délicate justesse du Otis Redding sur Depuis toujours (titre dont il a bien sûr adapté le texte en français). Et on ne cessera jamais de louer le goût artisanal de cette production haute-qualité d'une superstar.
ALAIN SOUCHON - C'EST DÉJÀ ÇA (1993)
Alain dira souvent que ses trois chansons les plus réussies sont Ultra Moderne Solitude, Foule sentimentale et Sous les jupes des filles. Et ces deux dernières figurent sur ce même album. Sûr que l'inspiration l'a particulièrement investi ici. On est là dans un récital de son art. Ce virage des années 90, fatal à bien de grands artistes, a pour Souchon l'effet inverse de le faire encore grandir. Sa Foule Sentimentale semble être le cri du cœur de toute une population résistant à la gangrène électronisante qui semble gagner de partout. Alain caresse l'âme humaine, avec une grande sensibilité mais se montrant toutefois parfois cynique. L'engagement est toujours là, en particulier sur les titres Arlette Laguillier et C'est déjà ça. La drôlerie est toujours là, en particulier sur les titres Sans queue ni tête et L'Amour à la machine (deux tubes, mais presque tous les titres de cet opus seront des tubes). Le voyage proposé est introspectif, mais embrassant toute notre vie depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse et englobant l'humanité dans son ensemble. Musicalement, la patte de Laurent Voulzy est beaucoup moins présente que sur les précédents albums de la Souche, Laurent ne signant les compos que de quatre titres. Ce qui fait une orientation moins pop-rock et plus chanson française, ce qui n'est pas pour déplaire au sein de cette période qui semble vouloir ringardiser l'authenticité. Un album-phare qui représente mieux que n'importe lequel le savoir-faire de la chanson francophone. Bien sûr, je ne peux pas ne pas évoquer le titre Le Zèbre. Un titre écrit pour le film de Jean Poiret mettant en images la magistrale œuvre d'Alexandre Jardin. Un titre écrit quelques années plus tôt et repris ici sur cet album, une chanson qui fait figure d'hymne pour tous les zèbres. Souchon est depuis ses débuts le meilleur porte-parole de l'hypersensibilité et de nos cœurs qui resteront toujours des cœurs d'enfant.
Alain dira souvent que ses trois chansons les plus réussies sont Ultra Moderne Solitude, Foule sentimentale et Sous les jupes des filles. Et ces deux dernières figurent sur ce même album. Sûr que l'inspiration l'a particulièrement investi ici. On est là dans un récital de son art. Ce virage des années 90, fatal à bien de grands artistes, a pour Souchon l'effet inverse de le faire encore grandir. Sa Foule Sentimentale semble être le cri du cœur de toute une population résistant à la gangrène électronisante qui semble gagner de partout. Alain caresse l'âme humaine, avec une grande sensibilité mais se montrant toutefois parfois cynique. L'engagement est toujours là, en particulier sur les titres Arlette Laguillier et C'est déjà ça. La drôlerie est toujours là, en particulier sur les titres Sans queue ni tête et L'Amour à la machine (deux tubes, mais presque tous les titres de cet opus seront des tubes). Le voyage proposé est introspectif, mais embrassant toute notre vie depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse et englobant l'humanité dans son ensemble. Musicalement, la patte de Laurent Voulzy est beaucoup moins présente que sur les précédents albums de la Souche, Laurent ne signant les compos que de quatre titres. Ce qui fait une orientation moins pop-rock et plus chanson française, ce qui n'est pas pour déplaire au sein de cette période qui semble vouloir ringardiser l'authenticité. Un album-phare qui représente mieux que n'importe lequel le savoir-faire de la chanson francophone. Bien sûr, je ne peux pas ne pas évoquer le titre Le Zèbre. Un titre écrit pour le film de Jean Poiret mettant en images la magistrale œuvre d'Alexandre Jardin. Un titre écrit quelques années plus tôt et repris ici sur cet album, une chanson qui fait figure d'hymne pour tous les zèbres. Souchon est depuis ses débuts le meilleur porte-parole de l'hypersensibilité et de nos cœurs qui resteront toujours des cœurs d'enfant.
MILES DAVIS - KIND OF BLUE (1959)
Le chef-d'œuvre absolu du jazz. Sans doute déjà parce qu'il combine à merveille l'approche cool et l'approche hard. Parce qu'aussi Miles réunit autour de lui une sacrée brochette de virtuoses, 2 de ses 6 accompagnateurs sont les meilleurs du monde à leur instrument respectif (Evans au piano et Coltrane au sax ténor). Monsieur Davis réussit encore à canaliser ici le génie impétueux de Monsieur Coltrane. C'est un album qui est au plus pur de l'essence du jazz, on est dans quelque chose de peu préparé, de beaucoup improvisé. Miles Davis réussit là à s'affranchir des obstacles qu'il rencontre à sa créativité. On est au summum de la démarche jazz, on pose des bases novatrices tout en célébrant le travail accompli auparavant. Le son et la rythmique sonnent diablement bien, on est pile au positionnement le plus juste de ce qui peut se faire de mieux. Evans et Davis nous entraînent dans un merveilleux voyage où cette sorte de bleu révèle des dégradés sans fin.
Le chef-d'œuvre absolu du jazz. Sans doute déjà parce qu'il combine à merveille l'approche cool et l'approche hard. Parce qu'aussi Miles réunit autour de lui une sacrée brochette de virtuoses, 2 de ses 6 accompagnateurs sont les meilleurs du monde à leur instrument respectif (Evans au piano et Coltrane au sax ténor). Monsieur Davis réussit encore à canaliser ici le génie impétueux de Monsieur Coltrane. C'est un album qui est au plus pur de l'essence du jazz, on est dans quelque chose de peu préparé, de beaucoup improvisé. Miles Davis réussit là à s'affranchir des obstacles qu'il rencontre à sa créativité. On est au summum de la démarche jazz, on pose des bases novatrices tout en célébrant le travail accompli auparavant. Le son et la rythmique sonnent diablement bien, on est pile au positionnement le plus juste de ce qui peut se faire de mieux. Evans et Davis nous entraînent dans un merveilleux voyage où cette sorte de bleu révèle des dégradés sans fin.
MARVIN GAYE - WHAT'S GOING ON (1971)
Le disque visionnaire par excellence, le chef-d'œuvre absolu de la Soul. L'album qui sort la musique "noire" de son ghetto. Un album-concept aux allures prophétiques. Un enregistrement qui sublime la musique du vingtième siècle et lui fait acquérir des titres de noblesse, réunissant une espèce de synthèse entre tous les genres majeurs. De la très grande musique, et un message d'amour universel qui réchauffe les cœurs. L'œuvre ambitieuse d'un homme qui dépasse son horizon, campé avec une humble dignité, et qui va avec succès là où on ne l'attendait pas. What's Going On s'engage de façon globale dans le devenir de la Terre, en abordant de front les questions environnementales, sociétales et politiques. Marvin se fait la voix des petits et il le fait avec une infinie bienveillance et une sage lucidité teintée d'espoir. Il réalise une grande œuvre humaniste dont l'esprit est à merveille illustré par la pochette. On sent dans ce disque une âme de pasteur.
Le disque visionnaire par excellence, le chef-d'œuvre absolu de la Soul. L'album qui sort la musique "noire" de son ghetto. Un album-concept aux allures prophétiques. Un enregistrement qui sublime la musique du vingtième siècle et lui fait acquérir des titres de noblesse, réunissant une espèce de synthèse entre tous les genres majeurs. De la très grande musique, et un message d'amour universel qui réchauffe les cœurs. L'œuvre ambitieuse d'un homme qui dépasse son horizon, campé avec une humble dignité, et qui va avec succès là où on ne l'attendait pas. What's Going On s'engage de façon globale dans le devenir de la Terre, en abordant de front les questions environnementales, sociétales et politiques. Marvin se fait la voix des petits et il le fait avec une infinie bienveillance et une sage lucidité teintée d'espoir. Il réalise une grande œuvre humaniste dont l'esprit est à merveille illustré par la pochette. On sent dans ce disque une âme de pasteur.
PINK FLOYD - THE DIVISION BELL (1994)
Je suis prêt à le parier, vous étiez sûrs de trouver ici The Dark Side of the Moon. Eh ben non ! Mon choix se porte sur The Division Bell. Je sais, il peut paraître inconvenant de désigner meilleur album des Pink Floyd un album où Roger Waters n'est pas, mais je trouve vraiment que cet opus mérite d'être l'élu. Le son est moins expérimental, plus naturel. L'art de Pink Floyd est ici sacralisé, magnifié, un peu densifié. On est moins dans le bricolage et plus dans une musique savante. Et l'ombre de Waters plane, celui-ci étant évoqué de ci de là. On est dans un voyage musical dans des contrées sans fin où les grands espaces se mélangent avec des univers parallèles ou supraterrestres. Cet album se termine en beauté avec le céleste High hopes qui semble résonner sans fin dans l'infini.
Je suis prêt à le parier, vous étiez sûrs de trouver ici The Dark Side of the Moon. Eh ben non ! Mon choix se porte sur The Division Bell. Je sais, il peut paraître inconvenant de désigner meilleur album des Pink Floyd un album où Roger Waters n'est pas, mais je trouve vraiment que cet opus mérite d'être l'élu. Le son est moins expérimental, plus naturel. L'art de Pink Floyd est ici sacralisé, magnifié, un peu densifié. On est moins dans le bricolage et plus dans une musique savante. Et l'ombre de Waters plane, celui-ci étant évoqué de ci de là. On est dans un voyage musical dans des contrées sans fin où les grands espaces se mélangent avec des univers parallèles ou supraterrestres. Cet album se termine en beauté avec le céleste High hopes qui semble résonner sans fin dans l'infini.
JACQUES BREL - LA VALSE À MILLE TEMPS (1959)
Il est difficile de choisir un titre parmi la colossale discographie du monument Brel qui frappe là "où le cœur se fêle". La valse à mille temps finit par s'imposer car il a une place un peu centrale dans la carrière du Grand Jacques, et qu'il est maîtrisé de bout en bout. Et que les thèmes sont variés, ce disque est particulièrement abouti et révèle mieux qu'un autre toute l'étendue du surnaturel talent de l'artiste. Et on ne peut bien sûr occulter qu'il recèle deux des trois titres majeurs de l'artiste (La valse à mille temps qui a donné son nom à l'album a posteriori, et Ne me quitte pas - Quand on n'a que l'amour étant bien sûr le troisième). La fougue de Jacques sert ici différents traits et sait quand il le faut se retourner contre lui-même avec une herculéenne force dans la faiblesse et le désespoir. Musicalement, on est dans tout ce qui fait l'éclat de la French Touch de l'époque, ce son pariso-bruxellois que la planète entière nous enviait. On est toujours impressionné par la dextérité de l'écriture et du flot vocal enflammé qui la porte.
Il est difficile de choisir un titre parmi la colossale discographie du monument Brel qui frappe là "où le cœur se fêle". La valse à mille temps finit par s'imposer car il a une place un peu centrale dans la carrière du Grand Jacques, et qu'il est maîtrisé de bout en bout. Et que les thèmes sont variés, ce disque est particulièrement abouti et révèle mieux qu'un autre toute l'étendue du surnaturel talent de l'artiste. Et on ne peut bien sûr occulter qu'il recèle deux des trois titres majeurs de l'artiste (La valse à mille temps qui a donné son nom à l'album a posteriori, et Ne me quitte pas - Quand on n'a que l'amour étant bien sûr le troisième). La fougue de Jacques sert ici différents traits et sait quand il le faut se retourner contre lui-même avec une herculéenne force dans la faiblesse et le désespoir. Musicalement, on est dans tout ce qui fait l'éclat de la French Touch de l'époque, ce son pariso-bruxellois que la planète entière nous enviait. On est toujours impressionné par la dextérité de l'écriture et du flot vocal enflammé qui la porte.
DANIEL BALAVOINE - SAUVER L'AMOUR (1985)
Beaucoup n'avaient pas cru possible que Balavoine fasse un jour mieux que son album précédent Loin des yeux de l'Occident. Et pourtant, il a ici fait mieux, et dès le suivant, seulement deux ans après. Aussi on peut imaginer que s'il n'était pas mort quelques mois après la sortie de Sauver l'Amour, Daniel aurait fait encore mieux avec l'album suivant. Cela paraît presque impossible, mais cet éternel jeune homme avait commencé à nous habituer à faire reculer les frontières de l'impossible. On ne peut que saluer, en parlant de cet album ultime, la prodigieuse œuvre que nous a laissée le natif d'Alençon. Un homme mort à 33 ans qui est à la tête d'un des dix plus grands répertoires de la Chanson Française. Balavoine a signé en peu d'années une des œuvres les plus riches que l'on peut trouver, nous faisant frémir à l'idée de tout ce qu'il aurait réalisé s'il avait vécu jusqu'à un âge décent pour mourir. Sauver l'Amour est un ouvrage grandiose, chaque titre est une bombe toute en finesse. Le son de cet opus est inédit et nous prend aux tripes, révèle un circulaire éclairage sanguin et lucide sur le Monde. Daniel ne se résigne pas, il laisse toujours autant éclater sa rage, mais il le fait là avec plus de finesse, avec la force d'y croire même à la fin du crépusculaire Blues est blanc. Il trouve un moyen de nous toucher un peu mystérieux, présent partout mais particulièrement bien illustré par l'ambiance musicale de Tous les cris les S.O.S et les notes bouleversantes, enivrantes et quelque peu flippantes d'Un enfant assis attend la pluie. Balavoine n'a peut-être pas trouver qu'est-ce qui pourrait sauver l'amour, mais l'intensité qu'il met dans cette quête laisse à penser qu'il était sur une piste. C'est toujours impressionnant de voir comment DB parvient de son âme torturée et révoltée à produire une œuvre constructive remettant l'homme dans son contexte le dépassant, remettant le français face à la vérité de sa condition dans un Monde bien plus grand et divers qu'il ne le pense, et qui souffre souvent bien plus que lui. Une prise de conscience qu'il ne fait pas en minimisant les problèmes de chacun mais en les mettant juste en perspective, révélant une certaine sagesse qui est toujours bluffante de la part de cet écorché vif. On pourrait bien sûr dire à nouveau à quel point L'Aziza et Tous les cris les S.O.S sont particulièrement fédérateurs et puissants et qu'ils ont tout du titre parfait, mais c'est le cas de presque tous les titres présents ici.
Beaucoup n'avaient pas cru possible que Balavoine fasse un jour mieux que son album précédent Loin des yeux de l'Occident. Et pourtant, il a ici fait mieux, et dès le suivant, seulement deux ans après. Aussi on peut imaginer que s'il n'était pas mort quelques mois après la sortie de Sauver l'Amour, Daniel aurait fait encore mieux avec l'album suivant. Cela paraît presque impossible, mais cet éternel jeune homme avait commencé à nous habituer à faire reculer les frontières de l'impossible. On ne peut que saluer, en parlant de cet album ultime, la prodigieuse œuvre que nous a laissée le natif d'Alençon. Un homme mort à 33 ans qui est à la tête d'un des dix plus grands répertoires de la Chanson Française. Balavoine a signé en peu d'années une des œuvres les plus riches que l'on peut trouver, nous faisant frémir à l'idée de tout ce qu'il aurait réalisé s'il avait vécu jusqu'à un âge décent pour mourir. Sauver l'Amour est un ouvrage grandiose, chaque titre est une bombe toute en finesse. Le son de cet opus est inédit et nous prend aux tripes, révèle un circulaire éclairage sanguin et lucide sur le Monde. Daniel ne se résigne pas, il laisse toujours autant éclater sa rage, mais il le fait là avec plus de finesse, avec la force d'y croire même à la fin du crépusculaire Blues est blanc. Il trouve un moyen de nous toucher un peu mystérieux, présent partout mais particulièrement bien illustré par l'ambiance musicale de Tous les cris les S.O.S et les notes bouleversantes, enivrantes et quelque peu flippantes d'Un enfant assis attend la pluie. Balavoine n'a peut-être pas trouver qu'est-ce qui pourrait sauver l'amour, mais l'intensité qu'il met dans cette quête laisse à penser qu'il était sur une piste. C'est toujours impressionnant de voir comment DB parvient de son âme torturée et révoltée à produire une œuvre constructive remettant l'homme dans son contexte le dépassant, remettant le français face à la vérité de sa condition dans un Monde bien plus grand et divers qu'il ne le pense, et qui souffre souvent bien plus que lui. Une prise de conscience qu'il ne fait pas en minimisant les problèmes de chacun mais en les mettant juste en perspective, révélant une certaine sagesse qui est toujours bluffante de la part de cet écorché vif. On pourrait bien sûr dire à nouveau à quel point L'Aziza et Tous les cris les S.O.S sont particulièrement fédérateurs et puissants et qu'ils ont tout du titre parfait, mais c'est le cas de presque tous les titres présents ici.
MARC LAVOINE - LES AMOURS DU DIMANCHE (1989)
Le poète Marc signe ici un petit bijou dans son écrin de velours. Il rééditera l'expérience plusieurs fois ensuite, mais la fraîcheur des Amours du Dimanche en fera toujours son œuvre suprême. Lavoine, comme moi natif de l'Essonne et avec lequel je partage beaucoup du référentiel culturel, réalise le mélange parfait entre la chanson romantique et la grande littérature française. Il est certainement le parolier dont les textes s'inscrivent le plus dans le prolongement de la production poétique de la France du début du XXème siècle, parfois via Gainsbourg. Les musiques de son compositeur Fabrice Aboulker illustrent parfaitement cette âme poétique de Marco. La teinte de ce disque est assez sombre dans son ensemble, mais illuminée par certains titres pleins de vie et d'optimisme comme entre autres le sautillant Rue Fontaine. L'intensité dramatique de cet album est de toute beauté, évoquant la nature souvent à l'automne, mais parfois en hiver ou au printemps. Lavoine se livre en profondeur comme les auteurs-chanteurs masculins (hormis Francis Cabrel) le font trop rarement. On est toujours troublé par autant de délicatesse et d'inclinaison au vertige, par la cohabitation de tant de virilité avec tant de féminité.
Le poète Marc signe ici un petit bijou dans son écrin de velours. Il rééditera l'expérience plusieurs fois ensuite, mais la fraîcheur des Amours du Dimanche en fera toujours son œuvre suprême. Lavoine, comme moi natif de l'Essonne et avec lequel je partage beaucoup du référentiel culturel, réalise le mélange parfait entre la chanson romantique et la grande littérature française. Il est certainement le parolier dont les textes s'inscrivent le plus dans le prolongement de la production poétique de la France du début du XXème siècle, parfois via Gainsbourg. Les musiques de son compositeur Fabrice Aboulker illustrent parfaitement cette âme poétique de Marco. La teinte de ce disque est assez sombre dans son ensemble, mais illuminée par certains titres pleins de vie et d'optimisme comme entre autres le sautillant Rue Fontaine. L'intensité dramatique de cet album est de toute beauté, évoquant la nature souvent à l'automne, mais parfois en hiver ou au printemps. Lavoine se livre en profondeur comme les auteurs-chanteurs masculins (hormis Francis Cabrel) le font trop rarement. On est toujours troublé par autant de délicatesse et d'inclinaison au vertige, par la cohabitation de tant de virilité avec tant de féminité.
STEVIE WONDER - SONGS IN THE KEY OF LIFE (1976)
Un des trois albums que notre Patrick Bruel national prendrait sur une île déserte... Songs in the key of life est l'apogée de l'art de Stevie Wonder, cet homme qui est sûrement l'un des quinze plus grands prodiges musicaux de l'Histoire. Un Stevie qui s'orientera vers d'autres horizons un peu moins réjouissants après cet opus. Ce double-album respire l'abondance, l'abondance de génie. Les petites pépites s'enchaînent dans un voyage musical de toute beauté. La qualité côtoie ici la quantité. La quantité de tubes. On vibre particulièrement sur Sir Duke, hommage de grande intensité musicale à Duke Ellington. On ne peut aussi que saluer le piano d'Herbie Hancock sur As et le titre ouvrant l'album, le magnifique Isn't she Lovely célébrant joyeusement la naissance d'Aisha, la première fille de Stevie. Un heureux papa qui porte plus haut que jamais son optimisme et la grâce dont il se sent investi et qu'il sait si bien communiquer.
Un des trois albums que notre Patrick Bruel national prendrait sur une île déserte... Songs in the key of life est l'apogée de l'art de Stevie Wonder, cet homme qui est sûrement l'un des quinze plus grands prodiges musicaux de l'Histoire. Un Stevie qui s'orientera vers d'autres horizons un peu moins réjouissants après cet opus. Ce double-album respire l'abondance, l'abondance de génie. Les petites pépites s'enchaînent dans un voyage musical de toute beauté. La qualité côtoie ici la quantité. La quantité de tubes. On vibre particulièrement sur Sir Duke, hommage de grande intensité musicale à Duke Ellington. On ne peut aussi que saluer le piano d'Herbie Hancock sur As et le titre ouvrant l'album, le magnifique Isn't she Lovely célébrant joyeusement la naissance d'Aisha, la première fille de Stevie. Un heureux papa qui porte plus haut que jamais son optimisme et la grâce dont il se sent investi et qu'il sait si bien communiquer.
TERENCE TRENT D'ARBY - SYMPHONY OR DAMN (1993)
Si TTDA ne s'était pas tant vanté dès le tout début de sa carrière, peut-être que ce seraient les autres qui l'auraient fait. Mais comment complimenter un homme qui annonce d'emblée se considérer comme la réincarnation de Mozart et n'avoir comme concurrent dans sa catégorie que le seul Prince ? Un homme dont le melon est tel que donnant dans le mysticisme il se fera appeler ensuite Maïtreya Sananda (accouplage des deux noms indiens du Christ). Mais il faut le reconnaître, il est rare de trouver un album de Terence qui ne soit pas une petite merveille. Symphony or Damn est particulièrement virtuose. Tour à tour impétueux et délicat, on entend un artiste rare évoluant partout avec une facilité déconcertante. Il serait bête de ne retenir de cet opus que le prodigieux monument qu'est le bien-nommé Delicate qu'il interprète aux côtés de Des'Ree. Terence sait être envoûtant dans ses textes, il serait sans doute génialissime s'il ne tombait pas si facilement dans le péché d'orgueil. L'album est tissé comme une splendide toile faisant un peu la démonstration de son talent. TTDA flirte avec le rap et sort même à l'occasion un gros son digne du metal, illustrant le titre de l'album il nous propose le choix entre le paradis et l'enfer, entre la violence et la douceur.
Si TTDA ne s'était pas tant vanté dès le tout début de sa carrière, peut-être que ce seraient les autres qui l'auraient fait. Mais comment complimenter un homme qui annonce d'emblée se considérer comme la réincarnation de Mozart et n'avoir comme concurrent dans sa catégorie que le seul Prince ? Un homme dont le melon est tel que donnant dans le mysticisme il se fera appeler ensuite Maïtreya Sananda (accouplage des deux noms indiens du Christ). Mais il faut le reconnaître, il est rare de trouver un album de Terence qui ne soit pas une petite merveille. Symphony or Damn est particulièrement virtuose. Tour à tour impétueux et délicat, on entend un artiste rare évoluant partout avec une facilité déconcertante. Il serait bête de ne retenir de cet opus que le prodigieux monument qu'est le bien-nommé Delicate qu'il interprète aux côtés de Des'Ree. Terence sait être envoûtant dans ses textes, il serait sans doute génialissime s'il ne tombait pas si facilement dans le péché d'orgueil. L'album est tissé comme une splendide toile faisant un peu la démonstration de son talent. TTDA flirte avec le rap et sort même à l'occasion un gros son digne du metal, illustrant le titre de l'album il nous propose le choix entre le paradis et l'enfer, entre la violence et la douceur.
ELTON JOHN - GOODBYE YELLOW BRICK ROAD (1973)
Elton se réfère ici au magicien d'Oz pour signer son meilleur chef-d'oeuvre (lui qui est un des rares artistes à en avoir produit quelques-uns). Un magicien d'Oz qui inspire décidément les plus grands puisque Michael Jackson aussi s'y plongera. On pourrait d'ailleurs en présentant ce disque parler de Sir Elton John comme du magicien de Pinner (faubourg londonien où il est né). La France réussit particulièrement bien à l'homme qui joue du piano debout, puisque c'est au château d'Hérouville qu'il enregistre ce mythique album. Non seulement cette œuvre est particulièrement inspirée, mais en plus elle a aussi le mérite d'être touffue puisqu'Elton nous livre dix-sept titres, quelque chose de rare surtout pour l'époque. Le voyage est dense, coloré, enchaînant les tableaux de maître. Et ce qu'Elton chausse ses habits de rockeur endiablé ou qu'il se mette seul au piano pour rendre hommage à Marilyn Monroe. Il y a des impressions très fortes sur ce disque, comme des échos merveilleux. On a conscience d'être haut, dans de la belle et grande musique.
Elton se réfère ici au magicien d'Oz pour signer son meilleur chef-d'oeuvre (lui qui est un des rares artistes à en avoir produit quelques-uns). Un magicien d'Oz qui inspire décidément les plus grands puisque Michael Jackson aussi s'y plongera. On pourrait d'ailleurs en présentant ce disque parler de Sir Elton John comme du magicien de Pinner (faubourg londonien où il est né). La France réussit particulièrement bien à l'homme qui joue du piano debout, puisque c'est au château d'Hérouville qu'il enregistre ce mythique album. Non seulement cette œuvre est particulièrement inspirée, mais en plus elle a aussi le mérite d'être touffue puisqu'Elton nous livre dix-sept titres, quelque chose de rare surtout pour l'époque. Le voyage est dense, coloré, enchaînant les tableaux de maître. Et ce qu'Elton chausse ses habits de rockeur endiablé ou qu'il se mette seul au piano pour rendre hommage à Marilyn Monroe. Il y a des impressions très fortes sur ce disque, comme des échos merveilleux. On a conscience d'être haut, dans de la belle et grande musique.
ABBA - VOULEZ-VOUS (1979)
C'est l'album de l'apogée pour les 4 de Suède qui sont en train de devenir comparables par le succès aux 4 de Liverpool. Ils sont au sommet de leur inspiration et surfent ici sur la vague disco. On notera toujours avec surprise la transition inattendue entre les paillettes et les riffs bondissants du titre Voulez-Vous et l'hymne acoustique I have a dream chanté avec une chorale d'enfants. Il n'y a pas dans ce disque de titre faible ni de titre moins abordable au grand-public, tout est tubesque. Personnellement, je trouve le titre Does your mother know un peu de mauvais goût, en tout cas d'un bas niveau par rapport au reste. On pense un peu à une chanson-gag, mais le succès de celle-ci me fait un peu taire mon jugement. Voulez-vous est un opus réjouissant, souvent conçu avec des arabesques mélodiques, un album qui donne envie de chanter, un peu trop lisse mais qui nous fait quand même souvent vibrer. L'album se termine en bouquet final avec les explosives vagues incendiaires de Kisses of Fire.
C'est l'album de l'apogée pour les 4 de Suède qui sont en train de devenir comparables par le succès aux 4 de Liverpool. Ils sont au sommet de leur inspiration et surfent ici sur la vague disco. On notera toujours avec surprise la transition inattendue entre les paillettes et les riffs bondissants du titre Voulez-Vous et l'hymne acoustique I have a dream chanté avec une chorale d'enfants. Il n'y a pas dans ce disque de titre faible ni de titre moins abordable au grand-public, tout est tubesque. Personnellement, je trouve le titre Does your mother know un peu de mauvais goût, en tout cas d'un bas niveau par rapport au reste. On pense un peu à une chanson-gag, mais le succès de celle-ci me fait un peu taire mon jugement. Voulez-vous est un opus réjouissant, souvent conçu avec des arabesques mélodiques, un album qui donne envie de chanter, un peu trop lisse mais qui nous fait quand même souvent vibrer. L'album se termine en bouquet final avec les explosives vagues incendiaires de Kisses of Fire.
BONNIE TYLER - FASTER THAN THE SPEED OF NIGHT (1983)
On aurait bien sûr aimé que Jim Steinman, producteur de l'ouvrage, signe la totalité des titres de cet album. Surtout que l'homme est particulièrement inspiré, en témoignent les deux chansons qu'il signe ici, les mythiques et suprêmement intenses Total eclipse of the heart et Faster than the speed of night. Un auteur-compositeur en feu et une chanteuse qui l'est tout autant dans cet album plein de force incendiaire, déchirant de crédible dramaturgie. Bonnie est au top de sa forme. Et toujours ces longs titres qui la caractérisent, ces titres d'environ sept minutes qui prennent le temps de s'étayer, enrageant les programmateurs de radio mais ravissant les mélomanes. Le format 3:30 permet effectivement difficilement l'intensité émotionnelle. Le fait que le classique et le jazz nous mènent plus facilement à l'extase que la musique pop, ce n'est pas une question de genre, c'est surtout dû à ce formatage. Faire monter l'émotion et l'orchestrer jusqu'au sublime, cela prend un certain temps. Il faut planter le décor, nous capter l'âme et la faire vibrer. Ici, on est affranchi de ces règles limitantes, on est dans l'art de Jim qui fait du rock comme on fait du classique, avec l'intensité de l'opéra et des grandes symphonies. Un Steinman qui nous surprend donc en ne faisant que deux titres lui-même, mais qui revisite de façon dantesque le Have you ever seen the rain de John Fogerty. Lorsque l'on entend ce titre joué de la sorte, on a l'impression qu'il s'agit d'une compo de Jim. Madame Tyler sublime aussi ici un titre de Bryan Adams, Straight from the heart, qui gagne singulièrement en volume à être ainsi repris. L'impression de puzzle, qui nous gagne lorsque l'on regarde la liste hétéroclite des auteurs-compositeurs des titres de cet album, n'est donc pas décelable à l'oreille. Le tout s'orchestre à merveille, porté par la voix rageuse ou poignante de la galloise et par la direction musicale de Steinman. Ils sont ici lancés comme une Formule 1 haut-de-gamme qui ferait feu de tout bois, nous faisant dresser les poils à chaque virage.
On aurait bien sûr aimé que Jim Steinman, producteur de l'ouvrage, signe la totalité des titres de cet album. Surtout que l'homme est particulièrement inspiré, en témoignent les deux chansons qu'il signe ici, les mythiques et suprêmement intenses Total eclipse of the heart et Faster than the speed of night. Un auteur-compositeur en feu et une chanteuse qui l'est tout autant dans cet album plein de force incendiaire, déchirant de crédible dramaturgie. Bonnie est au top de sa forme. Et toujours ces longs titres qui la caractérisent, ces titres d'environ sept minutes qui prennent le temps de s'étayer, enrageant les programmateurs de radio mais ravissant les mélomanes. Le format 3:30 permet effectivement difficilement l'intensité émotionnelle. Le fait que le classique et le jazz nous mènent plus facilement à l'extase que la musique pop, ce n'est pas une question de genre, c'est surtout dû à ce formatage. Faire monter l'émotion et l'orchestrer jusqu'au sublime, cela prend un certain temps. Il faut planter le décor, nous capter l'âme et la faire vibrer. Ici, on est affranchi de ces règles limitantes, on est dans l'art de Jim qui fait du rock comme on fait du classique, avec l'intensité de l'opéra et des grandes symphonies. Un Steinman qui nous surprend donc en ne faisant que deux titres lui-même, mais qui revisite de façon dantesque le Have you ever seen the rain de John Fogerty. Lorsque l'on entend ce titre joué de la sorte, on a l'impression qu'il s'agit d'une compo de Jim. Madame Tyler sublime aussi ici un titre de Bryan Adams, Straight from the heart, qui gagne singulièrement en volume à être ainsi repris. L'impression de puzzle, qui nous gagne lorsque l'on regarde la liste hétéroclite des auteurs-compositeurs des titres de cet album, n'est donc pas décelable à l'oreille. Le tout s'orchestre à merveille, porté par la voix rageuse ou poignante de la galloise et par la direction musicale de Steinman. Ils sont ici lancés comme une Formule 1 haut-de-gamme qui ferait feu de tout bois, nous faisant dresser les poils à chaque virage.
ELLA FITZGERALD & LOUIS ARMSTRONG - ELLA AND LOUIS (1956)
"Les 2 plus belles voix du monde", fait dire Claude Lelouch à Sandrine Bonnaire et Johnny Hallyday au sujet de ce disque (dans le film Salaud, on t'aime !). C'est peut-être bien vrai... Ce premier des trois opus que ces deux monstres sacrés enregistreront ensemble est de loin le plus réussi, le plus réjouissant. Ces voix semblent vraiment suprêmement hors normes, au-dessus de tout. Et elles font mieux que s'ajouter, elles réalisent magistralement le 1+1=3. Du bonheur, du grand frisson, de la magie !
"Les 2 plus belles voix du monde", fait dire Claude Lelouch à Sandrine Bonnaire et Johnny Hallyday au sujet de ce disque (dans le film Salaud, on t'aime !). C'est peut-être bien vrai... Ce premier des trois opus que ces deux monstres sacrés enregistreront ensemble est de loin le plus réussi, le plus réjouissant. Ces voix semblent vraiment suprêmement hors normes, au-dessus de tout. Et elles font mieux que s'ajouter, elles réalisent magistralement le 1+1=3. Du bonheur, du grand frisson, de la magie !
MC SOLAAR - PROSE COMBAT (1994)
Le chef-d'œuvre absolu du rap français. Et sûrement tout simplement l'album le plus riche de l'histoire du hip-hop international. Le seul bémol que j'émettrais est musical, je regrette toujours un peu qu'on n'ait plus cette atmosphère jazz qui faisait la force de Qui sème le vent récolte le tempo, son opus précédent. MC Solaar tisse ici une œuvre remarquable au service des mots et d'une sensibilité personnelle nourrie de références tout azimut. Il y a dans ce disque une fibre littéraire de haut vol. Et pourtant, le tout est conçu un peu sur le mode de l'improvisé, de l'instantané, du documentaire. Prose combat est un album de grande qualité qui n'oublie pas d'être tubesque. C'est cool, mais parfois nerveux et acerbe. La voix d'MC Solaar est toujours du miel à nos oreilles, son flow nous caresse les tympans, nous réchauffe l'âme, ne nous agresse jamais. Les scènes s'enchaînent et nous font voyager, les mots s'incarnant comme rarement en images. Solaar était conscient qu'il ne pourrait jamais faire mieux, et il n'a jamais essayé de le faire, donnant par la suite toujours l'impression de sous-exploiter son talent. Signant une œuvre personnelle, Claude MC n'en oublie pas ici pourtant de jouer son rôle de fer de lance du hip-hop français en invitant bien sûr son frère d'armes Bambi Cruz, mais aussi Ménélik et Les Sages Poètes de la Rue sur le titre mythique L'NMIACCd'HTCK72KPDP. Un must, un témoignage fidèle de tout un pan de vie. Le ciment de tout un mouvement culturel, à écouter et à réécouter...
Le chef-d'œuvre absolu du rap français. Et sûrement tout simplement l'album le plus riche de l'histoire du hip-hop international. Le seul bémol que j'émettrais est musical, je regrette toujours un peu qu'on n'ait plus cette atmosphère jazz qui faisait la force de Qui sème le vent récolte le tempo, son opus précédent. MC Solaar tisse ici une œuvre remarquable au service des mots et d'une sensibilité personnelle nourrie de références tout azimut. Il y a dans ce disque une fibre littéraire de haut vol. Et pourtant, le tout est conçu un peu sur le mode de l'improvisé, de l'instantané, du documentaire. Prose combat est un album de grande qualité qui n'oublie pas d'être tubesque. C'est cool, mais parfois nerveux et acerbe. La voix d'MC Solaar est toujours du miel à nos oreilles, son flow nous caresse les tympans, nous réchauffe l'âme, ne nous agresse jamais. Les scènes s'enchaînent et nous font voyager, les mots s'incarnant comme rarement en images. Solaar était conscient qu'il ne pourrait jamais faire mieux, et il n'a jamais essayé de le faire, donnant par la suite toujours l'impression de sous-exploiter son talent. Signant une œuvre personnelle, Claude MC n'en oublie pas ici pourtant de jouer son rôle de fer de lance du hip-hop français en invitant bien sûr son frère d'armes Bambi Cruz, mais aussi Ménélik et Les Sages Poètes de la Rue sur le titre mythique L'NMIACCd'HTCK72KPDP. Un must, un témoignage fidèle de tout un pan de vie. Le ciment de tout un mouvement culturel, à écouter et à réécouter...
KHALED - KENZA (1999)
Pour ce dixième album studio, Khaled Hadj Ibrahim, le "Roi du Raï", a été cherché son inspiration aux pieds des Pyramides. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que celles-ci, devenues quelque peu stériles pour l'Egypte actuelle, ont été inspirantes pour l'enfant d'Oran. L'album se veut ambitieux, et il tient son pari. Khaled est au top de sa popularité, et une fois n'est pas coutume, cette apogée populaire est aussi une apogée artistique. On aurait pu craindre que l'immense succès d'Aïcha l'ait entraîné à se renier et à faire une production commerciale surfant sur son nouveau statut de star de la chanson française, on est vite rassuré, il n'en est rien. Pour ce qui est de la chanson française, Khaled lui garde la même place que sur Sahra, son album précédent. C'est-à-dire uniquement deux titres, toujours signés de la patte experte de Jean-Jacques Goldman. Mais même là on ne surfe pas sur le succès, les deux nouveaux titres de JJG pour l'Algérien sont des titres surprenants, et moins tubesques qu'Aïcha (le second, Derwiche tourneur, qui clôture l'album, est d'ailleurs plus traditionnellement oriental que tous les autres morceaux du disque). Khaled n'oublie pas d'agrémenter cet opus de symboles forts en reprenant l'incontournable hymne à la paix (le Imagine de John Lennon) en compagnie de l'Israélienne Noa, ainsi qu'un succès d'Idir (El Harba Wine - initialement Zwit Rwit), réécrit et interprété aux côtés de l'Indienne Amar (celle-ci a participé à la réécriture de la chanson, rédigeant des couplets en hindi). En dehors de ces quatre titres évoqués, Khaled est l'auteur-compositeur de l'ensemble, et ses compositions sont plus étoffées que sur ses disques précédents. Après avoir popularisé et exporté le Raï, notre homme parvient ici à le sublimer. Kenza est à la fois une belle œuvre personnelle, un disque dansant et un melting-pot réussi. L'album précédent portait le prénom de sa première fille, Sahra, celui-ci porte le prénom de Kenza, sa deuxième fille, mais si on peut trouver le concept de ces deux disques similaires, Kenza est loin de se contenter de reprendre la recette qui a marché, il l'enrichit copieusement. De ce disque, on peut juste regretter ses successeurs, l'artiste n'ayant pas poursuivi dans cette voie et ayant pour différentes raisons vu ses horizons se restreindre dans les années suivantes. Mais si un album est porteur du passé d'un artiste, il ne peut en aucun cas se voir imputé son futur... Ce que l'on retiendra, c'est que sous le soleil du désir égyptien, Khaled a mystérieusement trouvé de quoi composer des arcs-en-ciel.
Pour ce dixième album studio, Khaled Hadj Ibrahim, le "Roi du Raï", a été cherché son inspiration aux pieds des Pyramides. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que celles-ci, devenues quelque peu stériles pour l'Egypte actuelle, ont été inspirantes pour l'enfant d'Oran. L'album se veut ambitieux, et il tient son pari. Khaled est au top de sa popularité, et une fois n'est pas coutume, cette apogée populaire est aussi une apogée artistique. On aurait pu craindre que l'immense succès d'Aïcha l'ait entraîné à se renier et à faire une production commerciale surfant sur son nouveau statut de star de la chanson française, on est vite rassuré, il n'en est rien. Pour ce qui est de la chanson française, Khaled lui garde la même place que sur Sahra, son album précédent. C'est-à-dire uniquement deux titres, toujours signés de la patte experte de Jean-Jacques Goldman. Mais même là on ne surfe pas sur le succès, les deux nouveaux titres de JJG pour l'Algérien sont des titres surprenants, et moins tubesques qu'Aïcha (le second, Derwiche tourneur, qui clôture l'album, est d'ailleurs plus traditionnellement oriental que tous les autres morceaux du disque). Khaled n'oublie pas d'agrémenter cet opus de symboles forts en reprenant l'incontournable hymne à la paix (le Imagine de John Lennon) en compagnie de l'Israélienne Noa, ainsi qu'un succès d'Idir (El Harba Wine - initialement Zwit Rwit), réécrit et interprété aux côtés de l'Indienne Amar (celle-ci a participé à la réécriture de la chanson, rédigeant des couplets en hindi). En dehors de ces quatre titres évoqués, Khaled est l'auteur-compositeur de l'ensemble, et ses compositions sont plus étoffées que sur ses disques précédents. Après avoir popularisé et exporté le Raï, notre homme parvient ici à le sublimer. Kenza est à la fois une belle œuvre personnelle, un disque dansant et un melting-pot réussi. L'album précédent portait le prénom de sa première fille, Sahra, celui-ci porte le prénom de Kenza, sa deuxième fille, mais si on peut trouver le concept de ces deux disques similaires, Kenza est loin de se contenter de reprendre la recette qui a marché, il l'enrichit copieusement. De ce disque, on peut juste regretter ses successeurs, l'artiste n'ayant pas poursuivi dans cette voie et ayant pour différentes raisons vu ses horizons se restreindre dans les années suivantes. Mais si un album est porteur du passé d'un artiste, il ne peut en aucun cas se voir imputé son futur... Ce que l'on retiendra, c'est que sous le soleil du désir égyptien, Khaled a mystérieusement trouvé de quoi composer des arcs-en-ciel.
SERGE GAINSBOURG - HISTOIRE DE MELODY NELSON (1971)
La référence ultime en matière d'album-concept. Pour mieux se plonger dans le climat de cet album, il est toujours bon de regarder la mise en images qu'en a fait Jean-Christophe Averty. Quitte à faire les choses autant les faire complètement. Pour autant, rien que de lire les textes de cet ouvrage représente déjà un grand intérêt. C'est un objet littéraire en soi. Le tout conçu comme un film, mêlant différentes formes d'art et différentes formes narratives, et les articulant autour d'un sujet où sont portés différents points de vue. Une œuvre tournant autour d'une Jane Birkin qui semble être ingénument au milieu de quelque chose qui parle d'elle tout en ne parvenant pas à la capter. C'est là toute la magie de cet album, cette impression de réussir héroïquement à rater son sujet. Même l'hommage à Nabokov semble savamment raté. On reconnaît là toute la patte tortueuse de Gainsbourg. Il nous raconte une histoire sur tout un album, et pourtant on a l'impression qu'il esquive toujours le cœur et qu'il ne nous livre que des fragments. Cette histoire, souvent racontée sur de la musique policée par les soins de Jean-Claude Vannier, est l'histoire d'une absente, d'une absence, d'une idée qu'on se fait des choses et des gens. Jane "Melody" est centrale, mais elle n'est dans le disque que présente subrepticement. On peut voir dans l'ensemble une figure de style se jouant d'un certain voyeurisme ou en tout cas d'un goût populaire pour le fait divers et le sordide.
La référence ultime en matière d'album-concept. Pour mieux se plonger dans le climat de cet album, il est toujours bon de regarder la mise en images qu'en a fait Jean-Christophe Averty. Quitte à faire les choses autant les faire complètement. Pour autant, rien que de lire les textes de cet ouvrage représente déjà un grand intérêt. C'est un objet littéraire en soi. Le tout conçu comme un film, mêlant différentes formes d'art et différentes formes narratives, et les articulant autour d'un sujet où sont portés différents points de vue. Une œuvre tournant autour d'une Jane Birkin qui semble être ingénument au milieu de quelque chose qui parle d'elle tout en ne parvenant pas à la capter. C'est là toute la magie de cet album, cette impression de réussir héroïquement à rater son sujet. Même l'hommage à Nabokov semble savamment raté. On reconnaît là toute la patte tortueuse de Gainsbourg. Il nous raconte une histoire sur tout un album, et pourtant on a l'impression qu'il esquive toujours le cœur et qu'il ne nous livre que des fragments. Cette histoire, souvent racontée sur de la musique policée par les soins de Jean-Claude Vannier, est l'histoire d'une absente, d'une absence, d'une idée qu'on se fait des choses et des gens. Jane "Melody" est centrale, mais elle n'est dans le disque que présente subrepticement. On peut voir dans l'ensemble une figure de style se jouant d'un certain voyeurisme ou en tout cas d'un goût populaire pour le fait divers et le sordide.
MAXIME LE FORESTIER - MON FRÈRE (1972)
Quand on lit la liste des titres présents sur cet album, on hallucine d'avoir l'impression de lire les titres retenus pour un best-of de l'artiste. Presque tout ce qui nous a le plus marqué chez Maxime est là, la plupart des plus grandes réussites rangées les unes derrière les autres. Dire que Le Forestier n'avait que vingt-trois ans et qu'il réussissait là un coup de maître inégalé. Ces chansons ont cimenté la construction de toute une génération, et elles ont aussi marqué les suivantes. Là où les chanteurs engagés de l'époque devenaient vite rasoirs, Maxime nous enchante avec habileté, n'ayant pas peur de manier l'ironie ou de développer des trésors de tendresse. Maxime Le Forestier dans le paysage musical de l'époque est comme un arbre dans la ville dans le sens où il nous oxygène et qu'il se développe de façon anachronique, tirant son essence de quelque chose qui ne nous est alors plus visible. Cet album a sans doute démontré à certains que les hippies n'étaient alors pas morts et qu'ils étaient beaucoup plus cultivés que certains voulaient bien le penser. Il est malheureux de constater que malgré les années passées, la chanson Parachutiste ferait davantage scandale de nos jours et exciterait l'ire de toute une forcenée frange de la population.
Quand on lit la liste des titres présents sur cet album, on hallucine d'avoir l'impression de lire les titres retenus pour un best-of de l'artiste. Presque tout ce qui nous a le plus marqué chez Maxime est là, la plupart des plus grandes réussites rangées les unes derrière les autres. Dire que Le Forestier n'avait que vingt-trois ans et qu'il réussissait là un coup de maître inégalé. Ces chansons ont cimenté la construction de toute une génération, et elles ont aussi marqué les suivantes. Là où les chanteurs engagés de l'époque devenaient vite rasoirs, Maxime nous enchante avec habileté, n'ayant pas peur de manier l'ironie ou de développer des trésors de tendresse. Maxime Le Forestier dans le paysage musical de l'époque est comme un arbre dans la ville dans le sens où il nous oxygène et qu'il se développe de façon anachronique, tirant son essence de quelque chose qui ne nous est alors plus visible. Cet album a sans doute démontré à certains que les hippies n'étaient alors pas morts et qu'ils étaient beaucoup plus cultivés que certains voulaient bien le penser. Il est malheureux de constater que malgré les années passées, la chanson Parachutiste ferait davantage scandale de nos jours et exciterait l'ire de toute une forcenée frange de la population.
KENT - TOUS LES HOMMES (1991)
Kent Cokenstock a toujours été très productif. L'ancienne icône punk, chanteur de Starshooter, gagne définitivement ses gallons de grand de la chanson française avec ce disque qui sent bon l'âme profonde du peuple français. Cet album est son cinquième en solo, il est moins grinçant que le précédent qui comprenait ses premiers tubes personnels. Les singles de cet opus, Tous les Mômes et On Fait C'Qu'On Peut sont tous deux de tendres hymnes à la condition humaine. Tous les hommes a un goût rétro, alors qu'il a pourtant bien les deux pieds dans son temps, sans concession et loin des clichés. Cela s'écoute musicalement comme une balade de dimanche après-midi, mais les textes sont plutôt des textes prompts à rythmer notre quotidien. Ce qui bouclerait la boucle puisque l'on dirait que c'est notre quotidien qui a inspiré ces paroles. La voix de Kent est un bonheur sur ce disque, alternant le chaud et des traces juvéniles, la gouaille et la pureté. L'album exhale un bienheureux retour aux sources et aux valeurs essentielles qui font la vie, qu'elles soient belles ou moins. On est dans l'humain, dans l'anti-frime.
Kent Cokenstock a toujours été très productif. L'ancienne icône punk, chanteur de Starshooter, gagne définitivement ses gallons de grand de la chanson française avec ce disque qui sent bon l'âme profonde du peuple français. Cet album est son cinquième en solo, il est moins grinçant que le précédent qui comprenait ses premiers tubes personnels. Les singles de cet opus, Tous les Mômes et On Fait C'Qu'On Peut sont tous deux de tendres hymnes à la condition humaine. Tous les hommes a un goût rétro, alors qu'il a pourtant bien les deux pieds dans son temps, sans concession et loin des clichés. Cela s'écoute musicalement comme une balade de dimanche après-midi, mais les textes sont plutôt des textes prompts à rythmer notre quotidien. Ce qui bouclerait la boucle puisque l'on dirait que c'est notre quotidien qui a inspiré ces paroles. La voix de Kent est un bonheur sur ce disque, alternant le chaud et des traces juvéniles, la gouaille et la pureté. L'album exhale un bienheureux retour aux sources et aux valeurs essentielles qui font la vie, qu'elles soient belles ou moins. On est dans l'humain, dans l'anti-frime.
LAURYN HILL - THE MISEDUCATION OF LAURYN HILL (1998)
Cet album, je l'ai acheté le jour de sa sortie française. Ne pouvant patienter, je l'ai payé 146 francs dans le centre commercial Auchan du Pontet où nous faisions les courses en famille. Et ce alors que je savais que je pouvais l'avoir le lendemain à la Fnac du centre-ville à prix vert. Je n'ai jamais payé près de 150 francs pour un seul disque, c'est un record. C'est dire le niveau d'attente qui était le mien pour ce premier opus solo de Ms. Hill, dont je connaissais déjà le puissant Lost Ones qui tournait en boucle sur les antennes de Skyrock. Et cette attente ne fut pas du tout déçue, bien au contraire... On pressentait qu'on avait affaire à une très grande dame, mais on n'avait pas un réel accès à son âme lorsqu'elle était au milieu des Fugees, on voulait en découvrir plus, savoir si on avait raison de penser qu'elle avait une trempe exceptionnelle surpassant tous ses contemporains, et elle nous convainc rapidement. On peut difficilement imaginer mieux qu'un tel album. C'est roots, urbain, sans concession, et pourtant c'est aussi solaire, suave, planant. Lauryn s'inscrit là dans la lignée des chefs-d'œuvre soul, tout en conférant à son ouvrage une âme reggae de la plus belle facture et en plaçant des raps éblouissants. La Miss est la meilleure rappeuse qu'on ait jamais entendu (ça, on le savait depuis le premier album des Fugees), elle est aussi une très grande chanteuse (ça, on le sait depuis Sister Act 2), mais elle est aussi une géniale compositrice, arrangeuse et auteure (et ça, il fallait confirmation). Que dire ? La pochette, le titre (qui à l'oreille peut s'entendre aussi "The Miss Education of Lauryn Hill"), le concept (autour de l'éducation, bien dessiné par les interludes), la voix, le son... Tout respire l'artiste en état de grâce qui se situe bien au-dessus de toutes les mêlées. Et dans ses hauteurs, elle emmène se promener de grandes figures de la musique : John Legend au piano sur un titre, Carlos Santana à la guitare sur un autre, duo avec Mary J. Blige, duo avec D'Angelo... L'esprit de Bob Marley plane sur ce disque, ce qui aide peut-être à lui donner cette envergure (Lauryn vient d'avoir un enfant d'un des fils de Bob, le bien prénommé Zion à qui elle dédit le titre To Zion qui est un des plus beaux morceaux jamais conçus, le titre Forgive them Father sample le père du reggae et est co-produit avec un autre de ses fils). C'est sans doute une donnée importante dans le côté mystique de l'album, mais ce n'est qu'un aspect, on trouve surtout beaucoup de chaleur, beaucoup d'humanité, beaucoup de valeurs. C'est souvent doux et tendre, mais jamais mièvre, toujours authentique et naturellement rebelle, militant, et parfois divinement rageur. Ce disque s'impose comme un poids lourd sur la scène du hip-hop américain alors que celle-ci est gangrénée par la gangster attitude et le cynisme, et Dieu que ça fait du bien ! Lauryn a une technique hors pair, un esprit éclairé et inspiré, et oui surtout elle se sert avant tout de son cœur, et son cœur est grand et pur. Album qui a la caractéristique, alors totalement inédite et qui l'est peut-être restée, de receler non pas 1 mais 2 titres cachés (dont la belle reprise cool de Can't take my eyes off you enregistrée pour le film Complots de Richard Donner). Que Lauryn soit dans un tempo des plus lents (Ex-factor) ou dans un tempo endiablé (Lost ones), elle réussit un chef-d'œuvre transcendant ultime là où, attendue à l'extrême pour son premier solo alors qu'elle était devenue reine du monde avec les Fugees, elle avait de grandes chances de se contenter d'assurer, voire de se planter.
Cet album, je l'ai acheté le jour de sa sortie française. Ne pouvant patienter, je l'ai payé 146 francs dans le centre commercial Auchan du Pontet où nous faisions les courses en famille. Et ce alors que je savais que je pouvais l'avoir le lendemain à la Fnac du centre-ville à prix vert. Je n'ai jamais payé près de 150 francs pour un seul disque, c'est un record. C'est dire le niveau d'attente qui était le mien pour ce premier opus solo de Ms. Hill, dont je connaissais déjà le puissant Lost Ones qui tournait en boucle sur les antennes de Skyrock. Et cette attente ne fut pas du tout déçue, bien au contraire... On pressentait qu'on avait affaire à une très grande dame, mais on n'avait pas un réel accès à son âme lorsqu'elle était au milieu des Fugees, on voulait en découvrir plus, savoir si on avait raison de penser qu'elle avait une trempe exceptionnelle surpassant tous ses contemporains, et elle nous convainc rapidement. On peut difficilement imaginer mieux qu'un tel album. C'est roots, urbain, sans concession, et pourtant c'est aussi solaire, suave, planant. Lauryn s'inscrit là dans la lignée des chefs-d'œuvre soul, tout en conférant à son ouvrage une âme reggae de la plus belle facture et en plaçant des raps éblouissants. La Miss est la meilleure rappeuse qu'on ait jamais entendu (ça, on le savait depuis le premier album des Fugees), elle est aussi une très grande chanteuse (ça, on le sait depuis Sister Act 2), mais elle est aussi une géniale compositrice, arrangeuse et auteure (et ça, il fallait confirmation). Que dire ? La pochette, le titre (qui à l'oreille peut s'entendre aussi "The Miss Education of Lauryn Hill"), le concept (autour de l'éducation, bien dessiné par les interludes), la voix, le son... Tout respire l'artiste en état de grâce qui se situe bien au-dessus de toutes les mêlées. Et dans ses hauteurs, elle emmène se promener de grandes figures de la musique : John Legend au piano sur un titre, Carlos Santana à la guitare sur un autre, duo avec Mary J. Blige, duo avec D'Angelo... L'esprit de Bob Marley plane sur ce disque, ce qui aide peut-être à lui donner cette envergure (Lauryn vient d'avoir un enfant d'un des fils de Bob, le bien prénommé Zion à qui elle dédit le titre To Zion qui est un des plus beaux morceaux jamais conçus, le titre Forgive them Father sample le père du reggae et est co-produit avec un autre de ses fils). C'est sans doute une donnée importante dans le côté mystique de l'album, mais ce n'est qu'un aspect, on trouve surtout beaucoup de chaleur, beaucoup d'humanité, beaucoup de valeurs. C'est souvent doux et tendre, mais jamais mièvre, toujours authentique et naturellement rebelle, militant, et parfois divinement rageur. Ce disque s'impose comme un poids lourd sur la scène du hip-hop américain alors que celle-ci est gangrénée par la gangster attitude et le cynisme, et Dieu que ça fait du bien ! Lauryn a une technique hors pair, un esprit éclairé et inspiré, et oui surtout elle se sert avant tout de son cœur, et son cœur est grand et pur. Album qui a la caractéristique, alors totalement inédite et qui l'est peut-être restée, de receler non pas 1 mais 2 titres cachés (dont la belle reprise cool de Can't take my eyes off you enregistrée pour le film Complots de Richard Donner). Que Lauryn soit dans un tempo des plus lents (Ex-factor) ou dans un tempo endiablé (Lost ones), elle réussit un chef-d'œuvre transcendant ultime là où, attendue à l'extrême pour son premier solo alors qu'elle était devenue reine du monde avec les Fugees, elle avait de grandes chances de se contenter d'assurer, voire de se planter.
KATE BUSH - THE KICK INSIDE (1978)
Il y a des disques qui semblent être des matérialisations de miracle, The Kick Inside est de ceux-ci. Le premier morceau Moving nous embarque tout de suite dans l'univers improbable de cette jeune femme au style si affiné alors qu'elle signe ici son premier album. La musique est inattendue, les sons sont étranges et inédits, provoquant une atmosphère étrange et délectable. Oui, il y a là quelque chose évoquant Pink Floyd et l'on est pas surpris de savoir que David Gilmour est le mentor et producteur de la demoiselle. Mais l'héritage de Pink Floyd est ici transfiguré dans quelque chose de plus raffiné, quelque chose sentant moins les vapeurs de stupéfiants. La voix de Kate nous surprend, puis nous enchante. L'étendue de sa gamme est impressionnante, ses intonations enfantines sont parfois déconcertantes. On n'a jamais rien entendu de tel. La fraîcheur de ce disque est sans doute due au fait que certains titres ont été composés par Kate à l'âge de 13 ans, mais cette fraîcheur n'est pas brute de fonderie, elle est très travaillée, sophistiquée. Les thèmes des textes sont inattendus, hétéroclites. Sont abordés des phénomènes physiologiques au milieu de Gurdjieff et des Hauts de Hurlevent. On passe d'un sensuel et troublant Saxophone song sentant un peu rétro à un Strange Phenomena qui porte bien son nom et s'impose comme une créature entre nos mains plus que comme une chanson dans nos oreilles. On a affaire à l'œuvre d'une prodige, et il faut réécouter attentivement cet album plusieurs pas pour bien en saisir l'esprit. Il y a quelques choses de très british dans cet album, et pourtant le voyage proposé est toujours enclin à nous livrer des touches d'exotisme (un exotisme allant peut-être jusqu'à l'extra-terrestre). Tout est mouvant, comme nous l'annonce le sublime titre qui sert de prologue à l'œuvre, on est au cœur d'une danse dont la complexité peut sembler en partie inaccessible. C'est le genre d'ouvrage dont on ne sort pas indemne, un climat s'installe qui est loin de s'évaporer lorsque retentit sa dernière note. Pour finir, on ne peut pas parler de cet album sans évoquer le mégatube de celui-ci, le merveilleusement poignant Wuthering Heights qui sublime à jamais les personnages d'Emily Brontë. Sûrement l'une des quinze plus grandes chansons de tous les temps.
Il y a des disques qui semblent être des matérialisations de miracle, The Kick Inside est de ceux-ci. Le premier morceau Moving nous embarque tout de suite dans l'univers improbable de cette jeune femme au style si affiné alors qu'elle signe ici son premier album. La musique est inattendue, les sons sont étranges et inédits, provoquant une atmosphère étrange et délectable. Oui, il y a là quelque chose évoquant Pink Floyd et l'on est pas surpris de savoir que David Gilmour est le mentor et producteur de la demoiselle. Mais l'héritage de Pink Floyd est ici transfiguré dans quelque chose de plus raffiné, quelque chose sentant moins les vapeurs de stupéfiants. La voix de Kate nous surprend, puis nous enchante. L'étendue de sa gamme est impressionnante, ses intonations enfantines sont parfois déconcertantes. On n'a jamais rien entendu de tel. La fraîcheur de ce disque est sans doute due au fait que certains titres ont été composés par Kate à l'âge de 13 ans, mais cette fraîcheur n'est pas brute de fonderie, elle est très travaillée, sophistiquée. Les thèmes des textes sont inattendus, hétéroclites. Sont abordés des phénomènes physiologiques au milieu de Gurdjieff et des Hauts de Hurlevent. On passe d'un sensuel et troublant Saxophone song sentant un peu rétro à un Strange Phenomena qui porte bien son nom et s'impose comme une créature entre nos mains plus que comme une chanson dans nos oreilles. On a affaire à l'œuvre d'une prodige, et il faut réécouter attentivement cet album plusieurs pas pour bien en saisir l'esprit. Il y a quelques choses de très british dans cet album, et pourtant le voyage proposé est toujours enclin à nous livrer des touches d'exotisme (un exotisme allant peut-être jusqu'à l'extra-terrestre). Tout est mouvant, comme nous l'annonce le sublime titre qui sert de prologue à l'œuvre, on est au cœur d'une danse dont la complexité peut sembler en partie inaccessible. C'est le genre d'ouvrage dont on ne sort pas indemne, un climat s'installe qui est loin de s'évaporer lorsque retentit sa dernière note. Pour finir, on ne peut pas parler de cet album sans évoquer le mégatube de celui-ci, le merveilleusement poignant Wuthering Heights qui sublime à jamais les personnages d'Emily Brontë. Sûrement l'une des quinze plus grandes chansons de tous les temps.
LES RITA MITSOUKO - THE NO COMPRENDO (1986)
Le premier album des Rita était surtout porté sur le personnage de Catherine Ringer. Face à cette unipersonnalité du groupe, Catherine fait rajouter le "Les" en tête de leur nom. Il faut dire que cela apparait nécessaire tant Fred Chichin, l'ancien taulard, est particulièrement effacé, lorsque sa consœur crève tous les écrans. Mais celui-ci prouve ici sur le titre C'est comme ça qu'il est capable dans ses riffs d'être d'une exubérance comparable à celle de sa moitié. The No Comprendo est un album respirant la plénitude. Un album qui est né sous de bons auspices, puisque son enregistrement a été filmé par monsieur Jean-Luc Godard himself. Un opus que l'on peut estampiller fait-maison puisqu'il a été enregistré au domicile du couple. Les thèmes des textes sont moins sombres que dans le premier album, on est ici souvent dans une légèreté décomplexée aux accents comiques. Démarche qui fait plaisir à voir et à entendre, même si bien sûr les histoires d'amour finissent mal en général.
Le premier album des Rita était surtout porté sur le personnage de Catherine Ringer. Face à cette unipersonnalité du groupe, Catherine fait rajouter le "Les" en tête de leur nom. Il faut dire que cela apparait nécessaire tant Fred Chichin, l'ancien taulard, est particulièrement effacé, lorsque sa consœur crève tous les écrans. Mais celui-ci prouve ici sur le titre C'est comme ça qu'il est capable dans ses riffs d'être d'une exubérance comparable à celle de sa moitié. The No Comprendo est un album respirant la plénitude. Un album qui est né sous de bons auspices, puisque son enregistrement a été filmé par monsieur Jean-Luc Godard himself. Un opus que l'on peut estampiller fait-maison puisqu'il a été enregistré au domicile du couple. Les thèmes des textes sont moins sombres que dans le premier album, on est ici souvent dans une légèreté décomplexée aux accents comiques. Démarche qui fait plaisir à voir et à entendre, même si bien sûr les histoires d'amour finissent mal en général.
CHRISTINE AND THE QUEENS - CHALEUR HUMAINE (2014)
Christine and the Queens est un-e OVNI. L'OVNI qu'on espère toujours sans vraiment y croire... On aura toujours du mal à expliquer rationnellement comment cette femme inconnue début 2014 est devenue selon Vanity Fair la française la plus influente du monde en 2016. A tout juste 28 ans et avec juste un album au compteur. C'est dire si cet album Chaleur Humaine aura marqué les esprits... Christine se définit une identité échappant aux codes et aux étiquettes. Certes, la manière dont elle agence tout et se met en scène visuellement évoque Stromae, ses pas de danse agiles et aériens et son sens de la rythmique évoquent Michael Jackson, son exigence évoque Madonna, son personnage pâle et fragile évoluant majestueusement évoque Mylène Farmer, mais de toutes ces références de prestige, Christine échappe rapidement pour tracer son propre sillon inidentifiable. La jeune nantaise n'est pas loin de créer un nouveau genre musical sur cet opus, même lorsqu'elle reprend en mash-up un titre de Christophe mixé avec du Kanye West. Tout semble frais et inédit sous ses doigts. Son concept se rapproche de Stromae, mais il est moins travaillé, plus authentique. Il n'est pas vraiment multipersonnel comme l'est celui du belge, il n'est que multifacettes d'une même sensibilité. Dans l'approche artistique, elle peut incarner une Madonna française, mais qui pourrait imaginer une Madonna telle Christine être authentiquement hypersensible, fragile et introspective ? Christine répand un vent de fraîcheur salvateur et se retrouve porte-parole de toute une population qui ne s'en était jusque là pas trouvé. Ce qui augure un optimisme bienvenu sur le devenir de la société. La demoiselle accompagnée de reines invisibles tient debout et oxygène nos oreilles en ouvrant de nouvelles perspectives. Un album insolite à mettre entre toutes les oreilles et à faire écouter de près à tous ceux qui pensent que tout avait déjà été fait.
Christine and the Queens est un-e OVNI. L'OVNI qu'on espère toujours sans vraiment y croire... On aura toujours du mal à expliquer rationnellement comment cette femme inconnue début 2014 est devenue selon Vanity Fair la française la plus influente du monde en 2016. A tout juste 28 ans et avec juste un album au compteur. C'est dire si cet album Chaleur Humaine aura marqué les esprits... Christine se définit une identité échappant aux codes et aux étiquettes. Certes, la manière dont elle agence tout et se met en scène visuellement évoque Stromae, ses pas de danse agiles et aériens et son sens de la rythmique évoquent Michael Jackson, son exigence évoque Madonna, son personnage pâle et fragile évoluant majestueusement évoque Mylène Farmer, mais de toutes ces références de prestige, Christine échappe rapidement pour tracer son propre sillon inidentifiable. La jeune nantaise n'est pas loin de créer un nouveau genre musical sur cet opus, même lorsqu'elle reprend en mash-up un titre de Christophe mixé avec du Kanye West. Tout semble frais et inédit sous ses doigts. Son concept se rapproche de Stromae, mais il est moins travaillé, plus authentique. Il n'est pas vraiment multipersonnel comme l'est celui du belge, il n'est que multifacettes d'une même sensibilité. Dans l'approche artistique, elle peut incarner une Madonna française, mais qui pourrait imaginer une Madonna telle Christine être authentiquement hypersensible, fragile et introspective ? Christine répand un vent de fraîcheur salvateur et se retrouve porte-parole de toute une population qui ne s'en était jusque là pas trouvé. Ce qui augure un optimisme bienvenu sur le devenir de la société. La demoiselle accompagnée de reines invisibles tient debout et oxygène nos oreilles en ouvrant de nouvelles perspectives. Un album insolite à mettre entre toutes les oreilles et à faire écouter de près à tous ceux qui pensent que tout avait déjà été fait.
U2 - THE JOSHUA TREE (1987)
Bono avait coutume jusqu'ici d'écrire les textes au micro, en improvisant une espèce de création spontanée portée sur le verbe prononcé, une démarche louable et intéressante. Mais ici, l'Irlandais veut changer son fusil d'épaule et accoucher de textes écrits plus travaillés, plus profonds. Et à l'écoute des trois premiers titres de l'album, on comprend que l'exercice a bien réussi à Bono, les textes nous scotchent. Si With or without you est particulièrement poignant et addictif, I still haven't find what I'm looking for est particulièrement fort, un vrai hymne intemporel de la condition humaine. Bon, après musicalement, le voyage est plaisant mais je déplore toujours un aspect un peu mal défraîchi de la musique de U2. Hormis dans l'incroyablement maîtrisé With or without you, les guitares sont toujours plus ou moins trop informes, bordéliques. L'ensemble est trop gris comme le ciel des îles britanniques. Et il me semblera toujours une grande injustice que cet opus ait gagné le Grammy du meilleur album de l'année 1987 au détriment du chef-d'œuvre Sign 'O' the Times de Prince qui lui est pourtant suprêmement supérieur.
Bono avait coutume jusqu'ici d'écrire les textes au micro, en improvisant une espèce de création spontanée portée sur le verbe prononcé, une démarche louable et intéressante. Mais ici, l'Irlandais veut changer son fusil d'épaule et accoucher de textes écrits plus travaillés, plus profonds. Et à l'écoute des trois premiers titres de l'album, on comprend que l'exercice a bien réussi à Bono, les textes nous scotchent. Si With or without you est particulièrement poignant et addictif, I still haven't find what I'm looking for est particulièrement fort, un vrai hymne intemporel de la condition humaine. Bon, après musicalement, le voyage est plaisant mais je déplore toujours un aspect un peu mal défraîchi de la musique de U2. Hormis dans l'incroyablement maîtrisé With or without you, les guitares sont toujours plus ou moins trop informes, bordéliques. L'ensemble est trop gris comme le ciel des îles britanniques. Et il me semblera toujours une grande injustice que cet opus ait gagné le Grammy du meilleur album de l'année 1987 au détriment du chef-d'œuvre Sign 'O' the Times de Prince qui lui est pourtant suprêmement supérieur.
MARC COHN - MARC COHN (1991)
Un album de référence pour Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman (Francis adaptera d'ailleurs en français pour Michael Jones le tube de cet album, Walking in Memphis). Ce qui est bien sûr à fort juste titre. Cohn réalise ici la quintessence presque parfaite de la musique nord-Américaine du vingtième siècle. Le blues, le rock et la country trouvent ici leur état de grâce, leur plénitude. La voix chaude de Marc porte des textes forts, profonds. Cet album est une véritable profession de foi humaniste incarnant un mysticisme sans autre Dieu que musical.
Un album de référence pour Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman (Francis adaptera d'ailleurs en français pour Michael Jones le tube de cet album, Walking in Memphis). Ce qui est bien sûr à fort juste titre. Cohn réalise ici la quintessence presque parfaite de la musique nord-Américaine du vingtième siècle. Le blues, le rock et la country trouvent ici leur état de grâce, leur plénitude. La voix chaude de Marc porte des textes forts, profonds. Cet album est une véritable profession de foi humaniste incarnant un mysticisme sans autre Dieu que musical.
MEAT LOAF - BAT OUT OF HELL II : Back Into Hell (1993)
Aucun style musical ne me semble aussi abouti dans l'intensité musicale que celui qui mélange le lyrique au hard-rock. C'est en conciliant ces approches que l'on touche à ce que la musique a de plus prodigieux, de plus transcendant. Et cela, s'il y a bien quelqu'un qui l'a compris, c'est Jim Steinman. L'éternel adolescent aux cheveux longs est l'auteur-compositeur de l'intensité par excellence. Son alchimie n'est pas que musicale, il sait mieux que quiconque aussi pour le même résultat réunir le romantisme avec une certaine sauvagerie. Et porté comme ici par l'extraordinaire voix de Meat Loaf, cela atteint un volume échappant aux unités de mesure. Bat Out of Hell était un chef-d'œuvre marquant, les deux acolytes réussissent là à faire encore mieux en lui produisant une suite seize ans après. Cela raconte une grande histoire, et ce même si Steinman recycle au passage quelques titres de son album de chanteur Bad for Good, datant de 1981. Attention ! Si vous avez peur des émotions fortes qui embrasent la tête, le cœur et les sens, n'écoutez pas ce disque...
Aucun style musical ne me semble aussi abouti dans l'intensité musicale que celui qui mélange le lyrique au hard-rock. C'est en conciliant ces approches que l'on touche à ce que la musique a de plus prodigieux, de plus transcendant. Et cela, s'il y a bien quelqu'un qui l'a compris, c'est Jim Steinman. L'éternel adolescent aux cheveux longs est l'auteur-compositeur de l'intensité par excellence. Son alchimie n'est pas que musicale, il sait mieux que quiconque aussi pour le même résultat réunir le romantisme avec une certaine sauvagerie. Et porté comme ici par l'extraordinaire voix de Meat Loaf, cela atteint un volume échappant aux unités de mesure. Bat Out of Hell était un chef-d'œuvre marquant, les deux acolytes réussissent là à faire encore mieux en lui produisant une suite seize ans après. Cela raconte une grande histoire, et ce même si Steinman recycle au passage quelques titres de son album de chanteur Bad for Good, datant de 1981. Attention ! Si vous avez peur des émotions fortes qui embrasent la tête, le cœur et les sens, n'écoutez pas ce disque...
CHRISTOPHE - LES PARADIS PERDUS (1973)
C'est avec cet album que Christophe débute son parcours stratosphérique, l'acte II de sa carrière, sublimement perché dans des univers grandioses musicalement audacieux, inspiré des Pink Floyd mais porteurs de singularité. Poésie des sons et des mots, Les Paradis Perdus nous fait décoller vers des sphères inconnues. La voix est frémissante, les teintes sont subtiles. Le couple, que forme Christophe avec Jean-Michel Jarre, distille des titres en apesanteur dont il est difficile de se lasser. On est dans une forme de création inspirée assez inédite, profondément avant-gardiste. Cet album me semble parfois d'une espèce de grandeur surnaturelle qui n'aurait d'explication que de celle de venir de par-delà la vie, par-delà la Terre. La pochette suggère d'ailleurs cette idée d'un disque réalisé par des esprits installés dans un majestueux paradis échappant à la poussière et à nos passions de sang. On peut aussi y voir quelque chose venant d'un siècle lointain ou d'un avenir radieux. On est hors-temps.
C'est avec cet album que Christophe débute son parcours stratosphérique, l'acte II de sa carrière, sublimement perché dans des univers grandioses musicalement audacieux, inspiré des Pink Floyd mais porteurs de singularité. Poésie des sons et des mots, Les Paradis Perdus nous fait décoller vers des sphères inconnues. La voix est frémissante, les teintes sont subtiles. Le couple, que forme Christophe avec Jean-Michel Jarre, distille des titres en apesanteur dont il est difficile de se lasser. On est dans une forme de création inspirée assez inédite, profondément avant-gardiste. Cet album me semble parfois d'une espèce de grandeur surnaturelle qui n'aurait d'explication que de celle de venir de par-delà la vie, par-delà la Terre. La pochette suggère d'ailleurs cette idée d'un disque réalisé par des esprits installés dans un majestueux paradis échappant à la poussière et à nos passions de sang. On peut aussi y voir quelque chose venant d'un siècle lointain ou d'un avenir radieux. On est hors-temps.
MICHEL JONASZ - Où EST LA SOURCE (1992)
Des deux chefs-d'œuvre de Jonasz, Unis vers l'uni et celui-ci, j'avoue avoir eu du mal à choisir. Et peut-être qu'Où est la source doit surtout à sa pochette d'avoir finalement remporté ma désignation. Cet album comporte le dernier tube de la carrière de Michel, le sautillant Groove baby groove, dernier titre à braver la vague des courants musicaux de la fin du siècle et à s'imposer au-delà du public spécifique de l'artiste. Où est la source comprend un morceau d'anthologie, le titre Arthur écrit en hommage à son ami et collaborateur le musicien et chanteur Arthur Simms (à qui on doit It's Only Mystery), mort du SIDA en 1987. Ce titre atteint dans la bouche de Jonasz un sommet émotionnel d'exception. Ce disque est celui où transpire de la façon la plus directe le mysticisme de Michel. Un Michel qui semble tout près d'avoir trouvé la source. On voyage beaucoup dans cet opus très inspiré, évoluant hors cadre.
Des deux chefs-d'œuvre de Jonasz, Unis vers l'uni et celui-ci, j'avoue avoir eu du mal à choisir. Et peut-être qu'Où est la source doit surtout à sa pochette d'avoir finalement remporté ma désignation. Cet album comporte le dernier tube de la carrière de Michel, le sautillant Groove baby groove, dernier titre à braver la vague des courants musicaux de la fin du siècle et à s'imposer au-delà du public spécifique de l'artiste. Où est la source comprend un morceau d'anthologie, le titre Arthur écrit en hommage à son ami et collaborateur le musicien et chanteur Arthur Simms (à qui on doit It's Only Mystery), mort du SIDA en 1987. Ce titre atteint dans la bouche de Jonasz un sommet émotionnel d'exception. Ce disque est celui où transpire de la façon la plus directe le mysticisme de Michel. Un Michel qui semble tout près d'avoir trouvé la source. On voyage beaucoup dans cet opus très inspiré, évoluant hors cadre.
GENESIS - WE CAN'T DANCE (1991)
Le plus tubesque des albums de Genesis. Pas moins de six singles seront extraits, toujours couronnés de succès. Et pourtant, cet opus est loin d'être lisse... On y parle de façon cinglante et parfois âpre de religion, politique, injustice sociale, conflit parents-enfants, misère sexuelle, individualisme sociétal... C'est le dernier album de Phil Collins avec la formation, et pourtant rien ne le laissait présager. Celui-ci est particulièrement inspiré dans cet album et s'éclatera diablement dans la tournée mondiale qui suivra. Là, nous sommes à la quintessence des années Collins de Genesis. Ce groupe expérimental, ambitieux et virtuose mais un peu inaccessible du temps de Peter Gabriel, est devenu une grande figure populaire sans sacrifier de sa musicalité. Collins est un personnage fédérateur qui sait toujours garder une part de légèreté même lorsqu'il est très grave et c'est tout naturellement qu'il a fait acquérir cette dimension à la formation, sans jamais chercher à faire le moindre compromis. Son sens du rythme l'emmenant toujours à rebondir indéfiniment dans des aventures variées, sans frontières. We can't dance respire le chef-d'œuvre de référence, de son son lourd mais FM jusqu'aux illustrations du livret. Le titre Hold on my heart est particulièrement remarquable de maîtrise, de justesse émotionnelle et de subtilité.
Le plus tubesque des albums de Genesis. Pas moins de six singles seront extraits, toujours couronnés de succès. Et pourtant, cet opus est loin d'être lisse... On y parle de façon cinglante et parfois âpre de religion, politique, injustice sociale, conflit parents-enfants, misère sexuelle, individualisme sociétal... C'est le dernier album de Phil Collins avec la formation, et pourtant rien ne le laissait présager. Celui-ci est particulièrement inspiré dans cet album et s'éclatera diablement dans la tournée mondiale qui suivra. Là, nous sommes à la quintessence des années Collins de Genesis. Ce groupe expérimental, ambitieux et virtuose mais un peu inaccessible du temps de Peter Gabriel, est devenu une grande figure populaire sans sacrifier de sa musicalité. Collins est un personnage fédérateur qui sait toujours garder une part de légèreté même lorsqu'il est très grave et c'est tout naturellement qu'il a fait acquérir cette dimension à la formation, sans jamais chercher à faire le moindre compromis. Son sens du rythme l'emmenant toujours à rebondir indéfiniment dans des aventures variées, sans frontières. We can't dance respire le chef-d'œuvre de référence, de son son lourd mais FM jusqu'aux illustrations du livret. Le titre Hold on my heart est particulièrement remarquable de maîtrise, de justesse émotionnelle et de subtilité.
EARTH, WIND & FIRE - RAISE! (1981)
L'album Raise! porte haut les couleurs d'EWF. On est là à l'apogée de leur trip mystique aux sources égyptiennes. Les éléments et le soleil n'ont peut-être jamais été si efficacement vénérés que dans ce disque. On est aussi dans une célébration du féminin sacré illustrée particulièrement par la pochette et le titre Lady Sun (titre qui claque et clinque de façon incroyable). Le voyage musical proposé débute fort, puis perd légèrement en intensité au-delà du magnifique Kalimba Tree. Le mégatube Let's Groove, qui introduit l'enregistrement, est bien sûr un des tout meilleurs titres de tous les temps pour danser, chanter et faire la fête. Oui, ça brille, et ce n'est pas que de la façade !
L'album Raise! porte haut les couleurs d'EWF. On est là à l'apogée de leur trip mystique aux sources égyptiennes. Les éléments et le soleil n'ont peut-être jamais été si efficacement vénérés que dans ce disque. On est aussi dans une célébration du féminin sacré illustrée particulièrement par la pochette et le titre Lady Sun (titre qui claque et clinque de façon incroyable). Le voyage musical proposé débute fort, puis perd légèrement en intensité au-delà du magnifique Kalimba Tree. Le mégatube Let's Groove, qui introduit l'enregistrement, est bien sûr un des tout meilleurs titres de tous les temps pour danser, chanter et faire la fête. Oui, ça brille, et ce n'est pas que de la façade !
ALBERT AYLER - MUSIC IS THE HEALING FORCE OF THE UNIVERSE (1969)
La musique guérit tous les maux, cela ne fait aucun doute. C'est la force la plus puissante de l'univers, celle qui peut faire naître toutes les émotions. Ce disque est un puissant vecteur de cette réalité. Albert Ayler joue en virtuose ces morceaux composés par sa compagne Maria Parks qui interprète ses paroles de son envoûtante voix. C'est un condensé de puissance et une illustration de la dextérité que l'on peut exercer dans le champ libre de la musique, lorsqu'on est débarrassé de toute règle contraignante. Cet album a la beauté d'un joyau ultime, et même si Albert est parti trop tôt, il y a une beauté solennelle à ce que disque soit son dernier enregistrement, l'ultime point d'orgue d'un génie de la musique. C'est aussi l'album d'une fusion entre la folie et l'ordonnance des choses, le psychédélique et le sacré. Album d'un couple qui livre une œuvre dans laquelle chacun s'est totalement investi avec harmonie pour produire quelque chose qui leur ressemble totalement et qui en même temps les dépasse. On est là devant une œuvre qui va tout au bout du bout de ce qu'elle peut maîtriser tout en ouvrant toutes les portes (même les plus improbables) et en réalisant une ode à la dimension supérieure qu'elle ne peut que saisir furtivement. Ayler et Parks réussissent la gageure de matérialiser une anarchie canalisée et révérencieuse.
La musique guérit tous les maux, cela ne fait aucun doute. C'est la force la plus puissante de l'univers, celle qui peut faire naître toutes les émotions. Ce disque est un puissant vecteur de cette réalité. Albert Ayler joue en virtuose ces morceaux composés par sa compagne Maria Parks qui interprète ses paroles de son envoûtante voix. C'est un condensé de puissance et une illustration de la dextérité que l'on peut exercer dans le champ libre de la musique, lorsqu'on est débarrassé de toute règle contraignante. Cet album a la beauté d'un joyau ultime, et même si Albert est parti trop tôt, il y a une beauté solennelle à ce que disque soit son dernier enregistrement, l'ultime point d'orgue d'un génie de la musique. C'est aussi l'album d'une fusion entre la folie et l'ordonnance des choses, le psychédélique et le sacré. Album d'un couple qui livre une œuvre dans laquelle chacun s'est totalement investi avec harmonie pour produire quelque chose qui leur ressemble totalement et qui en même temps les dépasse. On est là devant une œuvre qui va tout au bout du bout de ce qu'elle peut maîtriser tout en ouvrant toutes les portes (même les plus improbables) et en réalisant une ode à la dimension supérieure qu'elle ne peut que saisir furtivement. Ayler et Parks réussissent la gageure de matérialiser une anarchie canalisée et révérencieuse.
TAÏ PHONG - LAST FLIGHT (1979)
Le troisième album du groupe de rock progressif Taï Phong est une pure réussite. Il faut dire que le gallois Michael Jones vient de rejoindre la bande (venu initialement remplacer Jean-Jacques Goldman pour la tournée que celui-ci n'a pas voulu faire). Michael apporte encore plus de volume à la formation cosmopolite. Ses compos Thirteenth Space et How do you do ne passent pas inaperçu, et son jeu de guitare virtuose illumine le disque. On n'entend pas ici que JJG en a marre de faire des chansons en anglais et qu'il aspire à d'autres horizons en solo et en français dans le texte. Pour l'heure, il semble s'éclater et sait encore manier avec merveille la langue de Shakespeare, en témoigne le End of an end qui démarre cet opus. Ce titre, écrit et composé par Jean-Jacques, est un petit bijou inspiré, avec un texte ambitieux et grave. Les quatre titres de Goldman et les deux de Jones ne sont pas les seuls réussites de ce disque, on est aussi subjugué par le Farewell Gig in Amsterdam signé par Stéphan Caussarieu, l'excellent batteur du groupe. Le son de ce titre est jubilatoire ! Les textes de Jean-Jacques ont bien sûr plus de volume et sortent du contexte standard des groupes de rock des seventies. De nombreux horizons se dessinent le long de ce voyage musical aérien. Un voyage allant particulièrement haut, juché sur les aigus toujours improbables que déploie JJG. On regrettera que le titre de cet album ait été prophétique, il s'agit en effet du dernier vol proposé par le groupe. En tout cas par le groupe Taï Phong tel qu'il était, puisque la formation a ressuscité dans les années 2000 autour des seuls "survivants" Khanh Maï (fondateur vietnamien du groupe) et Stéphan Caussarieu.
Le troisième album du groupe de rock progressif Taï Phong est une pure réussite. Il faut dire que le gallois Michael Jones vient de rejoindre la bande (venu initialement remplacer Jean-Jacques Goldman pour la tournée que celui-ci n'a pas voulu faire). Michael apporte encore plus de volume à la formation cosmopolite. Ses compos Thirteenth Space et How do you do ne passent pas inaperçu, et son jeu de guitare virtuose illumine le disque. On n'entend pas ici que JJG en a marre de faire des chansons en anglais et qu'il aspire à d'autres horizons en solo et en français dans le texte. Pour l'heure, il semble s'éclater et sait encore manier avec merveille la langue de Shakespeare, en témoigne le End of an end qui démarre cet opus. Ce titre, écrit et composé par Jean-Jacques, est un petit bijou inspiré, avec un texte ambitieux et grave. Les quatre titres de Goldman et les deux de Jones ne sont pas les seuls réussites de ce disque, on est aussi subjugué par le Farewell Gig in Amsterdam signé par Stéphan Caussarieu, l'excellent batteur du groupe. Le son de ce titre est jubilatoire ! Les textes de Jean-Jacques ont bien sûr plus de volume et sortent du contexte standard des groupes de rock des seventies. De nombreux horizons se dessinent le long de ce voyage musical aérien. Un voyage allant particulièrement haut, juché sur les aigus toujours improbables que déploie JJG. On regrettera que le titre de cet album ait été prophétique, il s'agit en effet du dernier vol proposé par le groupe. En tout cas par le groupe Taï Phong tel qu'il était, puisque la formation a ressuscité dans les années 2000 autour des seuls "survivants" Khanh Maï (fondateur vietnamien du groupe) et Stéphan Caussarieu.
FRANCE GALL - BABACAR (1987)
Quatre ans après le Loin des yeux de l'Occident de Daniel Balavoine, ses amis sortent leur disque équivalent, celui de l'ouverture sur le monde, un monde qui souffre. Albums fruits des nombreux voyages humanitaires des trois artistes. Le couple France Gall-Michel Berger livre avec Babacar une œuvre moins enragée que celle produite par Balavoine, mais le constat est toujours sombre, même s'il est ici transcendé par le prodige d'Ella Fitzgerald et une propension à danser sa vie coûte que coûte ici fort à propos dans un hommage à l'Afrique du petit Babacar. Cet album et l'influence qu'il a eu représentent mieux que quoi que ce soit la prise de conscience planétaire du peuple français, il marque son point fort en cette année 1987 où l'on se découvre citoyen empathique d'un monde où notre petit pays est bien privilégié. Sont oubliés alors temporairement tous les nationalismes, et ringardisés les patriotismes. Babacar, c'est le feu et la glace, le mélange des cris de désespoir et des cris de joie, le mix de la grisaille ambiante et des étincelles qui jaillissent et font naître l'espoir. C'est ici qu'est le mieux incarné le couple de la volcanique chanteuse France avec son placide auteur-compositeur Michel.
Quatre ans après le Loin des yeux de l'Occident de Daniel Balavoine, ses amis sortent leur disque équivalent, celui de l'ouverture sur le monde, un monde qui souffre. Albums fruits des nombreux voyages humanitaires des trois artistes. Le couple France Gall-Michel Berger livre avec Babacar une œuvre moins enragée que celle produite par Balavoine, mais le constat est toujours sombre, même s'il est ici transcendé par le prodige d'Ella Fitzgerald et une propension à danser sa vie coûte que coûte ici fort à propos dans un hommage à l'Afrique du petit Babacar. Cet album et l'influence qu'il a eu représentent mieux que quoi que ce soit la prise de conscience planétaire du peuple français, il marque son point fort en cette année 1987 où l'on se découvre citoyen empathique d'un monde où notre petit pays est bien privilégié. Sont oubliés alors temporairement tous les nationalismes, et ringardisés les patriotismes. Babacar, c'est le feu et la glace, le mélange des cris de désespoir et des cris de joie, le mix de la grisaille ambiante et des étincelles qui jaillissent et font naître l'espoir. C'est ici qu'est le mieux incarné le couple de la volcanique chanteuse France avec son placide auteur-compositeur Michel.
VINCENT DELERM - KENSINGTON SQUARE (2004)
Il faut le reconnaître, l'écrasante majorité des auteurs-compositeurs-interprètes français parlent toujours dans leurs chansons de choses un peu chelous et très éloignées de nos vies, de notre quotidien. On a l'impression qu'ils ne vivent pas dans l'époque contemporaine, qu'ils sont à part dans des mondes fantasmés ou élitistes. Ce constat est encore plus évident chez la nouvelle génération apparaissant à l'aube des années 2000. Mais Vincent Delerm n'est pas du tout de ceux-là, bien au contraire. Ce Kensington Square semble être les mémoires de tous les moins de quarante ans de France, tout y parle de notre vie, "comme si nous avions pratiqué dans des piscines parallèles la natation synchronisée". Nous sommes presque surpris d'entendre soudain les artistes descendre de leur perchoir pour se mettre à notre portée et parler de choses "normales", de choses de la vie de tous les jours, telles qu'elles sont. Le name-dropping doit y être pour quelque chose, Vincent n'a pas peur de citer des noms, et cela identifie nos références là où les autres font appel à un référentiel abstrait qui nous touche beaucoup moins. Et pourtant, Delerm fils ne fait pas dans le constat brut de son époque, non il poétise avec une sensibilité héritée de son paternel qu'il a porté à maturité. Et sous cette universalité, il y a là une vive originalité, la diction du chanteur est toujours celle de Fanny Ardant et moi, totalement inédite et identifiable entre mille au premier mot prononcé. Il y a aussi sur ce disque une intéressante façon d'être franchouillard à la mode british, et ce au milieu d'influences cosmopolites. Ce deuxième album de Vincent Delerm est très impressionnant de maîtrise, tant pour la musique que pour les textes, cela ressemble beaucoup plus à un cinquième album. Et mention spéciale à l'audace de Vincent de proposer sur la dernière plage, sur la musique continuant, comme un générique de fin lu agrémenté de commentaires, à ma connaissance la chose est totalement unique au monde. Pour revenir sur le name-dropping qui le caractérise, Vincent réalise un coup de maître sur cet album, puisque même quand il cite des personnes connues seulement de lui, il parle encore de gens qu'on connaît, de gens qu'on connaît encore plus personnellement. Des protagonistes de nos vies sont automatiquement identifiés dans les Estelle Gallois, Sandrine Leprince ou Anita Petersen. L'écriture de Vincent Delerm sur cet opus aurait dû avoir plus d'influence sur la façon d'écrire des chansons, il donne là une vraie leçon. Heureusement pour lui, dans un sens, qu'il n'ait pas été très suivi, il reste ainsi l'"oiseau rare" de la chanson française. Nous sommes face à un témoignage d'une époque illustré magnifiquement par une musique intemporelle, quelque part entre folk, jazz, classique et variétés.
Il faut le reconnaître, l'écrasante majorité des auteurs-compositeurs-interprètes français parlent toujours dans leurs chansons de choses un peu chelous et très éloignées de nos vies, de notre quotidien. On a l'impression qu'ils ne vivent pas dans l'époque contemporaine, qu'ils sont à part dans des mondes fantasmés ou élitistes. Ce constat est encore plus évident chez la nouvelle génération apparaissant à l'aube des années 2000. Mais Vincent Delerm n'est pas du tout de ceux-là, bien au contraire. Ce Kensington Square semble être les mémoires de tous les moins de quarante ans de France, tout y parle de notre vie, "comme si nous avions pratiqué dans des piscines parallèles la natation synchronisée". Nous sommes presque surpris d'entendre soudain les artistes descendre de leur perchoir pour se mettre à notre portée et parler de choses "normales", de choses de la vie de tous les jours, telles qu'elles sont. Le name-dropping doit y être pour quelque chose, Vincent n'a pas peur de citer des noms, et cela identifie nos références là où les autres font appel à un référentiel abstrait qui nous touche beaucoup moins. Et pourtant, Delerm fils ne fait pas dans le constat brut de son époque, non il poétise avec une sensibilité héritée de son paternel qu'il a porté à maturité. Et sous cette universalité, il y a là une vive originalité, la diction du chanteur est toujours celle de Fanny Ardant et moi, totalement inédite et identifiable entre mille au premier mot prononcé. Il y a aussi sur ce disque une intéressante façon d'être franchouillard à la mode british, et ce au milieu d'influences cosmopolites. Ce deuxième album de Vincent Delerm est très impressionnant de maîtrise, tant pour la musique que pour les textes, cela ressemble beaucoup plus à un cinquième album. Et mention spéciale à l'audace de Vincent de proposer sur la dernière plage, sur la musique continuant, comme un générique de fin lu agrémenté de commentaires, à ma connaissance la chose est totalement unique au monde. Pour revenir sur le name-dropping qui le caractérise, Vincent réalise un coup de maître sur cet album, puisque même quand il cite des personnes connues seulement de lui, il parle encore de gens qu'on connaît, de gens qu'on connaît encore plus personnellement. Des protagonistes de nos vies sont automatiquement identifiés dans les Estelle Gallois, Sandrine Leprince ou Anita Petersen. L'écriture de Vincent Delerm sur cet opus aurait dû avoir plus d'influence sur la façon d'écrire des chansons, il donne là une vraie leçon. Heureusement pour lui, dans un sens, qu'il n'ait pas été très suivi, il reste ainsi l'"oiseau rare" de la chanson française. Nous sommes face à un témoignage d'une époque illustré magnifiquement par une musique intemporelle, quelque part entre folk, jazz, classique et variétés.
LES CHARTS - NOTRE MONDE À NOUS (1991)
L'Océan sans fond, premier album des Charts (groupe réunissant Calogero, son frère, et Francis Maggiuli), avait lancé de belles promesses. Notre monde à nous, leur deuxième opus, les concrétise avec un certain brio. Même si il y a ici quelque inégalité, certains titres ne semblent pas du niveau ni de la tonalité du reste, comme s'ils avaient été réalisés à part et rajoutés au dernier moment. Calogero Maurici nous saisit avec la pureté de son chant. Les textes font aussi preuve d'une belle sensibilité. L'écriture porte un point de vue juvénile mais intéressant, décomplexé, et porteur tantôt d'espoir, tantôt de questions métaphysiques restant sans réponse. Cet album est un voyage plutôt nocturne, assez fleuri, souvent très romantique, parfois un peu mystique. On est parfois proche d'un bon conte de fées. Le titre Jeunes Voyageurs, tube FM, pourrait être désigné comme l'hymne générationnel de ceux qui avaient vingt ans dans les années 90. Le titre Notre Monde à Nous pourrait être l'hymne de tous ceux qui refusent le pessimisme et le cynisme ambiants. On est toujours ravi d'entendre le hautbois sur le titre Hautbois dormant (petite perle intemporelle), tellement rafraîchissant au milieu de ces années synthétiques. Rafraîchissant comme l'ensemble de l'album ayant accompli la prouesse de placer plusieurs tubes dans une époque peu encline à leur univers musical bon-enfant et hors-modes, aux antipodes de l'électronisation.
L'Océan sans fond, premier album des Charts (groupe réunissant Calogero, son frère, et Francis Maggiuli), avait lancé de belles promesses. Notre monde à nous, leur deuxième opus, les concrétise avec un certain brio. Même si il y a ici quelque inégalité, certains titres ne semblent pas du niveau ni de la tonalité du reste, comme s'ils avaient été réalisés à part et rajoutés au dernier moment. Calogero Maurici nous saisit avec la pureté de son chant. Les textes font aussi preuve d'une belle sensibilité. L'écriture porte un point de vue juvénile mais intéressant, décomplexé, et porteur tantôt d'espoir, tantôt de questions métaphysiques restant sans réponse. Cet album est un voyage plutôt nocturne, assez fleuri, souvent très romantique, parfois un peu mystique. On est parfois proche d'un bon conte de fées. Le titre Jeunes Voyageurs, tube FM, pourrait être désigné comme l'hymne générationnel de ceux qui avaient vingt ans dans les années 90. Le titre Notre Monde à Nous pourrait être l'hymne de tous ceux qui refusent le pessimisme et le cynisme ambiants. On est toujours ravi d'entendre le hautbois sur le titre Hautbois dormant (petite perle intemporelle), tellement rafraîchissant au milieu de ces années synthétiques. Rafraîchissant comme l'ensemble de l'album ayant accompli la prouesse de placer plusieurs tubes dans une époque peu encline à leur univers musical bon-enfant et hors-modes, aux antipodes de l'électronisation.
ALICIA KEYS - THE ELEMENT OF FREEDOM (2009)
Cet album est conçu comme un voyage destiné à nous faire prendre le plus possible conscience de notre liberté. La liberté est célébrée ici et c'est plutôt réussi. On ressent bien le vertige que celle-ci peut engendrer et en même temps la force et la vulnérabilité qu'elle implique. The Element of Freedom est l'œuvre d'une perfectionniste. Mais on est loin des prouesses techniques, on est dans la sincérité totale. Mademoiselle Keys s'emploie à ne rien laisser dans l'ombre et se montre dans ses forces et ses ambitions comme elle nous dévoile ses faiblesses. Il y a une belle ambivalence fascinante dans ce disque. On peut difficilement écouter cet album sans littéralement tomber en amour avec Alicia. Cette femme à l'âme de combattante inspirée des Black Panthers est la même que la jeune femme fragile démolie par un chagrin d'amour et qui évolue seule dans un monde hostile. Le voyage proposé ici est aérien, vertigineux, mais sans plan de vol. La surprise est un peu partout, nous dévoilant parfois des possibilités où l'on ne va pas vraiment, comme si on ne faisait que passer au-dessus sans y aller. Alicia Keys a quelque chose de l'aigle ici, elle est inspirée et on sent que tout en prenant son auditeur par la main elle s'attache aussi à progresser sur le travail intimé par Socrate (le "Connais-toi toi-même"). On sent qu'elle passe par dessus ses craintes et elle nous entraîne avec nous dans ce processus. Les deux derniers titres de l'album sont particulièrement intenses et sacralisent le vol.
Cet album est conçu comme un voyage destiné à nous faire prendre le plus possible conscience de notre liberté. La liberté est célébrée ici et c'est plutôt réussi. On ressent bien le vertige que celle-ci peut engendrer et en même temps la force et la vulnérabilité qu'elle implique. The Element of Freedom est l'œuvre d'une perfectionniste. Mais on est loin des prouesses techniques, on est dans la sincérité totale. Mademoiselle Keys s'emploie à ne rien laisser dans l'ombre et se montre dans ses forces et ses ambitions comme elle nous dévoile ses faiblesses. Il y a une belle ambivalence fascinante dans ce disque. On peut difficilement écouter cet album sans littéralement tomber en amour avec Alicia. Cette femme à l'âme de combattante inspirée des Black Panthers est la même que la jeune femme fragile démolie par un chagrin d'amour et qui évolue seule dans un monde hostile. Le voyage proposé ici est aérien, vertigineux, mais sans plan de vol. La surprise est un peu partout, nous dévoilant parfois des possibilités où l'on ne va pas vraiment, comme si on ne faisait que passer au-dessus sans y aller. Alicia Keys a quelque chose de l'aigle ici, elle est inspirée et on sent que tout en prenant son auditeur par la main elle s'attache aussi à progresser sur le travail intimé par Socrate (le "Connais-toi toi-même"). On sent qu'elle passe par dessus ses craintes et elle nous entraîne avec nous dans ce processus. Les deux derniers titres de l'album sont particulièrement intenses et sacralisent le vol.
STING - TEN SUMMONER'S TALES (1993)
Le plus personnel des albums de Sting. Le premier album à s'être vendu sur internet. Rien qu'avec le titre et rien qu'avec la pochette, on part en voyage. Sting s'annonce comme un conteur et il nous prouve rapidement qu'il l'est. On sent ici poindre son amour pour le médiéval. Et pas seulement à cause de la référence du titres aux Contes de Canterbury. Les pépites s'enchaînent sur cet album globalement doux et introspectif. L'album est plein d'influences celtiques et de questionnements et positionnements philosophiques. On sent un homme animé de questions, mais qui repose sur un certain socle de certitude éclairée. L'artiste s'est posé et s'en est retourné vers ses origines, on est loin de son œuvre avec The Police. Le voyage est beau, serpentant dans les sous-bois comme dans les champs d'or.
Le plus personnel des albums de Sting. Le premier album à s'être vendu sur internet. Rien qu'avec le titre et rien qu'avec la pochette, on part en voyage. Sting s'annonce comme un conteur et il nous prouve rapidement qu'il l'est. On sent ici poindre son amour pour le médiéval. Et pas seulement à cause de la référence du titres aux Contes de Canterbury. Les pépites s'enchaînent sur cet album globalement doux et introspectif. L'album est plein d'influences celtiques et de questionnements et positionnements philosophiques. On sent un homme animé de questions, mais qui repose sur un certain socle de certitude éclairée. L'artiste s'est posé et s'en est retourné vers ses origines, on est loin de son œuvre avec The Police. Le voyage est beau, serpentant dans les sous-bois comme dans les champs d'or.
KEZIAH JONES - BLUFUNK IS A FACT (1992)
Keziah sera toujours le glorieux exemple-type du phénomène musical jouant dans le métro. Et cet album, étant le premier, est bien sûr celui qui illustre mieux le génie musical tout juste sorti du métro. L'artiste développe tout son style de virtuose musicien des rues. Il réinvente le blues. On est bluffé par la création de l'artiste qui se montre à la fois sauvage et si FM, à la fois si empreint de modernité et si fidèle au passé, à la fois si africain et si anglo-saxon. La reconnexion du blues et du funk, annoncée dans le titre, est opérée à merveille. Parfois nerveux mais toujours fluide, l'album est un voyage sur les trottoirs du monde. Lorsque Keziah nous demande de lui dire où est la vie, nous avons en vie de lui répondre qu'elle est en lui, et particulièrement vive.
Keziah sera toujours le glorieux exemple-type du phénomène musical jouant dans le métro. Et cet album, étant le premier, est bien sûr celui qui illustre mieux le génie musical tout juste sorti du métro. L'artiste développe tout son style de virtuose musicien des rues. Il réinvente le blues. On est bluffé par la création de l'artiste qui se montre à la fois sauvage et si FM, à la fois si empreint de modernité et si fidèle au passé, à la fois si africain et si anglo-saxon. La reconnexion du blues et du funk, annoncée dans le titre, est opérée à merveille. Parfois nerveux mais toujours fluide, l'album est un voyage sur les trottoirs du monde. Lorsque Keziah nous demande de lui dire où est la vie, nous avons en vie de lui répondre qu'elle est en lui, et particulièrement vive.
DANIELLE MESSIA - CARNAVAL (1985)
C'est peut-être la plus grande injustice de la chanson française qu'en dépit des efforts de Jean-Jacques Goldman, son ami, pour la promouvoir, madame Danielle Messia reste méconnue du grand public et ne siège pas à la place qui est la sienne au milieu de Barbara, Zazie et Véronique Sanson. C'est vrai que le sort avait déjà été cruel pour elle puisqu'elle est morte prématurément d'un cancer, et qu'elle devait passer chez Michel Drucker juste quelques jours après son décès. Un destin brisé mais qui nous laisse tout de même une œuvre magnifique. Cet album-ci, son dernier, est cosmopolite, il incarne un arc-en-ciel de vie, un festival coloré où les émotions sont à fleur de peau. Sont particulièrement poignants les deux titres où elle livre intimement son ressenti, J'voudrais m'poser et Grand-mère ghetto, mais c'est tout l'album qui nous touche en plein cœur. Carnaval de la vie. Un carnaval où la liesse et la force de vie triomphent la maladie qui l'emportait. On notera la présence à la guitare de Jean-Jacques Goldman sur le dernier titre de l'album, Le temps des enfants, dont il est le compositeur. La chanson la plus emblématique du disque restant indéniablement La chanson de Julia et son refrain tellement prémonitoire et de bon aloi dans la situation de Danielle : "La vie commence ici. La mort n'existe pas, elle n'est qu'une apparence...".
C'est peut-être la plus grande injustice de la chanson française qu'en dépit des efforts de Jean-Jacques Goldman, son ami, pour la promouvoir, madame Danielle Messia reste méconnue du grand public et ne siège pas à la place qui est la sienne au milieu de Barbara, Zazie et Véronique Sanson. C'est vrai que le sort avait déjà été cruel pour elle puisqu'elle est morte prématurément d'un cancer, et qu'elle devait passer chez Michel Drucker juste quelques jours après son décès. Un destin brisé mais qui nous laisse tout de même une œuvre magnifique. Cet album-ci, son dernier, est cosmopolite, il incarne un arc-en-ciel de vie, un festival coloré où les émotions sont à fleur de peau. Sont particulièrement poignants les deux titres où elle livre intimement son ressenti, J'voudrais m'poser et Grand-mère ghetto, mais c'est tout l'album qui nous touche en plein cœur. Carnaval de la vie. Un carnaval où la liesse et la force de vie triomphent la maladie qui l'emportait. On notera la présence à la guitare de Jean-Jacques Goldman sur le dernier titre de l'album, Le temps des enfants, dont il est le compositeur. La chanson la plus emblématique du disque restant indéniablement La chanson de Julia et son refrain tellement prémonitoire et de bon aloi dans la situation de Danielle : "La vie commence ici. La mort n'existe pas, elle n'est qu'une apparence...".
SADE - LOVE DELUXE (1992)
Comment ne pas succomber à tant de suavité ? Sade est dans tout cet album comme la sirène qu'elle incarne dans le clip de No Ordinary love (titre phare de l'opus). Elle nous envoûte comme toujours, mais avec encore plus d'intensité que sur ses autres réalisations. C'est un tourbillon d'émotions et de sensualité que ce Love Deluxe. On est dans de la musique qui pourrait sembler un jazz d'ambiance, mais poussée à ce niveau de classe et de qualité, cela devient une musique particulièrement puissante et prenante. Beaucoup croient à tort que les chansons de Sade sont mélancoliques, ce ne sont pas la majorité, au contraire beaucoup de titres respirent le bonheur et la plénitude. Disque addictif, difficile de passer à un autre lorsque l'on s'y plonge. On se sent un peu face à Sade comme un cobra suivant la flûte du charmeur de serpents.
Comment ne pas succomber à tant de suavité ? Sade est dans tout cet album comme la sirène qu'elle incarne dans le clip de No Ordinary love (titre phare de l'opus). Elle nous envoûte comme toujours, mais avec encore plus d'intensité que sur ses autres réalisations. C'est un tourbillon d'émotions et de sensualité que ce Love Deluxe. On est dans de la musique qui pourrait sembler un jazz d'ambiance, mais poussée à ce niveau de classe et de qualité, cela devient une musique particulièrement puissante et prenante. Beaucoup croient à tort que les chansons de Sade sont mélancoliques, ce ne sont pas la majorité, au contraire beaucoup de titres respirent le bonheur et la plénitude. Disque addictif, difficile de passer à un autre lorsque l'on s'y plonge. On se sent un peu face à Sade comme un cobra suivant la flûte du charmeur de serpents.
INDILA - MINI WORLD (2014)
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'Indila a bluffé son monde en nous présentant son "petit monde". Cet album présente une maturité hors-pair pour un premier opus. Le monde intérieur de cette jeune femme est d'une richesse déconcertante, les textes sont affûtés, loin des clichés, nous racontant de véritables histoires. Et tour de force incroyable, ils séduisent le grand public et trois titres deviennent des tubes. Indila a une sensibilité musicale exceptionnelle, cosmopolite, mais en plus elle a un grand talent de conteuse. Un album de grande sincérité qui parle de sa culture, avec ses origines et son ouverture sur le monde. Il y a beaucoup de modernité avec en même temps un certain tour classique qui en fait un ouvrage novateur. La première fois, sa voix nous évoque un mélange entre Natacha Atlas et Marie Laforêt, ce qui est pour le moins plaisant. On pourrait dire d'elle aussi qu'elle est un Stromae au féminin, spécialement sur le titre Ainsi bas la vida. On la sent effectivement animée d'une culture et d'une démarche semblables au belge. Mais on oublie vite les références pour ne plus penser qu'à l'empreinte artistique singulière de l'hypersensible Indila, mi-rappeuse mi-diva. Si elle tourne dans le vide, nous à son contact nous tournons au contraire dans un univers très dense.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'Indila a bluffé son monde en nous présentant son "petit monde". Cet album présente une maturité hors-pair pour un premier opus. Le monde intérieur de cette jeune femme est d'une richesse déconcertante, les textes sont affûtés, loin des clichés, nous racontant de véritables histoires. Et tour de force incroyable, ils séduisent le grand public et trois titres deviennent des tubes. Indila a une sensibilité musicale exceptionnelle, cosmopolite, mais en plus elle a un grand talent de conteuse. Un album de grande sincérité qui parle de sa culture, avec ses origines et son ouverture sur le monde. Il y a beaucoup de modernité avec en même temps un certain tour classique qui en fait un ouvrage novateur. La première fois, sa voix nous évoque un mélange entre Natacha Atlas et Marie Laforêt, ce qui est pour le moins plaisant. On pourrait dire d'elle aussi qu'elle est un Stromae au féminin, spécialement sur le titre Ainsi bas la vida. On la sent effectivement animée d'une culture et d'une démarche semblables au belge. Mais on oublie vite les références pour ne plus penser qu'à l'empreinte artistique singulière de l'hypersensible Indila, mi-rappeuse mi-diva. Si elle tourne dans le vide, nous à son contact nous tournons au contraire dans un univers très dense.
YANNICK NOAH - YANNICK NOAH (2000)
Le champion de tennis Yannick Noah est chanteur depuis une dizaine d'années lorsque sort cet album. Mais il ne s'est jamais encore réellement frotté à la chanson française, restant résolument dans un paysage purement africain qui ne lui assure qu'un public de plus en plus limité. En faisant appel à son pote Jean-Jacques Goldman et les auteurs-compositeurs amis de celui-ci (les ex-membres du groupe Canada que sont Benzi, Arzel et Veneruso), Noah cherche à s'universaliser et s'imposer dans le paysage comme un artiste qui compte. Le pari est réussi haut-la-main, et ce tout en restant fidèle à la culture de Yannick, entre reggae et africanisme. Ce n'est pas vraiment étonnant quand on voit ce que Goldman a su produire pour Khaled entre autres, sachant doser entre "musiques du monde" et chanson française comme il sait le faire entre rock et variétés, ne se situant jamais ni tout à fait dans une catégorie ni tout à fait dans l'autre. Le résultat ici est quand même saisissant, beaucoup de titres sonnent tribalement traditionnels et on ne peut qu'être heureux de les voir rentrer dans les foyers du français moyen. Cet album est comme une avalanche d'hymnes plus fédérateurs les uns que les autres, des hymnes rappelant les principes de base de la sagesse intemporelle. Un disque puissamment connecté à la Terre et à la Mère Afrique, mais qui sait aussi s'élever très haut (tout en étant conscient qu'on ne sera jamais ni divin ni chien). Un disque qui fait du bien à chaque écoute, qui ressource et fait danser. Un album rare, habité, mystique, simple, mélangeant tout naturellement le reggae, la musique afro et la chanson française. Cet opus a presque autant de retentissement positif populaire que la victoire de son interprète à Roland-Garros quelques 17 ans auparavant. Yannick est redevenu à l'époque notre meilleur ami à tous avec ce disque, hélas cela c'était avant...
Le champion de tennis Yannick Noah est chanteur depuis une dizaine d'années lorsque sort cet album. Mais il ne s'est jamais encore réellement frotté à la chanson française, restant résolument dans un paysage purement africain qui ne lui assure qu'un public de plus en plus limité. En faisant appel à son pote Jean-Jacques Goldman et les auteurs-compositeurs amis de celui-ci (les ex-membres du groupe Canada que sont Benzi, Arzel et Veneruso), Noah cherche à s'universaliser et s'imposer dans le paysage comme un artiste qui compte. Le pari est réussi haut-la-main, et ce tout en restant fidèle à la culture de Yannick, entre reggae et africanisme. Ce n'est pas vraiment étonnant quand on voit ce que Goldman a su produire pour Khaled entre autres, sachant doser entre "musiques du monde" et chanson française comme il sait le faire entre rock et variétés, ne se situant jamais ni tout à fait dans une catégorie ni tout à fait dans l'autre. Le résultat ici est quand même saisissant, beaucoup de titres sonnent tribalement traditionnels et on ne peut qu'être heureux de les voir rentrer dans les foyers du français moyen. Cet album est comme une avalanche d'hymnes plus fédérateurs les uns que les autres, des hymnes rappelant les principes de base de la sagesse intemporelle. Un disque puissamment connecté à la Terre et à la Mère Afrique, mais qui sait aussi s'élever très haut (tout en étant conscient qu'on ne sera jamais ni divin ni chien). Un disque qui fait du bien à chaque écoute, qui ressource et fait danser. Un album rare, habité, mystique, simple, mélangeant tout naturellement le reggae, la musique afro et la chanson française. Cet opus a presque autant de retentissement positif populaire que la victoire de son interprète à Roland-Garros quelques 17 ans auparavant. Yannick est redevenu à l'époque notre meilleur ami à tous avec ce disque, hélas cela c'était avant...
VANESSA PARADIS - VANESSA PARADIS (1992)
Vanessa saute un grand pas ici en proposant un album anglophone signé par Lenny Kravitz. Mais elle semble ne pas réaliser, toujours aussi ingénue et décalée. Toujours si irrésistible. Toujours si naturelle. Les compositions sont excellentes. Kravitz, probablement très inspiré de travailler pour sa chérie du moment, semble même affiner mieux son son que sur ses propres albums (c'est ici plus épuré et plus abouti, moins brouillon). Peut-être est-ce parce qu'il joue ici la plupart du temps tous les instruments... L'exigence de Lenny avec l'insouciance de Vanessa, cela donne une œuvre d'une puissance folle. On remarquera avec intérêt que cet album a un point commun avec le précédent opus de Vanessa dirigé par Serge Gainsbourg. Ce point commun, c'est que la miss Paradis y reprend dans les deux enregistrements un titre de Lou Reed (après le mythique Walk on the Wild Side, c'est ici I'm Waiting for the Man). Cet album est un voyage coloré, un peu onirique, passant de rivages marécageux à des quartiers branchés de Londres, de l'île de Wight à des contrées féériques. Le premier titre, Natural High, dresse tout de suite tout un état d'esprit irrésistible et le paysage d'un album culte. On remarque le titre Paradis dont Vanessa a signé le texte, une première dans sa carrière. Mention spéciale aussi au magnifique Sunday Mondays, moment suspendu qui nous entraîne dès les premières mesures au milieu des nuages féériques dans lesquels se prélasse Vanessa dans le clip. On est déjà charmé par la présence du trombone sur ce titre, mais on l'est encore plus par la présence du clavecin (joué par Henry Hirsch, invité par Lenny comme co-compositeur du morceau). Il s'agit peut-être bien du seul titre pop-rock avec du clavecin, en tout cas du seul tube pop-rock dans ce cas. Quand on vous dit que Lenny aime le rétro, on ne parle pas seulement du rock des 50-60's, on voyage jusqu'à plusieurs siècles en arrière, et ce sans pour autant sentir la poussière.
Vanessa saute un grand pas ici en proposant un album anglophone signé par Lenny Kravitz. Mais elle semble ne pas réaliser, toujours aussi ingénue et décalée. Toujours si irrésistible. Toujours si naturelle. Les compositions sont excellentes. Kravitz, probablement très inspiré de travailler pour sa chérie du moment, semble même affiner mieux son son que sur ses propres albums (c'est ici plus épuré et plus abouti, moins brouillon). Peut-être est-ce parce qu'il joue ici la plupart du temps tous les instruments... L'exigence de Lenny avec l'insouciance de Vanessa, cela donne une œuvre d'une puissance folle. On remarquera avec intérêt que cet album a un point commun avec le précédent opus de Vanessa dirigé par Serge Gainsbourg. Ce point commun, c'est que la miss Paradis y reprend dans les deux enregistrements un titre de Lou Reed (après le mythique Walk on the Wild Side, c'est ici I'm Waiting for the Man). Cet album est un voyage coloré, un peu onirique, passant de rivages marécageux à des quartiers branchés de Londres, de l'île de Wight à des contrées féériques. Le premier titre, Natural High, dresse tout de suite tout un état d'esprit irrésistible et le paysage d'un album culte. On remarque le titre Paradis dont Vanessa a signé le texte, une première dans sa carrière. Mention spéciale aussi au magnifique Sunday Mondays, moment suspendu qui nous entraîne dès les premières mesures au milieu des nuages féériques dans lesquels se prélasse Vanessa dans le clip. On est déjà charmé par la présence du trombone sur ce titre, mais on l'est encore plus par la présence du clavecin (joué par Henry Hirsch, invité par Lenny comme co-compositeur du morceau). Il s'agit peut-être bien du seul titre pop-rock avec du clavecin, en tout cas du seul tube pop-rock dans ce cas. Quand on vous dit que Lenny aime le rétro, on ne parle pas seulement du rock des 50-60's, on voyage jusqu'à plusieurs siècles en arrière, et ce sans pour autant sentir la poussière.
113 - LES PRINCES DE LA VILLE (1999)
Cet album tant primé aux Victoires de la Musique restera pour toujours un point culminant du Rap français, une oasis colorée dans un monde souvent en noir et blanc. Il s'agit certainement du seul opus de rap hexagonal qui soit novateur sur le plan musical. On n'attendait pas forcément une telle réussite du 113, que l'on pouvait jusqu'ici prendre pour un groupe de gangsta-rap sans grande envergure évoluant dans l'ombre de La Mafia K'1 Fry. On ne se lasse jamais des Princes de la Ville et de leur messages positifs pour la jeunesse : optimisme, connexion à ses racines, non-prise au sérieux, etc. On s'amuse, on réfléchit, on kiffe, et on s'offre de nouveaux horizons loin de la banlieue grise du 9.4. dans laquelle les 3 rappeurs s'enlisaient quelque peu dans leurs enregistrements précédents.
Cet album tant primé aux Victoires de la Musique restera pour toujours un point culminant du Rap français, une oasis colorée dans un monde souvent en noir et blanc. Il s'agit certainement du seul opus de rap hexagonal qui soit novateur sur le plan musical. On n'attendait pas forcément une telle réussite du 113, que l'on pouvait jusqu'ici prendre pour un groupe de gangsta-rap sans grande envergure évoluant dans l'ombre de La Mafia K'1 Fry. On ne se lasse jamais des Princes de la Ville et de leur messages positifs pour la jeunesse : optimisme, connexion à ses racines, non-prise au sérieux, etc. On s'amuse, on réfléchit, on kiffe, et on s'offre de nouveaux horizons loin de la banlieue grise du 9.4. dans laquelle les 3 rappeurs s'enlisaient quelque peu dans leurs enregistrements précédents.
ETIENNE DAHO - POUR NOS VIES MARTIENNES (1988)
On ne se lasse pas de cet ouvrage conçu et intitulé comme un recueil de poésie. Le dandy Daho nous ouvre de nouveaux horizons de mondes parallèles. Il nous balade entre poésie, SF et BD, le long de ces titres pop au son personnel. Le plaisir de perdre et Des Heures Hindoues sont des titres particulièrement enivrants. Etienne est un danseur immobile, nous dresse des portraits collant à son époque tout en étant ailleurs, vie parallèle ressemblant à la nôtre. Il traverse cet album un peu maussade et plat, et ce pour mieux révéler les lumières, les reliefs. Le tout est d'une poésie, entre fantaisie et réalisme, qui parle à chacun. L'auteur-compositeur-rennais nous entraîne dans un périple où l'on est dans plusieurs endroits à la fois, peut-être sur Mars (je ne sais pas), mais en tout cas juxtaposant une foire du trône et une plage sauvage et déserte. On est toujours émerveillé dans l'œuvre d'ED par une certaine densité musicale qui est pourtant faite de pas grand chose.
On ne se lasse pas de cet ouvrage conçu et intitulé comme un recueil de poésie. Le dandy Daho nous ouvre de nouveaux horizons de mondes parallèles. Il nous balade entre poésie, SF et BD, le long de ces titres pop au son personnel. Le plaisir de perdre et Des Heures Hindoues sont des titres particulièrement enivrants. Etienne est un danseur immobile, nous dresse des portraits collant à son époque tout en étant ailleurs, vie parallèle ressemblant à la nôtre. Il traverse cet album un peu maussade et plat, et ce pour mieux révéler les lumières, les reliefs. Le tout est d'une poésie, entre fantaisie et réalisme, qui parle à chacun. L'auteur-compositeur-rennais nous entraîne dans un périple où l'on est dans plusieurs endroits à la fois, peut-être sur Mars (je ne sais pas), mais en tout cas juxtaposant une foire du trône et une plage sauvage et déserte. On est toujours émerveillé dans l'œuvre d'ED par une certaine densité musicale qui est pourtant faite de pas grand chose.
MECANO - AIDALAI (1991)
Oui, il peut sembler étrange que j'aie choisi cet album de Mecano, étant donné que celui-ci sent la séparation imminente. En effet, l'ambiance n'est plus au beau fixe et les frères Cano ont ici bien séparé leurs compositions. Mais si cet Aidalai est une œuvre moins uniforme que leurs albums précédents, il n'en demeure pas moins un chef-d'œuvre remarquable abritant autant de perles que de titres. On devine Nacho Cano toujours un peu maître à bord, puisque le titre de l'album semble évidemment être le choix du bouddhiste de la bande. C'est un grand voyage musical m'évoquant l'œuvre de Gabriel Garcia Marquez auquel nous avons affaire là. On se balade dans l'espace-temps dans un univers musical virtuose tantôt tonnerre, tantôt soie. Ici, on danse, on frémit, on prie et on aime. Les rythmiques sont toujours aussi toniques, vibrantes et inspirées, tout en ayant gagné en maturité par rapport aux albums précédents. On admire la maîtrise de cet album qui réussit à être fort cosmopolite tout en demeurant pourtant solidement ancré dans la culture hispanique. Le titre El Un, El Dos, El Tres (traduit par Luc Plamondon sous le titre Une Histoire à Trois dans la version française) est particulièrement remarquable. C'est une présentation lumineuse du groupe, une espèce d'épitaphe pourrait-on penser, vu qu'il s'agissait de leur dernier album. Reste avec nous une énigme insoluble... comment José Maria Cano qui écrivait de si belles chansons avec une telle maestria a pu depuis quitter la musique pour se consacrer à la seule peinture ??
Oui, il peut sembler étrange que j'aie choisi cet album de Mecano, étant donné que celui-ci sent la séparation imminente. En effet, l'ambiance n'est plus au beau fixe et les frères Cano ont ici bien séparé leurs compositions. Mais si cet Aidalai est une œuvre moins uniforme que leurs albums précédents, il n'en demeure pas moins un chef-d'œuvre remarquable abritant autant de perles que de titres. On devine Nacho Cano toujours un peu maître à bord, puisque le titre de l'album semble évidemment être le choix du bouddhiste de la bande. C'est un grand voyage musical m'évoquant l'œuvre de Gabriel Garcia Marquez auquel nous avons affaire là. On se balade dans l'espace-temps dans un univers musical virtuose tantôt tonnerre, tantôt soie. Ici, on danse, on frémit, on prie et on aime. Les rythmiques sont toujours aussi toniques, vibrantes et inspirées, tout en ayant gagné en maturité par rapport aux albums précédents. On admire la maîtrise de cet album qui réussit à être fort cosmopolite tout en demeurant pourtant solidement ancré dans la culture hispanique. Le titre El Un, El Dos, El Tres (traduit par Luc Plamondon sous le titre Une Histoire à Trois dans la version française) est particulièrement remarquable. C'est une présentation lumineuse du groupe, une espèce d'épitaphe pourrait-on penser, vu qu'il s'agissait de leur dernier album. Reste avec nous une énigme insoluble... comment José Maria Cano qui écrivait de si belles chansons avec une telle maestria a pu depuis quitter la musique pour se consacrer à la seule peinture ??
JANET JACKSON - JANET (1993)
C'est l'album de l'émancipation pour la cadette de la fratrie Jackson. Janet n'est plus la "petite dernière" et s'est décomplexée de ce statut, peut-être un peu trop. Elle n'est plus la jeunette de Rhythm Nation et elle veut le prouver ici, peut-être un peu trop. L'ensemble est tout de même un album complet, abouti, riche. On a un beau mix entre la culture Motown, la culture pop et la culture hip-hop. Janet nous enchante... Qu'elle nous émeuve avec Again, qu'elle nous emporte dans sa joie légère et juvénile avec Whoops Now, qu'elle nous scotche avec If, ou qu'elle nous porte dans des délices sensuels avec That's the way love goes, elle saisit l'auditeur et en fait un fan. Le talent peut peut-être parfois être de famille, en tout cas tout semble simple à Janet qui surprend par moments par la virtuosité de ses interprétations déchaînées.
C'est l'album de l'émancipation pour la cadette de la fratrie Jackson. Janet n'est plus la "petite dernière" et s'est décomplexée de ce statut, peut-être un peu trop. Elle n'est plus la jeunette de Rhythm Nation et elle veut le prouver ici, peut-être un peu trop. L'ensemble est tout de même un album complet, abouti, riche. On a un beau mix entre la culture Motown, la culture pop et la culture hip-hop. Janet nous enchante... Qu'elle nous émeuve avec Again, qu'elle nous emporte dans sa joie légère et juvénile avec Whoops Now, qu'elle nous scotche avec If, ou qu'elle nous porte dans des délices sensuels avec That's the way love goes, elle saisit l'auditeur et en fait un fan. Le talent peut peut-être parfois être de famille, en tout cas tout semble simple à Janet qui surprend par moments par la virtuosité de ses interprétations déchaînées.
LED ZEPPELIN - IV (1971)
Bien sûr, cet album ne s'intitule pas vraiment IV, ce n'est que son titre de reconnaissance que j'utilise ici ne pouvant reproduire les quatre symboles qui constituent son titre originel. Que dire de ce chef-d'œuvre intemporel qui a considérablement élargi le public du groupe ? On est bluffé ! On pouvait difficilement prévoir que les Led Zeppelin pouvaient ainsi réaliser une production aussi variée, aussi aboutie, aussi grand-public, et ce sans rien perdre de leur âme. Lorsqu'on l'écoute aujourd'hui, on a l'impression d'entendre un best-of du groupe. Tous leurs tubes, hormis Whole Lotta Love, sont là, et nous tracent, non pas une autoroute vers l'enfer comme leurs confrères australiens, mais bien un escalier vers le ciel.
Bien sûr, cet album ne s'intitule pas vraiment IV, ce n'est que son titre de reconnaissance que j'utilise ici ne pouvant reproduire les quatre symboles qui constituent son titre originel. Que dire de ce chef-d'œuvre intemporel qui a considérablement élargi le public du groupe ? On est bluffé ! On pouvait difficilement prévoir que les Led Zeppelin pouvaient ainsi réaliser une production aussi variée, aussi aboutie, aussi grand-public, et ce sans rien perdre de leur âme. Lorsqu'on l'écoute aujourd'hui, on a l'impression d'entendre un best-of du groupe. Tous leurs tubes, hormis Whole Lotta Love, sont là, et nous tracent, non pas une autoroute vers l'enfer comme leurs confrères australiens, mais bien un escalier vers le ciel.
PATRICK BRUEL - BRUEL (1994)
Comment peut-on diantre expliquer le relatif échec de cet album ? On peut pourtant parler d'un échec si on le compare à Alors Regarde, l'album précédent et ses hallucinants records de vente. Pourquoi ? Est-ce que c'est parce que tout est ici trop beau, trop lumineux, trop fort, trop en état de grâce ? Est-ce que c'est parce que cette clarté presque surhumaine, qui brille dans les yeux et dans tout ce que touche Patrick, finit par nous aveugler et nous tenir à distance ? Est-ce que c'est parce qu'on finit par détester et jalouser cet homme trop talentueux ? Bruel se balade sur cet opus dans une lumière éclatante, excellant titre après titre avec une énergie pouvant ranimer un mort. Les sujets abordés sont divers, la musique passe du rock à la variétés en passant par le blues, rien ne fait peur à Patriiiick qui semble à l'aise avec tout. On le dirait parfois une espèce de nouveau Daniel Balavoine, mais qui serait contrairement à ce dernier un incorrigible optimiste. Un optimisme qui n'exclut pas une critique sociale lucide, et parfois acerbe, spécialement dans les titres co-écrits avec Laurent Chaloumeau (le co-auteur d'Antoine de Caunes dans Nulle Part Ailleurs). On regrettera que l'artiste abandonne dans ses albums suivants tout l'aspect rebelle et contestataire de ses textes. Il semblait pourtant que c'était là que résidait une bonne partie de son éclat.
Comment peut-on diantre expliquer le relatif échec de cet album ? On peut pourtant parler d'un échec si on le compare à Alors Regarde, l'album précédent et ses hallucinants records de vente. Pourquoi ? Est-ce que c'est parce que tout est ici trop beau, trop lumineux, trop fort, trop en état de grâce ? Est-ce que c'est parce que cette clarté presque surhumaine, qui brille dans les yeux et dans tout ce que touche Patrick, finit par nous aveugler et nous tenir à distance ? Est-ce que c'est parce qu'on finit par détester et jalouser cet homme trop talentueux ? Bruel se balade sur cet opus dans une lumière éclatante, excellant titre après titre avec une énergie pouvant ranimer un mort. Les sujets abordés sont divers, la musique passe du rock à la variétés en passant par le blues, rien ne fait peur à Patriiiick qui semble à l'aise avec tout. On le dirait parfois une espèce de nouveau Daniel Balavoine, mais qui serait contrairement à ce dernier un incorrigible optimiste. Un optimisme qui n'exclut pas une critique sociale lucide, et parfois acerbe, spécialement dans les titres co-écrits avec Laurent Chaloumeau (le co-auteur d'Antoine de Caunes dans Nulle Part Ailleurs). On regrettera que l'artiste abandonne dans ses albums suivants tout l'aspect rebelle et contestataire de ses textes. Il semblait pourtant que c'était là que résidait une bonne partie de son éclat.
DIRE STRAITS - ON EVERY STREET (1991)
Depuis les débuts de Dire Straits, on est ébloui par la virtuosité de Mark Knopfler, de ses compositions comme de son jeu. On est toujours en ravissement en l'écoutant, qu'il nous émerveille avec sa dextérité et sa vitesse ou bien avec sa subtilité et son doigté. Sur On every street, on passe encore si c'est possible au niveau supérieur. On touche si haut que l'on comprend aisément pourquoi le groupe n'a jamais fait un album successeur à ce chef-d'œuvre. On est à la quintessence de la musique du vingtième siècle, le temps est suspendu, magnifiant tout le rock joué avant en lui ouvrant les portes de l'éternité.
Depuis les débuts de Dire Straits, on est ébloui par la virtuosité de Mark Knopfler, de ses compositions comme de son jeu. On est toujours en ravissement en l'écoutant, qu'il nous émerveille avec sa dextérité et sa vitesse ou bien avec sa subtilité et son doigté. Sur On every street, on passe encore si c'est possible au niveau supérieur. On touche si haut que l'on comprend aisément pourquoi le groupe n'a jamais fait un album successeur à ce chef-d'œuvre. On est à la quintessence de la musique du vingtième siècle, le temps est suspendu, magnifiant tout le rock joué avant en lui ouvrant les portes de l'éternité.
CELINE DION - D'EUX (1995)
Le disque de tous les records ! De loin l'album francophone le plus vendu. Et c'est amplement mérité. Que pourrait-on dire pour parler de cette sublime voix qui laisse éclater ici sa sensationnelle nature ? Céline sait tout faire, et portée par un Jean-Jacques par elle singulièrement inspiré, cela donne un instant de grâce durant le temps des douze titres composant cet opus. Goldman dévoile une nouvelle facette de son talent de parolier, écrivant pour Céline des chansons d'amour tel qu'il n'en chantera jamais, ou alors pour son public. On est dans une œuvre tenant du prodige, du miracle ou du céleste. Tout a l'air parfait le plus naturellement et le plus simplement du monde. Les émotions nous bouleversent, explosant parfois mais toujours enveloppées de la grande pudeur qui caractérise l'œuvre de Jean-Jacques. Un album particulièrement intemporel, qui s'accommode de tout, qui est un blockbuster alors qu'il est conçu artisanalement en toute simplicité et intimité, ayant l'or de la voix de Céline comme seule paillette. Cet ouvrage sera toujours un exemple incroyable de complicité entre une interprète et un auteur-compositeur-producteur. Il est très rare d'avoir un tel niveau d'adéquation entre deux artistes qui n'ont pas un vécu ensemble avant la conception du disque.
Le disque de tous les records ! De loin l'album francophone le plus vendu. Et c'est amplement mérité. Que pourrait-on dire pour parler de cette sublime voix qui laisse éclater ici sa sensationnelle nature ? Céline sait tout faire, et portée par un Jean-Jacques par elle singulièrement inspiré, cela donne un instant de grâce durant le temps des douze titres composant cet opus. Goldman dévoile une nouvelle facette de son talent de parolier, écrivant pour Céline des chansons d'amour tel qu'il n'en chantera jamais, ou alors pour son public. On est dans une œuvre tenant du prodige, du miracle ou du céleste. Tout a l'air parfait le plus naturellement et le plus simplement du monde. Les émotions nous bouleversent, explosant parfois mais toujours enveloppées de la grande pudeur qui caractérise l'œuvre de Jean-Jacques. Un album particulièrement intemporel, qui s'accommode de tout, qui est un blockbuster alors qu'il est conçu artisanalement en toute simplicité et intimité, ayant l'or de la voix de Céline comme seule paillette. Cet ouvrage sera toujours un exemple incroyable de complicité entre une interprète et un auteur-compositeur-producteur. Il est très rare d'avoir un tel niveau d'adéquation entre deux artistes qui n'ont pas un vécu ensemble avant la conception du disque.
QUEEN - INNUENDO (1991)
Freddie Mercury est condamné et cet album résonne comme un adieu, marqué globalement par la tristesse, même s'il se termine par le solennel The Show Must Go on qui ne s'apitoie pas et au contraire trace avec engouement le sillon d'un avenir qui doit exister de radiante façon, à la hauteur de ce qui s'est passé. Un léger oxymore que cette chanson qui porte l'album, mais qui incite à ne pas regarder en arrière, là où l'album dans son ensemble tend de par sa propension à revenir là où Freddie est le plus magistral, lorsque l'opéra flirte avec le hard-rock. En tout cas, on est particulièrement conquis par cette atmosphère tragico-comique, illustrée à merveille par la pochette inspirée du caricaturiste Grandville. Le flamenco du titre Innuendo a quelque chose de majestueux, on dirait que Freddie nous prend par la main pour nous emmener dans son dernier voyage, un voyage dans des contrées ensoleillés alors que le soleil est en train de dangereusement décliner. Tout dans ce disque matérialise un clair-obscur qui opère à merveille, nous intriguant et nous réjouissant, nous dérangeant parfois juste ce qu'il faut. L'intensité que l'on trouve laisse parfois penser que l'on assiste aux derniers feux jetés avant la fin, on voit l'homme au pied du mur, et ce qu'on voit est assez grandiose. Freddie est un génie et oui, son show doit continuer...
Freddie Mercury est condamné et cet album résonne comme un adieu, marqué globalement par la tristesse, même s'il se termine par le solennel The Show Must Go on qui ne s'apitoie pas et au contraire trace avec engouement le sillon d'un avenir qui doit exister de radiante façon, à la hauteur de ce qui s'est passé. Un léger oxymore que cette chanson qui porte l'album, mais qui incite à ne pas regarder en arrière, là où l'album dans son ensemble tend de par sa propension à revenir là où Freddie est le plus magistral, lorsque l'opéra flirte avec le hard-rock. En tout cas, on est particulièrement conquis par cette atmosphère tragico-comique, illustrée à merveille par la pochette inspirée du caricaturiste Grandville. Le flamenco du titre Innuendo a quelque chose de majestueux, on dirait que Freddie nous prend par la main pour nous emmener dans son dernier voyage, un voyage dans des contrées ensoleillés alors que le soleil est en train de dangereusement décliner. Tout dans ce disque matérialise un clair-obscur qui opère à merveille, nous intriguant et nous réjouissant, nous dérangeant parfois juste ce qu'il faut. L'intensité que l'on trouve laisse parfois penser que l'on assiste aux derniers feux jetés avant la fin, on voit l'homme au pied du mur, et ce qu'on voit est assez grandiose. Freddie est un génie et oui, son show doit continuer...
THE POLICE - REGGATTA DE BLANC (1979)
Les Police sont au sommet de leur gloire et affichent encore plus leur statut de blanc faisant du reggae. Du reggae mélangé au rock, mais du reggae quand même, pas du ska. On nage avec bonheur dans un melting-pot improbable entre la rigide froideur britannique et la décontractée chaleur de la Jamaïque. Deux cultures apparemment opposées mais qui s'accordent sur le flegme. Sting n'est pourtant pas à l'époque le Sir flegmatique qu'il va devenir plus tard. Reggatta de Blanc a connu un succès foudroyant, porté par l'entêtant Message in a Bottle (sublimé sur scène par Laurent Voulzy dans la conclusion de son Rockollection). Les titres signés Sting s'accordent à merveille avec les titres signés du génial percussionniste du groupe (Stewart Copeland). L'album est cosmopolite, nous parlant des pays de l'autre côté du rideau de fer comme de l'Afrique (via la Jamaïque sans doute), et même de la Lune. Le son est particulièrement délectable, cet album a imprimé un son nouveau qui s'est imposé comme le son des années 80 qui allaient débuter.
Les Police sont au sommet de leur gloire et affichent encore plus leur statut de blanc faisant du reggae. Du reggae mélangé au rock, mais du reggae quand même, pas du ska. On nage avec bonheur dans un melting-pot improbable entre la rigide froideur britannique et la décontractée chaleur de la Jamaïque. Deux cultures apparemment opposées mais qui s'accordent sur le flegme. Sting n'est pourtant pas à l'époque le Sir flegmatique qu'il va devenir plus tard. Reggatta de Blanc a connu un succès foudroyant, porté par l'entêtant Message in a Bottle (sublimé sur scène par Laurent Voulzy dans la conclusion de son Rockollection). Les titres signés Sting s'accordent à merveille avec les titres signés du génial percussionniste du groupe (Stewart Copeland). L'album est cosmopolite, nous parlant des pays de l'autre côté du rideau de fer comme de l'Afrique (via la Jamaïque sans doute), et même de la Lune. Le son est particulièrement délectable, cet album a imprimé un son nouveau qui s'est imposé comme le son des années 80 qui allaient débuter.
FREDERICKS GOLDMAN JONES - ROUGE (1993)
Jean-Jacques Goldman ne pouvait sans doute pas seul aller plus haut qu'avec Entre gris clair et gris foncé, ni dans la qualité, ni dans le succès. Un succès qu'il a toujours du mal à vivre, de surcroît. C'est sans doute une des raisons qui l'ont poussé à prendre ensuite de la distance en créant le groupe Fredericks-Goldman-Jones avec "sa" choriste américaine (une Carole que tout le monde s'arrache) et son guitariste gallois (Michael, qui suit en parallèle une carrière solo de chanteur, étant aussi son duettiste occasionnel, son traducteur en anglais, et avant tout son meilleur ami et éternel complice depuis Taï Phong). Une alliance multi-nationale donnant l'occasion à JJG de se réinventer et qui deviendra vite "trio magique". Un trio superstar comme en témoigne le fait (extrêmement rare en France) de n'avoir pas à indiquer son nom sur la pochette de l'album, pas même sur un autocollant rajouté (et ce alors qu'il n'y a pas non plus le moindre visage visible ni d'un côté ni de l'autre). Un trio qui est moins trio dans ce second album où Jean-Jacques débute et finit tout seul, alors que Carole interprète sans ses compagnons le titre Il part. Il sera toujours un peu étonnant que Goldman ait fait cet album Rouge avec son trio, alors que l'on soupçonne aisément qu'il réalise là un projet très personnel qu'il portait en lui depuis longtemps. Peut-être que Jean-Jacques, comme souvent lorsqu'il se livre intimement, voulait par pudeur se cacher un peu pour accomplir cet ouvrage. On a affaire à l'œuvre la plus virtuose de JJG, le sage philosophe et chanteur de rock s'y débride totalement, surtout dans la deuxième partie de l'enregistrement, explorant des voies musicales expérimentales qui ne sont pas grand-public et où il ne s'était plus aventuré depuis Taï Phong. Les présences des Chœurs de l'Armée Rouge, et du Chœur Trakia (Voix Bulgares), donnent un volume conséquent au disque, de même que son boîtier en fer forgé finement sculpté (volonté de proposer un produit collector qui soit déjà intéressant en tant qu'objet, mais aussi indécrottable volonté de JJG de faire dans le social en faisant travailler les aciéries françaises en manque d'activité). On a parfois l'impression en écoutant ce disque d'avoir affaire à un album-concept, ce qui n'est pas véritablement le cas, on pourrait peut-être parler d'album semi-concept. Tout est en tout cas dans le prisme de la couleur rouge, porté du même souffle, le souffle du peuple, des plus humbles, allant jusqu'à vilipender ceux qui se prennent les pieds dans leur pouvoir comme dans le magistral On n'a pas changé. Fredericks, Goldman et Jones passent en revue la planète au gré des titres - ou rien que dans le seul Que disent les chansons du monde ? - chantant la jeunesse, les femmes, les révolutions, les agriculteurs, etc. Rouge est un véritable tour d'horizon, en forme d'hommage, de la condition humaine et de son évolution au vingtième siècle, englobant l'hommage à la Révolution Russe, et à l'idéologie communiste, à quelque chose de plus vaste et d'universel. On reconnaît là la vision circulaire et le caractère viscéralement fédérateur de l'humaniste Goldman.
Jean-Jacques Goldman ne pouvait sans doute pas seul aller plus haut qu'avec Entre gris clair et gris foncé, ni dans la qualité, ni dans le succès. Un succès qu'il a toujours du mal à vivre, de surcroît. C'est sans doute une des raisons qui l'ont poussé à prendre ensuite de la distance en créant le groupe Fredericks-Goldman-Jones avec "sa" choriste américaine (une Carole que tout le monde s'arrache) et son guitariste gallois (Michael, qui suit en parallèle une carrière solo de chanteur, étant aussi son duettiste occasionnel, son traducteur en anglais, et avant tout son meilleur ami et éternel complice depuis Taï Phong). Une alliance multi-nationale donnant l'occasion à JJG de se réinventer et qui deviendra vite "trio magique". Un trio superstar comme en témoigne le fait (extrêmement rare en France) de n'avoir pas à indiquer son nom sur la pochette de l'album, pas même sur un autocollant rajouté (et ce alors qu'il n'y a pas non plus le moindre visage visible ni d'un côté ni de l'autre). Un trio qui est moins trio dans ce second album où Jean-Jacques débute et finit tout seul, alors que Carole interprète sans ses compagnons le titre Il part. Il sera toujours un peu étonnant que Goldman ait fait cet album Rouge avec son trio, alors que l'on soupçonne aisément qu'il réalise là un projet très personnel qu'il portait en lui depuis longtemps. Peut-être que Jean-Jacques, comme souvent lorsqu'il se livre intimement, voulait par pudeur se cacher un peu pour accomplir cet ouvrage. On a affaire à l'œuvre la plus virtuose de JJG, le sage philosophe et chanteur de rock s'y débride totalement, surtout dans la deuxième partie de l'enregistrement, explorant des voies musicales expérimentales qui ne sont pas grand-public et où il ne s'était plus aventuré depuis Taï Phong. Les présences des Chœurs de l'Armée Rouge, et du Chœur Trakia (Voix Bulgares), donnent un volume conséquent au disque, de même que son boîtier en fer forgé finement sculpté (volonté de proposer un produit collector qui soit déjà intéressant en tant qu'objet, mais aussi indécrottable volonté de JJG de faire dans le social en faisant travailler les aciéries françaises en manque d'activité). On a parfois l'impression en écoutant ce disque d'avoir affaire à un album-concept, ce qui n'est pas véritablement le cas, on pourrait peut-être parler d'album semi-concept. Tout est en tout cas dans le prisme de la couleur rouge, porté du même souffle, le souffle du peuple, des plus humbles, allant jusqu'à vilipender ceux qui se prennent les pieds dans leur pouvoir comme dans le magistral On n'a pas changé. Fredericks, Goldman et Jones passent en revue la planète au gré des titres - ou rien que dans le seul Que disent les chansons du monde ? - chantant la jeunesse, les femmes, les révolutions, les agriculteurs, etc. Rouge est un véritable tour d'horizon, en forme d'hommage, de la condition humaine et de son évolution au vingtième siècle, englobant l'hommage à la Révolution Russe, et à l'idéologie communiste, à quelque chose de plus vaste et d'universel. On reconnaît là la vision circulaire et le caractère viscéralement fédérateur de l'humaniste Goldman.
MICHEL BERGER & FRANCE GALL - DOUBLE JEU (1992)
Et dire que cet album aurait fait un flop si Michel Berger n'était pas mort un mois et demi après sa sortie, propulsant l'opus au firmament des ventes... On a pourtant là affaire à l'album le plus abouti de l'artiste, et même du couple d'artistes pourtant si aimé du public. On ne comprendra jamais pourquoi l'accueil était mitigé lorsque ce disque est arrivé dans les bacs. Il me semblait pourtant que tout le monde attendait cet album où ils seraient enfin tous les deux réunis à 50-50, et non plus l'un faisant les chœurs sur l'album de l'autre. Est-ce que les vagues Eurodance, Rap et Techno auraient eu raison du succès de Michel Berger s'il avait survécu à cet été 1992 ? On est en droit de se le demander. En tout cas, ce premier accueil froid est totalement injuste, Double Jeu a une ampleur phénoménale, on est ébranlé de bout en bout, agité d'élans du cœur, par moments superficiel et léger pour mieux replonger dans l'intensité et ne pas esquiver la gravité. Michel signe des textes poignants, profonds. Celui de Jamais Partir, à l'instar du Partir avant les miens de son pote Daniel Balavoine, prendra une dimension particulière, un peu prophétique, de par son décès si proche. On est bluffé de l'extraordinaire harmonie fusionnelle des voix qui chantent comme un seul être (même si celle de France surplombe celle de son mari qui se retrouve souvent comme en simple soutien : galanterie de Michel, égo de la chanteuse, ou vérité naturelle des timbres, on ne sait pas). Cet album a une teinte solennelle, spécialement avec les hommages à Corinne "Aziza" Balavoine et au personnel de l'hôpital Calmette de Phnom Penh, cela pourrait être son point fort comme son point faible, c'est à voir... En tout cas, on est musicalement et littérairement dans l'excellence, dans la légendaire classe à la Michel Berger. Avec la touche féminine de France qui est plus impliquée que jamais dans un album, ayant co-réalisé l'ouvrage.
Et dire que cet album aurait fait un flop si Michel Berger n'était pas mort un mois et demi après sa sortie, propulsant l'opus au firmament des ventes... On a pourtant là affaire à l'album le plus abouti de l'artiste, et même du couple d'artistes pourtant si aimé du public. On ne comprendra jamais pourquoi l'accueil était mitigé lorsque ce disque est arrivé dans les bacs. Il me semblait pourtant que tout le monde attendait cet album où ils seraient enfin tous les deux réunis à 50-50, et non plus l'un faisant les chœurs sur l'album de l'autre. Est-ce que les vagues Eurodance, Rap et Techno auraient eu raison du succès de Michel Berger s'il avait survécu à cet été 1992 ? On est en droit de se le demander. En tout cas, ce premier accueil froid est totalement injuste, Double Jeu a une ampleur phénoménale, on est ébranlé de bout en bout, agité d'élans du cœur, par moments superficiel et léger pour mieux replonger dans l'intensité et ne pas esquiver la gravité. Michel signe des textes poignants, profonds. Celui de Jamais Partir, à l'instar du Partir avant les miens de son pote Daniel Balavoine, prendra une dimension particulière, un peu prophétique, de par son décès si proche. On est bluffé de l'extraordinaire harmonie fusionnelle des voix qui chantent comme un seul être (même si celle de France surplombe celle de son mari qui se retrouve souvent comme en simple soutien : galanterie de Michel, égo de la chanteuse, ou vérité naturelle des timbres, on ne sait pas). Cet album a une teinte solennelle, spécialement avec les hommages à Corinne "Aziza" Balavoine et au personnel de l'hôpital Calmette de Phnom Penh, cela pourrait être son point fort comme son point faible, c'est à voir... En tout cas, on est musicalement et littérairement dans l'excellence, dans la légendaire classe à la Michel Berger. Avec la touche féminine de France qui est plus impliquée que jamais dans un album, ayant co-réalisé l'ouvrage.
DOC GYNECO - PREMIÈRE CONSULTATION (1996)
Cet album va rapidement devenir un phénomène de société. Ce qu'à l'époque je vais percevoir de façon négative, n'y voyant là que le triomphe de la vulgarité que l'on peut retrouver aussi cette année-là dans le succès de l'ineptie G.Squad. Il faut dire que je trouve affligeant ce Viens voir le docteur que tout le monde chante à la cour de récréation et qui représente l'album sur les ondes et dans les bacs de singles. Je ne vais pas beaucoup changer d'avis en écoutant le deuxième single extrait, Nirvana. Je remarque que ce titre est mieux écrit, mais cette apologie du suicide me semble consternante et malsaine. Le troisième single de l'album, Vanessa, revient dans la vulgarité du premier et je juge décidément Bruno le Doc comme un pauvre type. Alors, me direz-vous, que fait donc cette album sur cette page ? Eh bien, parce que mon jugement a changé lorsque j'ai pris connaissance du quatrième single, Né ici (eh oui, d'où l'intérêt parfois de sortir de nombreux singles). Je me mets à écouter ce titre en boucle que je trouve remarquable dans l'esprit, et tant sur les paroles que sur la musique. On est dans une lecture du rap que j'attends depuis longtemps, un peu à mi-chemin entre NTM et Alliance Ethnik, le tout avec en plus une fraîcheur inédite et la dimension littéraire d'MC Solaar ou Fabe. Je cours enfin écouter l'intégralité de l'album, au casque à Auchan Mistral 7 (Avignon), où il est toujours en démonstration alors qu'il est sorti depuis plus d'un an. Je comprends vite le pourquoi d'un tel succès. Je suis scotché par ce que j'entends, derrière les 3 premiers singles ne se cachent que des petites perles. J'achète le disque et vais l'user sur mon radio-CD (tout en prenant toutefois soin de toujours zapper Viens voir le docteur et Vanessa). On se retrouve totalement dans ce jeune homme qui créé son propre sillon à contretemps dans le milieu stéréotypé du hip-hop. Doc Gynéco a une posture proche de celle d'Alain Souchon, un grand enfant qui peut parfois être cynique, on ne se lasse pas de son univers coloré si universel, et si drôle tout en étant sensible et réfléchi. Tant de talent... Et dire qu'il a été tant gâché par la suite, notamment à cause des ravages du chichon qui ont fait du "nègre, juif et communiste" de la porte de la Chapelle un Sarkozyste écervelé. En tout cas, cette Première consultation est LE disque identitaire générationnel par excellence des nés dans les années 70-80.
Cet album va rapidement devenir un phénomène de société. Ce qu'à l'époque je vais percevoir de façon négative, n'y voyant là que le triomphe de la vulgarité que l'on peut retrouver aussi cette année-là dans le succès de l'ineptie G.Squad. Il faut dire que je trouve affligeant ce Viens voir le docteur que tout le monde chante à la cour de récréation et qui représente l'album sur les ondes et dans les bacs de singles. Je ne vais pas beaucoup changer d'avis en écoutant le deuxième single extrait, Nirvana. Je remarque que ce titre est mieux écrit, mais cette apologie du suicide me semble consternante et malsaine. Le troisième single de l'album, Vanessa, revient dans la vulgarité du premier et je juge décidément Bruno le Doc comme un pauvre type. Alors, me direz-vous, que fait donc cette album sur cette page ? Eh bien, parce que mon jugement a changé lorsque j'ai pris connaissance du quatrième single, Né ici (eh oui, d'où l'intérêt parfois de sortir de nombreux singles). Je me mets à écouter ce titre en boucle que je trouve remarquable dans l'esprit, et tant sur les paroles que sur la musique. On est dans une lecture du rap que j'attends depuis longtemps, un peu à mi-chemin entre NTM et Alliance Ethnik, le tout avec en plus une fraîcheur inédite et la dimension littéraire d'MC Solaar ou Fabe. Je cours enfin écouter l'intégralité de l'album, au casque à Auchan Mistral 7 (Avignon), où il est toujours en démonstration alors qu'il est sorti depuis plus d'un an. Je comprends vite le pourquoi d'un tel succès. Je suis scotché par ce que j'entends, derrière les 3 premiers singles ne se cachent que des petites perles. J'achète le disque et vais l'user sur mon radio-CD (tout en prenant toutefois soin de toujours zapper Viens voir le docteur et Vanessa). On se retrouve totalement dans ce jeune homme qui créé son propre sillon à contretemps dans le milieu stéréotypé du hip-hop. Doc Gynéco a une posture proche de celle d'Alain Souchon, un grand enfant qui peut parfois être cynique, on ne se lasse pas de son univers coloré si universel, et si drôle tout en étant sensible et réfléchi. Tant de talent... Et dire qu'il a été tant gâché par la suite, notamment à cause des ravages du chichon qui ont fait du "nègre, juif et communiste" de la porte de la Chapelle un Sarkozyste écervelé. En tout cas, cette Première consultation est LE disque identitaire générationnel par excellence des nés dans les années 70-80.
SARA MANDIANO - SAISON DES PLUIES (1993)
Sara Mandiano est une artiste hors-pair. Elle nous avait ravis avec ses deux premiers albums si musicaux, si personnels et originaux, pleins d'une légèreté non niaise. La chanteuse de formation lyrique prend une dimension encore supplémentaire avec cet album Saison des Pluies. Ses textes prennent encore du volume sans rien perdre de leur singularité, ses compositions s'étoffent d'inspirations cosmopolites exotiques. Saison des pluies est un magnifique voyage qu'on a toujours plaisir à accomplir, oubliant tout le reste, nous laissant guider par la fée Sara.
Sara Mandiano est une artiste hors-pair. Elle nous avait ravis avec ses deux premiers albums si musicaux, si personnels et originaux, pleins d'une légèreté non niaise. La chanteuse de formation lyrique prend une dimension encore supplémentaire avec cet album Saison des Pluies. Ses textes prennent encore du volume sans rien perdre de leur singularité, ses compositions s'étoffent d'inspirations cosmopolites exotiques. Saison des pluies est un magnifique voyage qu'on a toujours plaisir à accomplir, oubliant tout le reste, nous laissant guider par la fée Sara.
ZUCCHERO - ORO, INCENSO E BIRRA (1989)
Zucchero est un artiste hors pair, avec un génie excentrique et sans limite tel que seule l'Italie peut en produire. L'homme au chapeau, avec ses titres détournant presque toujours potachement des vocables religieux, est ici au summum de son talent, porté qu'il est par le succès de son album précédent qui lui a ouvert le marché international. Tout est ici maîtrisé et sans frontière, explorant toutes les noblesses de la musique. Tous les titres sont plus forts les uns que les autres. Zucchero se révèle être comme un Boby Lapointe mélangé à Dario Fo, Michel Polnareff et Frank Sinatra, mais le tout encore amélioré à une sauce qui lui est propre. Une sauce surélevée par des featurings exceptionnels sur ce disque (Rufus Thomas fait des chœurs, Francesco De Gregori signe un texte, Ennio Morricone une musique, Eric Clapton un solo de guitare qu'il interprète lui même... excusez du peu !). Tour à tour assénant "Jesus is great" ou ayant le diable en lui, Zucchero est ici habité dans tous les cas de la flamme sacrée.
Zucchero est un artiste hors pair, avec un génie excentrique et sans limite tel que seule l'Italie peut en produire. L'homme au chapeau, avec ses titres détournant presque toujours potachement des vocables religieux, est ici au summum de son talent, porté qu'il est par le succès de son album précédent qui lui a ouvert le marché international. Tout est ici maîtrisé et sans frontière, explorant toutes les noblesses de la musique. Tous les titres sont plus forts les uns que les autres. Zucchero se révèle être comme un Boby Lapointe mélangé à Dario Fo, Michel Polnareff et Frank Sinatra, mais le tout encore amélioré à une sauce qui lui est propre. Une sauce surélevée par des featurings exceptionnels sur ce disque (Rufus Thomas fait des chœurs, Francesco De Gregori signe un texte, Ennio Morricone une musique, Eric Clapton un solo de guitare qu'il interprète lui même... excusez du peu !). Tour à tour assénant "Jesus is great" ou ayant le diable en lui, Zucchero est ici habité dans tous les cas de la flamme sacrée.
SIRIMA - A PART OF ME (1989)
Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre Jean-Jacques Goldman national a eu le nez creux de sortir cette jeune femme du métro (où elle chantait ses compositions en s'accompagnant à la guitare). Découverte sur le duo Là-bas de l'album Entre gris clair et gris foncé de Jean-Jacques Goldman deux ans auparavant, on avait hâte d'entendre un album complet de la fascinante Sirima. Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'on n'a pas été déçu. La jeune femme n'est pas loin de nous faire le même coup que Tracy Chapman. On est en tout cas dans la même catégorie de femme qui ont des choses à dire, des histoires à raconter, et qui le font de manière virtuose avec leurs mots et leurs guitares. A part of me s'écoute comme un album de Bob Dylan, même si c'est une œuvre très féminine écrite à fleur de peau. Sirima est bouleversante, qu'elle nous parle de son intimité (Kym, du prénom de son fils), ou qu'elle fasse de la contest-song (No Reason No Rhyme). Jean-Jacques n'a même pas eu besoin de lui donner un coup de main dans la réalisation de l'album (la jeune femme semble savoir tout faire), mais on a quand même la joie d'entendre sa voix sur le morceau I need to know. Il n'y a pas de mot pour décrire l'amertume de la savoir morte si peu de temps après la sortie de cet album, dans ces conditions tragiques et lamentables (fruits d'une passion tumultueuse qu'elle décrit ici dans le glaçant His way of loving me). On sait qu'avant de mourir, Sirima avait enregistré suffisamment de matière première pour un deuxième album (dont une version française de la chanson A part of me qu'on se damnerait pour entendre tant il reste la frustration qu'elle n'ait pas fait sur cet opus de titre dans la langue de Molière), mais ces enregistrements restent mystérieusement inaccessibles, en raison de la trop grande douleur de ses proches (et particulièrement celle de Philippe Delletrez, son producteur) qui ne peuvent se résoudre à réécouter ces morceaux, petites perles dont nos oreilles sont orphelines.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre Jean-Jacques Goldman national a eu le nez creux de sortir cette jeune femme du métro (où elle chantait ses compositions en s'accompagnant à la guitare). Découverte sur le duo Là-bas de l'album Entre gris clair et gris foncé de Jean-Jacques Goldman deux ans auparavant, on avait hâte d'entendre un album complet de la fascinante Sirima. Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'on n'a pas été déçu. La jeune femme n'est pas loin de nous faire le même coup que Tracy Chapman. On est en tout cas dans la même catégorie de femme qui ont des choses à dire, des histoires à raconter, et qui le font de manière virtuose avec leurs mots et leurs guitares. A part of me s'écoute comme un album de Bob Dylan, même si c'est une œuvre très féminine écrite à fleur de peau. Sirima est bouleversante, qu'elle nous parle de son intimité (Kym, du prénom de son fils), ou qu'elle fasse de la contest-song (No Reason No Rhyme). Jean-Jacques n'a même pas eu besoin de lui donner un coup de main dans la réalisation de l'album (la jeune femme semble savoir tout faire), mais on a quand même la joie d'entendre sa voix sur le morceau I need to know. Il n'y a pas de mot pour décrire l'amertume de la savoir morte si peu de temps après la sortie de cet album, dans ces conditions tragiques et lamentables (fruits d'une passion tumultueuse qu'elle décrit ici dans le glaçant His way of loving me). On sait qu'avant de mourir, Sirima avait enregistré suffisamment de matière première pour un deuxième album (dont une version française de la chanson A part of me qu'on se damnerait pour entendre tant il reste la frustration qu'elle n'ait pas fait sur cet opus de titre dans la langue de Molière), mais ces enregistrements restent mystérieusement inaccessibles, en raison de la trop grande douleur de ses proches (et particulièrement celle de Philippe Delletrez, son producteur) qui ne peuvent se résoudre à réécouter ces morceaux, petites perles dont nos oreilles sont orphelines.
LOREENA McKENNITT - THE BOOK OF SECRETS (1997)
Jusqu'alors, Loreena n'est connue que par les spécialistes de la musique celtique et dans les cercles new-age. Avec The Book of Secrets, elle va devenir une grande vendeuse de disques, citées parmi les meilleures chanteuses et instrumentistes du monde. Si cet album va la faire totalement changer de statut et va faire que ses titres seront repris dans toutes sortes de films et en musique d'ambiance de bien des magasins de tout poil, ce n'est pas un hasard. La canadienne a véritablement là accouché d'un joyau dont on ne peut se lasser (et je peux vous dire que je l'ai écouté en boucle des dizaines et des dizaines de fois). Sans doute parce que ce n'est plus un album de musique celte, mais un vrai album de World Music. Accompagnée des musiciens de Peter Gabriel, tout en restant fidèle à sa démarche, Loreena a aussi trouvé son inspiration pour cet album dans la Chine de Marco Polo, l'Italie de Dante et le Caucase. Sa musique celte s'est harmonieusement orientalisée, l'opus est une invitation au voyage intérieur comme extérieur. On vit cet album à chaque écoute comme une grande aventure enchantée. Le prix à payer, c'est que depuis, Loreena peine à refaire des compositions de cette envergure et produit comme indéfiniment des lives reprenant majoritairement ces titres au feu sacré.
Jusqu'alors, Loreena n'est connue que par les spécialistes de la musique celtique et dans les cercles new-age. Avec The Book of Secrets, elle va devenir une grande vendeuse de disques, citées parmi les meilleures chanteuses et instrumentistes du monde. Si cet album va la faire totalement changer de statut et va faire que ses titres seront repris dans toutes sortes de films et en musique d'ambiance de bien des magasins de tout poil, ce n'est pas un hasard. La canadienne a véritablement là accouché d'un joyau dont on ne peut se lasser (et je peux vous dire que je l'ai écouté en boucle des dizaines et des dizaines de fois). Sans doute parce que ce n'est plus un album de musique celte, mais un vrai album de World Music. Accompagnée des musiciens de Peter Gabriel, tout en restant fidèle à sa démarche, Loreena a aussi trouvé son inspiration pour cet album dans la Chine de Marco Polo, l'Italie de Dante et le Caucase. Sa musique celte s'est harmonieusement orientalisée, l'opus est une invitation au voyage intérieur comme extérieur. On vit cet album à chaque écoute comme une grande aventure enchantée. Le prix à payer, c'est que depuis, Loreena peine à refaire des compositions de cette envergure et produit comme indéfiniment des lives reprenant majoritairement ces titres au feu sacré.
PATRICK FIORI - CHRYSALIDE (2000)
Son couple médiatique avec Lara Fabian et l'euphorie du succès rencontré dans les troupes des Enfoirés et de Notre-Dame de Paris auraient pu amener Patrick Fiori à produire un album superficiel, aseptisé, commercial et sans intérêt, il en a été tout l'inverse. On a un opus introspectif, ambitieux, avec quelque chose de religieux. Patrick laisse parler toute sa sensibilité à fleur de peau, toute sa pureté, sa bluffante délicatesse, spécialement dans les titres dont les paroles sont écrites à quatre mains avec Julie Zenatti. Pour beaucoup, il représente le chanteur à abattre, trop beau et pas assez rock ou rap ou tendance, et finalement personne ne peut vraiment le frapper car il se révèle être véritablement un agneau. Un être pudique, un peu mystique, aux accents angéliques. Le titre Que tu reviennes qui ouvre l'album ne donne pas une bonne idée du travail réalisé ici, je trouve que cela a été une erreur d'en faire le premier single extrait. Cette chanson signée par Lionel Florence et Calogero a laissé croire à certains que Fiori se plaçait dans la lignée de Pascal Obispo, ce qui n'est pas le cas, ce n'est une des facettes du disque, et ni la plus intéressante ni la plus développée. Si ce disque est plein de douceur, il n'en demeure pas moins habité par une force de vie assez implacable comme sur le tube Juste une raison encore ou lorsque Fiori chante en corse, la langue de ses racines maternelles. L'inspiration de ce disque est belle et impose le respect, on est toujours charmé, même si on regrette parfois quelques passages un peu plats, un peu trop indéfinis, peut-être là un peu de timidité de la part de ce grand pudique. On est porté dans ce disque par le bonheur, on le sent Patrick est un homme heureux, sûrement heureux sur le plan personnel comme sur le plan professionnel où il arrive à une belle maturité construite pas à pas depuis l'Eurovision de 1993. Alors oui, la Corse a produit des plus grandes voix masculines de la chanson française, Tino et Patrick, mais les deux ne se situent pas sur le même registre, Fiori n'est pas un chanteur de charme, il est un artiste de porcelaine.
Son couple médiatique avec Lara Fabian et l'euphorie du succès rencontré dans les troupes des Enfoirés et de Notre-Dame de Paris auraient pu amener Patrick Fiori à produire un album superficiel, aseptisé, commercial et sans intérêt, il en a été tout l'inverse. On a un opus introspectif, ambitieux, avec quelque chose de religieux. Patrick laisse parler toute sa sensibilité à fleur de peau, toute sa pureté, sa bluffante délicatesse, spécialement dans les titres dont les paroles sont écrites à quatre mains avec Julie Zenatti. Pour beaucoup, il représente le chanteur à abattre, trop beau et pas assez rock ou rap ou tendance, et finalement personne ne peut vraiment le frapper car il se révèle être véritablement un agneau. Un être pudique, un peu mystique, aux accents angéliques. Le titre Que tu reviennes qui ouvre l'album ne donne pas une bonne idée du travail réalisé ici, je trouve que cela a été une erreur d'en faire le premier single extrait. Cette chanson signée par Lionel Florence et Calogero a laissé croire à certains que Fiori se plaçait dans la lignée de Pascal Obispo, ce qui n'est pas le cas, ce n'est une des facettes du disque, et ni la plus intéressante ni la plus développée. Si ce disque est plein de douceur, il n'en demeure pas moins habité par une force de vie assez implacable comme sur le tube Juste une raison encore ou lorsque Fiori chante en corse, la langue de ses racines maternelles. L'inspiration de ce disque est belle et impose le respect, on est toujours charmé, même si on regrette parfois quelques passages un peu plats, un peu trop indéfinis, peut-être là un peu de timidité de la part de ce grand pudique. On est porté dans ce disque par le bonheur, on le sent Patrick est un homme heureux, sûrement heureux sur le plan personnel comme sur le plan professionnel où il arrive à une belle maturité construite pas à pas depuis l'Eurovision de 1993. Alors oui, la Corse a produit des plus grandes voix masculines de la chanson française, Tino et Patrick, mais les deux ne se situent pas sur le même registre, Fiori n'est pas un chanteur de charme, il est un artiste de porcelaine.
STEPHAN EICHER - ENGELBERG (1991)
Le rocker suisse a trouvé là sa plume en la personne de l'écrivain français Philippe Djian. On constate d'emblée que l'union est fructueuse et tient de l'évidence. Stephan ne se contente pas de cet aspect-là et mêle ce classieux rock français littéraire avec ses compositions anglo-germaniques et le folklore de son pays. Le tout est hétéroclite mais harmonieux, à l'image d'un personnage multi-facettes qui ne sait pas tricher et n'écoute que lui. La pochette évoquerait une carte postale, c'en est loin d'en être une, ou bien ce serait un florilège de cartes postales venant d'endroits différents. Stephan était particulièrement heureux d'entendre son public français chanter les paroles du folklore Hemmige lors de ses concerts, à tel point qu'il demandait à ses musiciens de baisser le son pour pouvoir mieux en profiter. Tout est là, dans cette victoire de capter les gens avec le magistral Déjeuner en Paix pour pouvoir les emmener sur le succulent Hemmige, le titre en langage bernois d'un chansonnier suisse du milieu du vingtième siècle. Cet album, marqué par le sceau littéraire de Djian, est un petit florilège de musique de haute qualité, tout en étant une œuvre des plus personnelles. Engelberg a la particularité d'avoir précédé un album reprenant le même concept, Carcassonne en 1993. L'affaire mérite d'être signalée car il est fort rare qu'un artiste venant de produire un chef-d'œuvre, puisse en repondre un second sur le même modèle, ou alors il va faire mieux en creusant davantage. Mais là, fait presque sans équivalent, il va réussir à faire aussi bien, en terme qualitatif comme en terme commercial, et ce sans faire de copier-coller. Bon allez, on dira que Carcassonne est quand même un tout petit peu moins bien, mais vraiment c'est très léger... S'il a des hauts et des bas, on ne voit chez lui que ses hauts.
Le rocker suisse a trouvé là sa plume en la personne de l'écrivain français Philippe Djian. On constate d'emblée que l'union est fructueuse et tient de l'évidence. Stephan ne se contente pas de cet aspect-là et mêle ce classieux rock français littéraire avec ses compositions anglo-germaniques et le folklore de son pays. Le tout est hétéroclite mais harmonieux, à l'image d'un personnage multi-facettes qui ne sait pas tricher et n'écoute que lui. La pochette évoquerait une carte postale, c'en est loin d'en être une, ou bien ce serait un florilège de cartes postales venant d'endroits différents. Stephan était particulièrement heureux d'entendre son public français chanter les paroles du folklore Hemmige lors de ses concerts, à tel point qu'il demandait à ses musiciens de baisser le son pour pouvoir mieux en profiter. Tout est là, dans cette victoire de capter les gens avec le magistral Déjeuner en Paix pour pouvoir les emmener sur le succulent Hemmige, le titre en langage bernois d'un chansonnier suisse du milieu du vingtième siècle. Cet album, marqué par le sceau littéraire de Djian, est un petit florilège de musique de haute qualité, tout en étant une œuvre des plus personnelles. Engelberg a la particularité d'avoir précédé un album reprenant le même concept, Carcassonne en 1993. L'affaire mérite d'être signalée car il est fort rare qu'un artiste venant de produire un chef-d'œuvre, puisse en repondre un second sur le même modèle, ou alors il va faire mieux en creusant davantage. Mais là, fait presque sans équivalent, il va réussir à faire aussi bien, en terme qualitatif comme en terme commercial, et ce sans faire de copier-coller. Bon allez, on dira que Carcassonne est quand même un tout petit peu moins bien, mais vraiment c'est très léger... S'il a des hauts et des bas, on ne voit chez lui que ses hauts.
ALANIS MORISSETTE - JAGGED LITTLE PILL (1995)
Cet album est le cri à cœur ouvert de toute une génération de femmes qu'Alanis incarne à merveille. Je dois confesser que je ne connaissais pas cette canadienne avant la sortie de ce disque et que je n'ai bizarrement jamais encore écouté ces deux précédents opus, je ne peux donc pas bien juger de ce qu'il représente dans son évolution, l'ayant longtemps abordé comme un premier album. L'écriture est impressionnante dans cet album. Alanis nous confie tout, sans fard, n'a pas peur d'aller dans l'introspection comme dans l'extraversion. Un disque nerveux, maîtrisé dans la non-maîtrise. Le son rocailleux de la voix d'Alanis s'accorde à merveille à son climat musical, on prend une leçon, le monde policé que l'on cherche à nous vendre est retourné comme une crêpe par cet album qui montre une femme telle qu'elle est et non telle qu'on nous les présente. La carapace et le glamour exposent et la réalité nous explose au visage avec ses vraies beautés mais aussi avec toutes ses aspérités. Alanis démontre un vécu bluffant du haut de ses vingt-et-un ans, une maturité suffisamment solide pour se laisser aller parfois à l'immaturité de façon décomplexée. L'humanité reprend le pas sans folklore, dans la pure sincérité d'une jeune femme au talent confondant devant laquelle on ne peut que s'incliner et partager ses émotions. On ne se lasse pas de tant de vie sauvage, tant d'intelligence lucide et tant d'émotions intempestives. Et derrière la rugosité du son, derrière ce refus délibéré de la sagesse, on perçoit la sage Alanis qui incarnera Dieu à merveille dans l'excellent Dogma de Kevin Smith, un Dieu juvénile, pur et rieur.
Cet album est le cri à cœur ouvert de toute une génération de femmes qu'Alanis incarne à merveille. Je dois confesser que je ne connaissais pas cette canadienne avant la sortie de ce disque et que je n'ai bizarrement jamais encore écouté ces deux précédents opus, je ne peux donc pas bien juger de ce qu'il représente dans son évolution, l'ayant longtemps abordé comme un premier album. L'écriture est impressionnante dans cet album. Alanis nous confie tout, sans fard, n'a pas peur d'aller dans l'introspection comme dans l'extraversion. Un disque nerveux, maîtrisé dans la non-maîtrise. Le son rocailleux de la voix d'Alanis s'accorde à merveille à son climat musical, on prend une leçon, le monde policé que l'on cherche à nous vendre est retourné comme une crêpe par cet album qui montre une femme telle qu'elle est et non telle qu'on nous les présente. La carapace et le glamour exposent et la réalité nous explose au visage avec ses vraies beautés mais aussi avec toutes ses aspérités. Alanis démontre un vécu bluffant du haut de ses vingt-et-un ans, une maturité suffisamment solide pour se laisser aller parfois à l'immaturité de façon décomplexée. L'humanité reprend le pas sans folklore, dans la pure sincérité d'une jeune femme au talent confondant devant laquelle on ne peut que s'incliner et partager ses émotions. On ne se lasse pas de tant de vie sauvage, tant d'intelligence lucide et tant d'émotions intempestives. Et derrière la rugosité du son, derrière ce refus délibéré de la sagesse, on perçoit la sage Alanis qui incarnera Dieu à merveille dans l'excellent Dogma de Kevin Smith, un Dieu juvénile, pur et rieur.
TEARS FOR FEARS - THE SEEDS OF LOVE (1989)
Peut-être est-ce la nourriture indienne ingurgitée tout au long de l'enregistrement de ce disque qui a tant inspiré les Tears for Fears pour nous produire cette œuvre colorée répandant les graines de l'amour sur la planète... Cet album ambitieux et longtemps muri est l'apogée du groupe, avant que celui-ci ne voit son effectif réduit au presque seul Roland Orzabal dans l'album suivant. On peut c'est vrai difficilement faire mieux, c'est l'album de la plénitude, avec un moment de grâce exceptionnel sur le titre Woman In Chains où les invités (Oleta Adams au chant et Phil Collins à la batterie) viennent encore donner plus d'ampleur à l'œuvre des TFF. Cet album laisse parfois penser qu'il s'agirait d'un bouquet final de la musique des années 80.
Peut-être est-ce la nourriture indienne ingurgitée tout au long de l'enregistrement de ce disque qui a tant inspiré les Tears for Fears pour nous produire cette œuvre colorée répandant les graines de l'amour sur la planète... Cet album ambitieux et longtemps muri est l'apogée du groupe, avant que celui-ci ne voit son effectif réduit au presque seul Roland Orzabal dans l'album suivant. On peut c'est vrai difficilement faire mieux, c'est l'album de la plénitude, avec un moment de grâce exceptionnel sur le titre Woman In Chains où les invités (Oleta Adams au chant et Phil Collins à la batterie) viennent encore donner plus d'ampleur à l'œuvre des TFF. Cet album laisse parfois penser qu'il s'agirait d'un bouquet final de la musique des années 80.
KAOMA - TRIBAL-PURSUIT (1991)
Loin des danses lascives et des bouteilles d'Orangina, les Kaoma signent un coup de maître avec cet album cosmopolite. Un de ces rares albums qui semble être une carte postale du monde et une ode colorée à l'espèce humaine dans son quotidien comme dans sa destinée. Un arbre généalogique est tissé, partant des racines de notre mère Afrique et s'étendant jusque dans les différentes contrées de l'Amérique. Les titres chantés par Loawla Braz sont toujours aussi délicieux, sa voix est du caramel plein de soleil. Il se dégage beaucoup de douceur enveloppante et de puissance positive de ces titres, bien au-delà du caractère dansant des efficaces tubes single Dança Tago Mago et Moço do dende.
Loin des danses lascives et des bouteilles d'Orangina, les Kaoma signent un coup de maître avec cet album cosmopolite. Un de ces rares albums qui semble être une carte postale du monde et une ode colorée à l'espèce humaine dans son quotidien comme dans sa destinée. Un arbre généalogique est tissé, partant des racines de notre mère Afrique et s'étendant jusque dans les différentes contrées de l'Amérique. Les titres chantés par Loawla Braz sont toujours aussi délicieux, sa voix est du caramel plein de soleil. Il se dégage beaucoup de douceur enveloppante et de puissance positive de ces titres, bien au-delà du caractère dansant des efficaces tubes single Dança Tago Mago et Moço do dende.
JEFF BUCKLEY - GRACE (1994)
Tim Buckley n'est pas l'esprit sain, et pourtant il nous a légué un ange. Enfin, Jeff est un ange, mais un ange tourmenté, enragé, enragé notamment d'ailleurs contre son Tim de père qui n'a jamais voulu s'occuper de lui. Jeff est un OVNI, ce serait comme un hard-rocker intimiste, un croisement improbable entre Patrick Fiori, Daniel Balavoine et Axl Rose. Grace est un album fascinant de bout en bout, nous dérangeant parfois, nous captivant particulièrement sur les reprises de titres de Benjamin Britten ou Leonard Cohen. On découvre ces titres autrement sous le prisme de Jeff, lequel semble encore mieux exprimer sa singularité et sa sensibilité sur ces chansons que sur les siennes. Il y a quelque chose de religieux dans cet album qui n'a pourtant rien du disque d'un enfant de chœur. On a l'impression qu'il fut enregistré dans une cathédrale et interprété par un condamné à mort. Il peut sembler que Jeff nous parle déjà de son tragique destin brisé et de la faucheuse qui l'attend quelques trois ans plus tard, à à peine trente ans. Le titre est révélateur, Jeff est touché par la grâce dans ce disque, réussissant à incarner son ambition un peu démesurée en trouvant un moyen de sublimer son côté sombre et les erreurs de jeunesse qu'il commet par ci-par là.
Tim Buckley n'est pas l'esprit sain, et pourtant il nous a légué un ange. Enfin, Jeff est un ange, mais un ange tourmenté, enragé, enragé notamment d'ailleurs contre son Tim de père qui n'a jamais voulu s'occuper de lui. Jeff est un OVNI, ce serait comme un hard-rocker intimiste, un croisement improbable entre Patrick Fiori, Daniel Balavoine et Axl Rose. Grace est un album fascinant de bout en bout, nous dérangeant parfois, nous captivant particulièrement sur les reprises de titres de Benjamin Britten ou Leonard Cohen. On découvre ces titres autrement sous le prisme de Jeff, lequel semble encore mieux exprimer sa singularité et sa sensibilité sur ces chansons que sur les siennes. Il y a quelque chose de religieux dans cet album qui n'a pourtant rien du disque d'un enfant de chœur. On a l'impression qu'il fut enregistré dans une cathédrale et interprété par un condamné à mort. Il peut sembler que Jeff nous parle déjà de son tragique destin brisé et de la faucheuse qui l'attend quelques trois ans plus tard, à à peine trente ans. Le titre est révélateur, Jeff est touché par la grâce dans ce disque, réussissant à incarner son ambition un peu démesurée en trouvant un moyen de sublimer son côté sombre et les erreurs de jeunesse qu'il commet par ci-par là.
LÂÂM - LÂÂM (2004)
Il est de ces albums prodigieux qui semblent correspondre à tout ce dont aurait pu rêver un artiste. On peut dire que cet opus fait partie de cette catégorie, on ne pourrait pas rêver mieux. La petite Lamia Naoui n'aurait sans doute pas pu rêver mieux, elle a accompli quelque chose qui tient du fantasme. Admirez plutôt le détail : un album avec trois titres d'un Jean-Jacques Goldman particulièrement inspiré (dont l'hommage à Carole Fredericks que tout le monde attendait), un titre de Rod Temperton (légende internationale ayant travaillé entre autres pour Aretha Franklin, Donna Summer et Michael Jackson), un duo avec Lisa Stansfield (qu'elle a co-signé avec elle), un titre du funkman hexagonal Sinclair, et au milieu de tout ça ses propres textes (dont un très beau Enfants du Monde chanté sur la musique d'"Amicalement vôtre", rien que ça... quand on vous dit que ce disque tient du fantasme). La voix de Lââm est exceptionnelle, clairement la plus belle voix francophone de sa génération, et on tient là l'album qui est à la hauteur de celle-ci. Un disque en français, avec juste quelques petites touches en anglais bien dosées. Le son de cet enregistrement est au top, mélange entre soul, pop élégante, orientale, urbaine, l'alchimie est divine. Petit focus sur les titres de JJG présents ici parce que ça vaut le détour : il y a d'abord le single Tu es d'un chemin, un titre très fort sur la mémoire, sur la construction, un titre sur ce qui est peut-être le thème le plus cher à Goldman. Ce texte remarquable pourrait être le plus emblématique de la plume de Jean-Jacques. La collaboration artistique entre ces deux-là est sacrément belle, et le chef-d'orchestre des Enfoirés y est particulièrement en verve, en témoigne le deuxième titre, le (sur)prenant On pardonne, un texte audacieux qui, loin d'être taillé pour le mainstream, peut être perturbant mais n'en fait mouche que davantage. Le troisième, à la gloire de notre regrettée Carole Fredericks, est un moment suspendu. Le trio magique y est ressuscité, Lââm remplaçant la chère disparue aux côtés de Goldman et Jones (et aussi de Jacques Veneruso, non négligeable quatrième mousquetaire sur ce titre qu'il a co-signé). L'émotion est à son comble, mais comme toujours avec JJG à la barre, elle ne déborde pas. Lamia était proche de Carole depuis leur duo Changer l'horizon enregistré en 1999 pour Brise de Conscience (l'association du rappeur Faouzi Tarkhani). Tout est là, à sa place, au firmament et au cordeau.
Il est de ces albums prodigieux qui semblent correspondre à tout ce dont aurait pu rêver un artiste. On peut dire que cet opus fait partie de cette catégorie, on ne pourrait pas rêver mieux. La petite Lamia Naoui n'aurait sans doute pas pu rêver mieux, elle a accompli quelque chose qui tient du fantasme. Admirez plutôt le détail : un album avec trois titres d'un Jean-Jacques Goldman particulièrement inspiré (dont l'hommage à Carole Fredericks que tout le monde attendait), un titre de Rod Temperton (légende internationale ayant travaillé entre autres pour Aretha Franklin, Donna Summer et Michael Jackson), un duo avec Lisa Stansfield (qu'elle a co-signé avec elle), un titre du funkman hexagonal Sinclair, et au milieu de tout ça ses propres textes (dont un très beau Enfants du Monde chanté sur la musique d'"Amicalement vôtre", rien que ça... quand on vous dit que ce disque tient du fantasme). La voix de Lââm est exceptionnelle, clairement la plus belle voix francophone de sa génération, et on tient là l'album qui est à la hauteur de celle-ci. Un disque en français, avec juste quelques petites touches en anglais bien dosées. Le son de cet enregistrement est au top, mélange entre soul, pop élégante, orientale, urbaine, l'alchimie est divine. Petit focus sur les titres de JJG présents ici parce que ça vaut le détour : il y a d'abord le single Tu es d'un chemin, un titre très fort sur la mémoire, sur la construction, un titre sur ce qui est peut-être le thème le plus cher à Goldman. Ce texte remarquable pourrait être le plus emblématique de la plume de Jean-Jacques. La collaboration artistique entre ces deux-là est sacrément belle, et le chef-d'orchestre des Enfoirés y est particulièrement en verve, en témoigne le deuxième titre, le (sur)prenant On pardonne, un texte audacieux qui, loin d'être taillé pour le mainstream, peut être perturbant mais n'en fait mouche que davantage. Le troisième, à la gloire de notre regrettée Carole Fredericks, est un moment suspendu. Le trio magique y est ressuscité, Lââm remplaçant la chère disparue aux côtés de Goldman et Jones (et aussi de Jacques Veneruso, non négligeable quatrième mousquetaire sur ce titre qu'il a co-signé). L'émotion est à son comble, mais comme toujours avec JJG à la barre, elle ne déborde pas. Lamia était proche de Carole depuis leur duo Changer l'horizon enregistré en 1999 pour Brise de Conscience (l'association du rappeur Faouzi Tarkhani). Tout est là, à sa place, au firmament et au cordeau.
ARRESTED DEVELOPMENT - 3 YEARS, 5 MONTHS AND 2 DAYS IN THE LIFE OF... (1992)
Après avoir été créé dans une optique religieuse (calquée sur les prêches scandés des pasteurs sur la musique gospel), le rap devient en ce début des années 90 aux Etats-Unis une musique de débauche et de violence, prenant la teinte du Gangsta-Rap créé par NWA et Ice-T. C'est dans ce contexte que les Arrested Development arrivent et prennent à contre-pied cette surprenante évolution. Ils nous proposent un raggamuffin craquelé, un rap aux accents reggae, un rap aux textes sages et réfléchis (on ne parle pas encore de "rap conscient"). Le micro est donné à toutes sortes de MCs qui semblent être réunis pour une grande et noble cause. Il y a même des femmes qui posent leurs voix, ce qui est encore extrêmement rare (seule Queen Latifah est une rappeuse célèbre). Nous sommes dans une dimension sacrée qui n'oublie pas pourtant d'être militante et de traiter des inégalités et des problèmes sociaux. Cet album est comme un festival, un micro donné au peuple de tous les jours. On revient là au précepte originel du rap "Peace, Unity, Love", ce crédo qui régit encore la scène hip-hop hexagonale de l'époque.
Après avoir été créé dans une optique religieuse (calquée sur les prêches scandés des pasteurs sur la musique gospel), le rap devient en ce début des années 90 aux Etats-Unis une musique de débauche et de violence, prenant la teinte du Gangsta-Rap créé par NWA et Ice-T. C'est dans ce contexte que les Arrested Development arrivent et prennent à contre-pied cette surprenante évolution. Ils nous proposent un raggamuffin craquelé, un rap aux accents reggae, un rap aux textes sages et réfléchis (on ne parle pas encore de "rap conscient"). Le micro est donné à toutes sortes de MCs qui semblent être réunis pour une grande et noble cause. Il y a même des femmes qui posent leurs voix, ce qui est encore extrêmement rare (seule Queen Latifah est une rappeuse célèbre). Nous sommes dans une dimension sacrée qui n'oublie pas pourtant d'être militante et de traiter des inégalités et des problèmes sociaux. Cet album est comme un festival, un micro donné au peuple de tous les jours. On revient là au précepte originel du rap "Peace, Unity, Love", ce crédo qui régit encore la scène hip-hop hexagonale de l'époque.
PSY - ÊTRE ANGE MON ANGE (1991)
Pierre, Stéphane et Yassine (alias P.S.Y.) souffriront probablement du trop grand succès du titre Angelina présent sur cet album. Les pensant peut-être un groupe éphémère des années 80 ayant produit un tube incontournable, beaucoup n'iront pas creuser dans ce chef-d'œuvre qu'est Être Ange, Mon Ange et s'en tiendront au fantasme d'un groupe de plus ayant cartonné au top 50 avec une chanson avant de disparaître. Pourtant, il y a eu un deuxième tube, c'est vrai plus discret, mais plus rock et loin de la pop FM des eighties, ce titre c'est Mahler de Malheur, et bon Dieu c'qu'il est bon ! Si ce titre a moins marché que le premier, cela ne pourrait être dû à un facteur de moindre qualité mais peut-être à un texte aux références trop intellectuelles. Pour les incultes qui voulaient les cataloguer dans la catégorie des one-shot 80's, il ne faut pas oublier que nous ne sommes plus dans les années 80, mais à l'aube des années 90 et les trois auteurs-compositeurs, harmonieusement complémentaires, ne sont pas en retard sur leur temps, mais au contraire bien en avance. Angelina est une petite perle au succès bien mérité, mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt qui est plus dense qu'elle n'en a l'air. Plongez-vous dans cet album frais, maîtrisé, jubilatoire et parfois quelque peu ténébreux, c'est que du bonheur !
Pierre, Stéphane et Yassine (alias P.S.Y.) souffriront probablement du trop grand succès du titre Angelina présent sur cet album. Les pensant peut-être un groupe éphémère des années 80 ayant produit un tube incontournable, beaucoup n'iront pas creuser dans ce chef-d'œuvre qu'est Être Ange, Mon Ange et s'en tiendront au fantasme d'un groupe de plus ayant cartonné au top 50 avec une chanson avant de disparaître. Pourtant, il y a eu un deuxième tube, c'est vrai plus discret, mais plus rock et loin de la pop FM des eighties, ce titre c'est Mahler de Malheur, et bon Dieu c'qu'il est bon ! Si ce titre a moins marché que le premier, cela ne pourrait être dû à un facteur de moindre qualité mais peut-être à un texte aux références trop intellectuelles. Pour les incultes qui voulaient les cataloguer dans la catégorie des one-shot 80's, il ne faut pas oublier que nous ne sommes plus dans les années 80, mais à l'aube des années 90 et les trois auteurs-compositeurs, harmonieusement complémentaires, ne sont pas en retard sur leur temps, mais au contraire bien en avance. Angelina est une petite perle au succès bien mérité, mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt qui est plus dense qu'elle n'en a l'air. Plongez-vous dans cet album frais, maîtrisé, jubilatoire et parfois quelque peu ténébreux, c'est que du bonheur !
ARCHIE SHEPP - FIRE MUSIC (1965)
Voir un délié virtuose comme Archie Shepp s'attaquer à une ode au feu, cela vous met l'au à la bouche. Et le résultat n'est pas décevant, Archie se balade avec aisance en nous faisant partager ses combats, ses passions, ses transcendances et ses errances. Un brûlant voyage musical qui est aussi une œuvre militante rendant hommage à Malcolm X ou aux "Oubliés". On est avec cet album dans le brasier qui transforme le plomb en or, purifie nos âmes et révèle l'essentiel. On est toujours surpris par toute la palette que permet l'utilisation d'un saxophone ténor, loin de l'utilisation langoureuse à laquelle on le réduit souvent.
Voir un délié virtuose comme Archie Shepp s'attaquer à une ode au feu, cela vous met l'au à la bouche. Et le résultat n'est pas décevant, Archie se balade avec aisance en nous faisant partager ses combats, ses passions, ses transcendances et ses errances. Un brûlant voyage musical qui est aussi une œuvre militante rendant hommage à Malcolm X ou aux "Oubliés". On est avec cet album dans le brasier qui transforme le plomb en or, purifie nos âmes et révèle l'essentiel. On est toujours surpris par toute la palette que permet l'utilisation d'un saxophone ténor, loin de l'utilisation langoureuse à laquelle on le réduit souvent.
LA OREJA DE VAN GOGH - EL VIAJE DE COPPERPOT (2000)
On pensait jusqu'alors que Mecano était une exception et que l'Espagne n'accoucherait jamais d'un autre grand groupe à l'impact international. On avait tort... Et ces 5 basques-là nous le prouvent dans cet album. Et ici, la chanteuse n'est pas juste une interprète. Amaia Montero n'est pas comme Ana Torroja, juste la voix du groupe. Non, elle est l'auteur-compositeur majeur aux côtés du claviériste Xabi San Martin. On a donc affaire à un groupe complet, avec une touche féminine et masculine en part équilibrée. El viaje del Copperpot est une machine à tubes, un formidable condensé de vie, avec un son frais, pop mais audacieux. Comme son titre l'indique, ce disque est avant tout un voyage mené de mains de maîtres, nous baladant de plages en centre-villes en passant par le cercle polaire.
On pensait jusqu'alors que Mecano était une exception et que l'Espagne n'accoucherait jamais d'un autre grand groupe à l'impact international. On avait tort... Et ces 5 basques-là nous le prouvent dans cet album. Et ici, la chanteuse n'est pas juste une interprète. Amaia Montero n'est pas comme Ana Torroja, juste la voix du groupe. Non, elle est l'auteur-compositeur majeur aux côtés du claviériste Xabi San Martin. On a donc affaire à un groupe complet, avec une touche féminine et masculine en part équilibrée. El viaje del Copperpot est une machine à tubes, un formidable condensé de vie, avec un son frais, pop mais audacieux. Comme son titre l'indique, ce disque est avant tout un voyage mené de mains de maîtres, nous baladant de plages en centre-villes en passant par le cercle polaire.
CATHERINE LARA - NUIT MAGIQUE (1986)
Un album ambitieux, intemporel bien que solidement campé dans les années 80. Un disque puissant qui est autant électrique qu'urbain (urbain du moins dans les textes). Catherine Lara se hisse ici au rang d'icône. Je ne suis pas fan de Luc Plamondon, loin s'en faut, je trouve cet auteur québécois toujours proche du cliché et de la vulgarité, mais pas ici. Pour Catherine, Luc est transcendé et écrit de manière plus noble qu'à l'accoutumée, s'accordant à l'univers de la violoniste de génie. Celle-ci définit un univers bien à elle dans cet album intense où chaque titre est une petite bombe pleine d'audace et d'intensité. On vit cet album comme un excellent film dans lequel on est entraîné dans de belles histoires d'amour et d'amitié, au milieu de l'art sauvage ou de nulle part, dans des nuits magiques mais sans fard.
Un album ambitieux, intemporel bien que solidement campé dans les années 80. Un disque puissant qui est autant électrique qu'urbain (urbain du moins dans les textes). Catherine Lara se hisse ici au rang d'icône. Je ne suis pas fan de Luc Plamondon, loin s'en faut, je trouve cet auteur québécois toujours proche du cliché et de la vulgarité, mais pas ici. Pour Catherine, Luc est transcendé et écrit de manière plus noble qu'à l'accoutumée, s'accordant à l'univers de la violoniste de génie. Celle-ci définit un univers bien à elle dans cet album intense où chaque titre est une petite bombe pleine d'audace et d'intensité. On vit cet album comme un excellent film dans lequel on est entraîné dans de belles histoires d'amour et d'amitié, au milieu de l'art sauvage ou de nulle part, dans des nuits magiques mais sans fard.
DAVID HALLYDAY - ROCK 'N' HEART (1990)
Dès son premier titre, High, deux ans auparavant, David a démontré qu'il n'avait rien d'un fils-à-papa lancé uniquement sur le nom de ses parents. Il a même d'emblée démontré plus de musicalité que son père n'en aura jamais. Mais là, avec Rock'n'Heart, il bluffe même ses plus chauds partisans. David est de façon innée une bête de scène comme la France en connaît peu. Notre jeune ange blond a le talent de son père Johnny Hallyday, sans les défauts de celui-ci, et avec des qualités supplémentaires de sensibilité, d'humilité et de mélodiste. S'il sait être tendre, David a une force rock'n'roll puissante, le titre Ooh La La n'a pas son pareil pour allumer le feu...
Dès son premier titre, High, deux ans auparavant, David a démontré qu'il n'avait rien d'un fils-à-papa lancé uniquement sur le nom de ses parents. Il a même d'emblée démontré plus de musicalité que son père n'en aura jamais. Mais là, avec Rock'n'Heart, il bluffe même ses plus chauds partisans. David est de façon innée une bête de scène comme la France en connaît peu. Notre jeune ange blond a le talent de son père Johnny Hallyday, sans les défauts de celui-ci, et avec des qualités supplémentaires de sensibilité, d'humilité et de mélodiste. S'il sait être tendre, David a une force rock'n'roll puissante, le titre Ooh La La n'a pas son pareil pour allumer le feu...
AVRIL LAVIGNE - LET GO (2002)
Quand une gamine de 17 ans, petite punkette blondinette, sort son premier album, comment pourrait-on concevoir qu'il puisse s'agir d'une œuvre de ce volume (à tous les sens du terme) ? Quand on écoute cet album pour la première fois, la mâchoire nous en tombe, on ne peut pas imaginer qu'elle puisse faire mieux, ni même qu'elle ait pu faire si bien. Ses textes ont une singularité affirmée d'une maturité sidérante pour son âge, elle parle d'elle sans filtre et tout le monde se reconnaît. Sa musique explose, sa voix nous cueille, nous emmène dans son monde, nous narre toutes ses histoires qui nous semblent si proches. Quel bonheur d'entrer dans son monde et d'écouter ces choses qu'elle ne dira jamais... Avril Lavigne a peut-être réinventé le rock à l'aube du troisième millénaire, en a refait une musique pouvant être l'expression d'une jeunesse autre que viscéralement marginale. Avril est fédératrice sans pourtant faire le moindre compromis, le tout avec un naturel confondant. Chaque réécoute de cet album est une claque, une tempête d'émotions, un cri d'existence que l'on relaie naturellement, et surtout un kiff total. Et ce, même si on est comme moi totalement étranger à sa culture punk-skate-tatouage. Parce qu'Avril s'exprime avec son cœur, en toute universalité, sa démarche n'est pas de prendre des poses ou de proposer une production de genre. Au passage, je ne peux m'empêcher de relever que si le titre du premier tube de cet album est Complicated (titre enivrant au possible), la jeune canadienne semble pourtant avoir banni ce mot de son vocabulaire, rien ne lui semble difficile ou compliqué.
Quand une gamine de 17 ans, petite punkette blondinette, sort son premier album, comment pourrait-on concevoir qu'il puisse s'agir d'une œuvre de ce volume (à tous les sens du terme) ? Quand on écoute cet album pour la première fois, la mâchoire nous en tombe, on ne peut pas imaginer qu'elle puisse faire mieux, ni même qu'elle ait pu faire si bien. Ses textes ont une singularité affirmée d'une maturité sidérante pour son âge, elle parle d'elle sans filtre et tout le monde se reconnaît. Sa musique explose, sa voix nous cueille, nous emmène dans son monde, nous narre toutes ses histoires qui nous semblent si proches. Quel bonheur d'entrer dans son monde et d'écouter ces choses qu'elle ne dira jamais... Avril Lavigne a peut-être réinventé le rock à l'aube du troisième millénaire, en a refait une musique pouvant être l'expression d'une jeunesse autre que viscéralement marginale. Avril est fédératrice sans pourtant faire le moindre compromis, le tout avec un naturel confondant. Chaque réécoute de cet album est une claque, une tempête d'émotions, un cri d'existence que l'on relaie naturellement, et surtout un kiff total. Et ce, même si on est comme moi totalement étranger à sa culture punk-skate-tatouage. Parce qu'Avril s'exprime avec son cœur, en toute universalité, sa démarche n'est pas de prendre des poses ou de proposer une production de genre. Au passage, je ne peux m'empêcher de relever que si le titre du premier tube de cet album est Complicated (titre enivrant au possible), la jeune canadienne semble pourtant avoir banni ce mot de son vocabulaire, rien ne lui semble difficile ou compliqué.
R.E.M. - AUTOMATIC FOR THE PEOPLE (1992)
Les R.E.M. laissent complètement tomber l'éclat et les paillettes de Shiny Happy People. Exit les couleurs et la lumière, noir et blanc ! Un album austère qui réussit l'incroyable pari de beaucoup me plaire malgré ce parti pris artistique sombre qui devrait normalement me rebuter. Le premier titre vous conquiert dès la première mesure, vous prend aux tripes et vous devez vous faire violence pour ne pas le passer en boucle. Et pourtant, ce n'est pas un titre jubilatoire ou un provocateur de grand frisson, non, Drive est un titre qui vous fiche un peu la trouille, un titre qui n'a pas de refrain accrocheur et qu'il est presque impossible de chanter. La magie de cet album, c'est que c'est le point culminant incontesté de R.E.M. même en terme de commercialité, alors qu'on est dans un exercice crépusculaire qui n'aurait dû être qu'une parenthèse sombre émaillant la carrière des artistes. On ne parle ici pratiquement que de mort, c'en est un peu gênant si on lit le livret comme un recueil, mais quand on l'écoute, c'est grand, c'est beau ! Bon, pour ma part, je ne suis pas fan du plus gros tube de l'album, le mythique Everybody hurts, lorsque j'écoute cet album, en général je le zappe. Je trouve le titre ou trop bon enfant ou trop glauque, en tout cas je n'ai pas l'impression qu'il incarne l'idée qu'en avait Michael Stipe. C'est trop morbide pour être le message d'espoir voulu (la preuve : Kurt Cobain s'est quand même suicidé alors qu'il écoutait à ce moment-là cet album en boucle). Et c'est trop superficiellement approché avec des clichés pour vraiment prendre aux tripes et nous parler, ça sent un peu le surfait, le politiquement-correct, la bonne morale judéo-chrétienne. Cela a fait un tube un peu facile là où il y aurait pu avoir une grande chanson, mais bon, au moins ça a le mérite d'avoir promu ce petit chef-d'œuvre d'album.
Les R.E.M. laissent complètement tomber l'éclat et les paillettes de Shiny Happy People. Exit les couleurs et la lumière, noir et blanc ! Un album austère qui réussit l'incroyable pari de beaucoup me plaire malgré ce parti pris artistique sombre qui devrait normalement me rebuter. Le premier titre vous conquiert dès la première mesure, vous prend aux tripes et vous devez vous faire violence pour ne pas le passer en boucle. Et pourtant, ce n'est pas un titre jubilatoire ou un provocateur de grand frisson, non, Drive est un titre qui vous fiche un peu la trouille, un titre qui n'a pas de refrain accrocheur et qu'il est presque impossible de chanter. La magie de cet album, c'est que c'est le point culminant incontesté de R.E.M. même en terme de commercialité, alors qu'on est dans un exercice crépusculaire qui n'aurait dû être qu'une parenthèse sombre émaillant la carrière des artistes. On ne parle ici pratiquement que de mort, c'en est un peu gênant si on lit le livret comme un recueil, mais quand on l'écoute, c'est grand, c'est beau ! Bon, pour ma part, je ne suis pas fan du plus gros tube de l'album, le mythique Everybody hurts, lorsque j'écoute cet album, en général je le zappe. Je trouve le titre ou trop bon enfant ou trop glauque, en tout cas je n'ai pas l'impression qu'il incarne l'idée qu'en avait Michael Stipe. C'est trop morbide pour être le message d'espoir voulu (la preuve : Kurt Cobain s'est quand même suicidé alors qu'il écoutait à ce moment-là cet album en boucle). Et c'est trop superficiellement approché avec des clichés pour vraiment prendre aux tripes et nous parler, ça sent un peu le surfait, le politiquement-correct, la bonne morale judéo-chrétienne. Cela a fait un tube un peu facile là où il y aurait pu avoir une grande chanson, mais bon, au moins ça a le mérite d'avoir promu ce petit chef-d'œuvre d'album.
DOROTHÉE - TREMBLEMENT DE TERRE (1989)
J'entends déjà l'incrédulité sonore de certains en découvrant cet album ici référencé comme faisant partie de la petite centaine des meilleurs jamais réalisés. Alors oui, Dorothée pose sur la pochette avec un saxophone alors qu'elle n'en a probablement jamais joué. Oui, c'est un album conçu pour les enfants. Mais, et alors ? Ne sommes-nous pas tous des enfants ? à quel moment sommes-nous supposer changer de nature et nous prendre au sérieux en divaguant sur la vanité de l'être ? Notre vie d'adulte n'est-elle pas plus artificielle que notre vie d'enfant ? N'y a-t-il pas plus de beauté, de vérité et d'intensité dans tout ce qui s'adresse à l'enfance où nos esprits sont encore libres et pas encore éteints et corrompus ? OK, j'en conviens, le spectre de cet album est assez faible comparé aux autres exposés sur cette page, mais la légèreté lorsqu'elle est bien traitée, comme ici, requiert un art délicat insoupçonnable, et pourquoi bouderions-nous notre plaisir ? Pourquoi ne pas se laisser aller à des tremblements de terre en nos cœurs, des ailes à nos souliers et des séjours dans la maison du bonheur ? Autant de petits délices que nous concocte dans cet opus la merveilleuse Dorothée qui est ici à l'apogée de sa gloire et de son talent. Cet album est un album qui lui ouvrira les portes du palais Omnisports de Bercy (futur AccorHotels Arena) qu'elle remplira pour une semaine complète de concerts. Une performance qu'elle est la deuxième artiste francophone et la première femme (toutes nationalités confondues) à réaliser, dans une salle que Madonna ne découvrira que qu'un an plus tard. Excusez du peu. Doit-on rappeler que Dorothée est à l'époque la plus grande star de la télévision, et à égalité avec JJG, Mylène Farmer, Johnny et Sardou, la plus grande star de la chanson française ? On parle quand même d'une chanteuse qui s'est produite aux côtés de nombreuses légendes internationales telles Sammy Davis Junior. Et en cette fin d'année 1989, son manager et auteur-compositeur Jean-Luc Azoulay (alias Jean-François Porry) est particulièrement inspiré et lui signe des chansons plus matures et musicales qu'à l'accoutumée, prenant parfois des tours jazzy étonnants comme dans Dou Dou Dou. Dorothée, c'est pour tous ceux qui ont grandi dans les années 80-90 la marraine bonne-fée, la deuxième mère, la grande sœur, la complice de toutes les émotions. Et dans cet album elle nous enchante comme jamais...
J'entends déjà l'incrédulité sonore de certains en découvrant cet album ici référencé comme faisant partie de la petite centaine des meilleurs jamais réalisés. Alors oui, Dorothée pose sur la pochette avec un saxophone alors qu'elle n'en a probablement jamais joué. Oui, c'est un album conçu pour les enfants. Mais, et alors ? Ne sommes-nous pas tous des enfants ? à quel moment sommes-nous supposer changer de nature et nous prendre au sérieux en divaguant sur la vanité de l'être ? Notre vie d'adulte n'est-elle pas plus artificielle que notre vie d'enfant ? N'y a-t-il pas plus de beauté, de vérité et d'intensité dans tout ce qui s'adresse à l'enfance où nos esprits sont encore libres et pas encore éteints et corrompus ? OK, j'en conviens, le spectre de cet album est assez faible comparé aux autres exposés sur cette page, mais la légèreté lorsqu'elle est bien traitée, comme ici, requiert un art délicat insoupçonnable, et pourquoi bouderions-nous notre plaisir ? Pourquoi ne pas se laisser aller à des tremblements de terre en nos cœurs, des ailes à nos souliers et des séjours dans la maison du bonheur ? Autant de petits délices que nous concocte dans cet opus la merveilleuse Dorothée qui est ici à l'apogée de sa gloire et de son talent. Cet album est un album qui lui ouvrira les portes du palais Omnisports de Bercy (futur AccorHotels Arena) qu'elle remplira pour une semaine complète de concerts. Une performance qu'elle est la deuxième artiste francophone et la première femme (toutes nationalités confondues) à réaliser, dans une salle que Madonna ne découvrira que qu'un an plus tard. Excusez du peu. Doit-on rappeler que Dorothée est à l'époque la plus grande star de la télévision, et à égalité avec JJG, Mylène Farmer, Johnny et Sardou, la plus grande star de la chanson française ? On parle quand même d'une chanteuse qui s'est produite aux côtés de nombreuses légendes internationales telles Sammy Davis Junior. Et en cette fin d'année 1989, son manager et auteur-compositeur Jean-Luc Azoulay (alias Jean-François Porry) est particulièrement inspiré et lui signe des chansons plus matures et musicales qu'à l'accoutumée, prenant parfois des tours jazzy étonnants comme dans Dou Dou Dou. Dorothée, c'est pour tous ceux qui ont grandi dans les années 80-90 la marraine bonne-fée, la deuxième mère, la grande sœur, la complice de toutes les émotions. Et dans cet album elle nous enchante comme jamais...
PAUL McCARTNEY - OFF THE GROUND (1993)
Cet album est un peu une continuation du précédent, Flowers in the Dirt, paru quatre ans auparavant. Paul y place en effet deux titres co-écrits avec Elvis Costello qui avaient été initialement prévus dans son disque antérieur (Mistress and Maid et The Lovers that never were). Ce sont également les mêmes musiciens qui accompagnent Paul et son épouse Linda sur les deux opus. Pour autant, Off the Ground n'est pas qu'un aboutissement d'une œuvre précédente, c'est un ouvrage qui porte McCartney dans une nouvelle décennie, ces fameuses années 90 où la pop et le rock auront la vie dure face aux musiques électroniques et urbaines. Et ce passage délicat qui aurait pu être compliqué à négocier, Paul le réussit haut-la-main avec un album fédérateur, restant fidèle à son style tout en se modernisant quelque peu. Les deux tubes de l'album, C'Mon People et Hope of Deliverance sont de vrais hymnes populaires, porteurs d'espoir tout en étant humbles et lucides. Off the ground surfe sur la vague qui aurait pu désarçonner son auteur, exhibant une force tranquille portée autant sur l'épanouissement personnel que sur la virtuosité musicale. Le disque d'un sage, conclu en nous intimant de toujours nous rappeler d'être cosmiquement conscient. Je considère souvent John Lennon et Paul McCartney comme deux prophètes à l'influence cruciale (en plus de leur œuvre commune, pour le message de paix du premier et l'engagement pour le végétarisme du second), cet album est un album où se reflète cette dimension chez l'éternel gosse de Liverpool.
Cet album est un peu une continuation du précédent, Flowers in the Dirt, paru quatre ans auparavant. Paul y place en effet deux titres co-écrits avec Elvis Costello qui avaient été initialement prévus dans son disque antérieur (Mistress and Maid et The Lovers that never were). Ce sont également les mêmes musiciens qui accompagnent Paul et son épouse Linda sur les deux opus. Pour autant, Off the Ground n'est pas qu'un aboutissement d'une œuvre précédente, c'est un ouvrage qui porte McCartney dans une nouvelle décennie, ces fameuses années 90 où la pop et le rock auront la vie dure face aux musiques électroniques et urbaines. Et ce passage délicat qui aurait pu être compliqué à négocier, Paul le réussit haut-la-main avec un album fédérateur, restant fidèle à son style tout en se modernisant quelque peu. Les deux tubes de l'album, C'Mon People et Hope of Deliverance sont de vrais hymnes populaires, porteurs d'espoir tout en étant humbles et lucides. Off the ground surfe sur la vague qui aurait pu désarçonner son auteur, exhibant une force tranquille portée autant sur l'épanouissement personnel que sur la virtuosité musicale. Le disque d'un sage, conclu en nous intimant de toujours nous rappeler d'être cosmiquement conscient. Je considère souvent John Lennon et Paul McCartney comme deux prophètes à l'influence cruciale (en plus de leur œuvre commune, pour le message de paix du premier et l'engagement pour le végétarisme du second), cet album est un album où se reflète cette dimension chez l'éternel gosse de Liverpool.
NILDA FERNANDEZ - NILDA FERNANDEZ (1991)
Après de bons albums sous le nom de Daniel Fernandez (son état civil), Nilda éclate enfin au grand jour avec cet album qui a été annoncé quelques années auparavant par le titre Madrid Madrid. Daniel Fernandez nous caressait l'âme, Nilda nous l'enchante. Ce disque est celui de la maturité, laissant éclater toute la délicatesse et la sensibilité de l'auteur-compositeur-interprète franco-espagnol (enfin surtout catalan, puisqu'il est de Barcelone). On s'émerveille de cet enfant de Barcelone, qui comme Manu Chao écrit indifféremment en français et en espagnol, sauf que si Manu a pour atout d'écrire aussi en anglais, le niveau de son écriture est à des années-lumière de celui de Nilda. Ici, les textes comme les musiques sont ciselés, tendres, la voix est enivrante, c'est une œuvre de toute beauté à laquelle nous avons affaire ici, une œuvre de pure poésie. Une poésie qui n'exclut pas une vie mordante avec des accents comico-tragiques comme sur le titre Croisière sur le Nil. L'album a été couvert de prix, ce n'est pas toujours une référence, mais ce n'est ici que justice. On ne se lasse pas de cet ibérique totalement aux antipodes du standard machiste de son pays. On viendra avec lui, partout et pour toujours, bercé par la porcelaine de son art.
Après de bons albums sous le nom de Daniel Fernandez (son état civil), Nilda éclate enfin au grand jour avec cet album qui a été annoncé quelques années auparavant par le titre Madrid Madrid. Daniel Fernandez nous caressait l'âme, Nilda nous l'enchante. Ce disque est celui de la maturité, laissant éclater toute la délicatesse et la sensibilité de l'auteur-compositeur-interprète franco-espagnol (enfin surtout catalan, puisqu'il est de Barcelone). On s'émerveille de cet enfant de Barcelone, qui comme Manu Chao écrit indifféremment en français et en espagnol, sauf que si Manu a pour atout d'écrire aussi en anglais, le niveau de son écriture est à des années-lumière de celui de Nilda. Ici, les textes comme les musiques sont ciselés, tendres, la voix est enivrante, c'est une œuvre de toute beauté à laquelle nous avons affaire ici, une œuvre de pure poésie. Une poésie qui n'exclut pas une vie mordante avec des accents comico-tragiques comme sur le titre Croisière sur le Nil. L'album a été couvert de prix, ce n'est pas toujours une référence, mais ce n'est ici que justice. On ne se lasse pas de cet ibérique totalement aux antipodes du standard machiste de son pays. On viendra avec lui, partout et pour toujours, bercé par la porcelaine de son art.
LIONEL RICHIE - DANCING ON THE CEILING (1986)
Lionel Richie produit à chaque album un petit joyau dans son écrin, mais son plus réussi est sans contexte ce virtuose et coloré Dancing on the ceiling. Premier opus de Lionel après le mythique We are the world écrit, composé et interprété avec Michael Jackson, Dancing on the ceiling est l’œuvre d’un monstre sacré à son apogée. L’ancien Commodore y alterne les titres dansants jubilatoires, les hymnes comme Love will conquer all, les ballades tubesques aux frissons garantis comme Say You, Say Me, et les perles de délicatesse comme Ballerina girl. Cerise sur le gâteau cinq étoiles, on remarque la présence du maître Eric Clapton à la guitare.
Lionel Richie produit à chaque album un petit joyau dans son écrin, mais son plus réussi est sans contexte ce virtuose et coloré Dancing on the ceiling. Premier opus de Lionel après le mythique We are the world écrit, composé et interprété avec Michael Jackson, Dancing on the ceiling est l’œuvre d’un monstre sacré à son apogée. L’ancien Commodore y alterne les titres dansants jubilatoires, les hymnes comme Love will conquer all, les ballades tubesques aux frissons garantis comme Say You, Say Me, et les perles de délicatesse comme Ballerina girl. Cerise sur le gâteau cinq étoiles, on remarque la présence du maître Eric Clapton à la guitare.
FABE - DÉTOURNEMENT DE SON (1998)
Fabe est le Rimbaud du rap. Il était le meilleur de tous. Et pas seulement au niveau hexagonal, mais au niveau mondial. Et il s’est retiré en pleine jeunesse, en pleine gloire, se soustrayant à l’agitation du monde et abandonnant la pôle-position du rap français à Booba, son antithèse pour qui il n’avait que mépris. Certains ne voulaient pas voir les rappeurs vieillir, Fabe a hélas pour sa part obéi à ce désir de ne les voir exercer que jeunes. Détournement de son est incontestablement son point culminant, un album ciselé de verve mordante et à la fois plein de cette autodérision qui fait si souvent défaut au hip-hop. Fabe (Fabrice de son vrai prénom) nous montre comme à l’habitude toute l’acuité de son regard, le raffinement de sa plume, la sagesse de son esprit, mais il va là plus loin dans son travail d’auteur en nous surprenant avec des titres très personnels comme Quand j’serai grand (qui sera d’ailleurs le premier single). On est habitué à sa sincérité sans artifice mais ce titre est très surprenant car il dévoile beaucoup de vulnérabilité, notamment en parlant de l’enfant qu’il était (et qu’il reste) sans souci de paraître (une veine qu’il avait commencé à explorer dans son tube Ça fait partie de mon passé mais qui était alors moins remarquable car s’arrêtant à l’adolescence). Le flow est plus que jamais au top, rugueux tout en étant agréable, capable de fulgurantes accélérations tout en restant posé. La musique est à la hauteur des textes. Les instrus de Cut Killer, alors à son apogée, sont un régal sonore. Le DJ hip-hop numéro 1 accompagne l’auteur-rappeur numéro 1. La crème de la crème. La quintessence du genre. La pochette avec la pile de mixtapes incarne à merveille le hip-hop dans son essence vivante. Heureusement que Befa a comme préparé sa retraite prématurée en fondant le collectif Scred Connexion dont les membres ont quelque peu perpétué sa maestria dans une sphère rap trop corrompue par la veine gangster et bling-bling qui a abimé sa nature.
Fabe est le Rimbaud du rap. Il était le meilleur de tous. Et pas seulement au niveau hexagonal, mais au niveau mondial. Et il s’est retiré en pleine jeunesse, en pleine gloire, se soustrayant à l’agitation du monde et abandonnant la pôle-position du rap français à Booba, son antithèse pour qui il n’avait que mépris. Certains ne voulaient pas voir les rappeurs vieillir, Fabe a hélas pour sa part obéi à ce désir de ne les voir exercer que jeunes. Détournement de son est incontestablement son point culminant, un album ciselé de verve mordante et à la fois plein de cette autodérision qui fait si souvent défaut au hip-hop. Fabe (Fabrice de son vrai prénom) nous montre comme à l’habitude toute l’acuité de son regard, le raffinement de sa plume, la sagesse de son esprit, mais il va là plus loin dans son travail d’auteur en nous surprenant avec des titres très personnels comme Quand j’serai grand (qui sera d’ailleurs le premier single). On est habitué à sa sincérité sans artifice mais ce titre est très surprenant car il dévoile beaucoup de vulnérabilité, notamment en parlant de l’enfant qu’il était (et qu’il reste) sans souci de paraître (une veine qu’il avait commencé à explorer dans son tube Ça fait partie de mon passé mais qui était alors moins remarquable car s’arrêtant à l’adolescence). Le flow est plus que jamais au top, rugueux tout en étant agréable, capable de fulgurantes accélérations tout en restant posé. La musique est à la hauteur des textes. Les instrus de Cut Killer, alors à son apogée, sont un régal sonore. Le DJ hip-hop numéro 1 accompagne l’auteur-rappeur numéro 1. La crème de la crème. La quintessence du genre. La pochette avec la pile de mixtapes incarne à merveille le hip-hop dans son essence vivante. Heureusement que Befa a comme préparé sa retraite prématurée en fondant le collectif Scred Connexion dont les membres ont quelque peu perpétué sa maestria dans une sphère rap trop corrompue par la veine gangster et bling-bling qui a abimé sa nature.
CALOGERO - LIBERTÉ CHÉRIE (2017)
Il me semble que Calogero a eu beaucoup de mal à faire aussi bien, voire mieux, que ce qu’il faisait avec Les Charts. Avec Liberté Chérie, il finit par me convaincre qu’il y est parvenu. Cet album respire le génie et la maturité. Les textes de Paul École y contribuent fortement. Tout semble arriver à point nommé pour que l’on se retrouve en présence d’un chef-d’œuvre. Je joue de la musique, coécrit avec son épouse Marie Bastide, est un tube d’une efficacité jubilatoire, incontournable et intemporelle. 1987 et Fondamental sont des madeleines proustiennes de la plus belle eau, elles nous touchent au cœur, au plus profond de nos êtres, dans notre construction. Fondamental prend encore une dimension plus forte en voyant le clip de Claude Lelouch qui magnifie le titre que l’on croyait pourtant déjà en soi magnifié au summum. Voler de nuit et Premier pas sous la lune nous font voyager en état de grâce. Le son est au cordeau, épuré d’un certain fouillis qui encombrait les opus précédents de Calo, peut-être est-ce en partie dû au fait que Liberté chérie ait été enregistré aux studios Abbey Road... On ressent énormément d’harmonie dans la conception de l’album, sans doute l’effet de travailler en famille (hormis le tendre et génial Paul École, les seuls collaborateurs du chanteur sont ici son épouse et son frère). On retiendra aussi la pochette. Le libertarisme créatif qu’elle prône. L’enfance éternelle, déliée et joyeuse, qu’elle suggère.
Il me semble que Calogero a eu beaucoup de mal à faire aussi bien, voire mieux, que ce qu’il faisait avec Les Charts. Avec Liberté Chérie, il finit par me convaincre qu’il y est parvenu. Cet album respire le génie et la maturité. Les textes de Paul École y contribuent fortement. Tout semble arriver à point nommé pour que l’on se retrouve en présence d’un chef-d’œuvre. Je joue de la musique, coécrit avec son épouse Marie Bastide, est un tube d’une efficacité jubilatoire, incontournable et intemporelle. 1987 et Fondamental sont des madeleines proustiennes de la plus belle eau, elles nous touchent au cœur, au plus profond de nos êtres, dans notre construction. Fondamental prend encore une dimension plus forte en voyant le clip de Claude Lelouch qui magnifie le titre que l’on croyait pourtant déjà en soi magnifié au summum. Voler de nuit et Premier pas sous la lune nous font voyager en état de grâce. Le son est au cordeau, épuré d’un certain fouillis qui encombrait les opus précédents de Calo, peut-être est-ce en partie dû au fait que Liberté chérie ait été enregistré aux studios Abbey Road... On ressent énormément d’harmonie dans la conception de l’album, sans doute l’effet de travailler en famille (hormis le tendre et génial Paul École, les seuls collaborateurs du chanteur sont ici son épouse et son frère). On retiendra aussi la pochette. Le libertarisme créatif qu’elle prône. L’enfance éternelle, déliée et joyeuse, qu’elle suggère.
ADELE - 21 (2011)
À l’heure où les disques ne se vendent plus, et où il n’existe plus de nouvelles superstars, Adele va mettre avec cet album le monde à genoux sans qu’on la voie arriver. Un album pourtant pas lancé en grande pompe qui est devenu phénomène petit-à-petit avec du bouche à oreille et non du matraquage radio et télé (celui-ci n’est venu que plusieurs semaines après la sortie du disque). Un succès planétaire sans précédent pour un(e) artiste qui n’avait à son actif qu’un seul album passé presque inaperçu deux ans plus tôt. Un exploit d’autant plus extraordinaire qu’Adele Adkins est très réservée et n’a vraiment pas le physique ni la gueule de l’emploi. La native de Tottenham (on remarquera au passage que l’équipe de football de ce quartier de Londres est devenu depuis l’avènement d’Adele un grand d’Europe) nous prend aux tripes de façon presque surnaturelle. On ressent dans ses mots et sa musique, mais surtout dans sa voix, un intense vécu, que l’on devine plein d’une abyssale souffrance qui a engendré profondeur, habileté et originalité. J'aime beaucoup le fait qu'elle nomme tous ses albums de l'entité numérique de l'âge qu'elle a lors de la sortie du disque, j'espère qu'elle perdurera cette façon de faire tout au long de sa carrière qu'on lui souhaite très longue (en dépit de la tendance du vingt-et-unième siècle aux destins brisés et de tout ce que l'on a pu entendre dans les médias sur son inaptitude à pouvoir chanter longtemps). J’ai fait partie des rares français à m’être penché sur son premier album 19, j’y voyais quelque chose de prometteur et de déjà remarquable pour une autrice-compositrice-interprète de son âge, mais j’étais loin de douter de l’ampleur que la demoiselle allait prendre.
À l’heure où les disques ne se vendent plus, et où il n’existe plus de nouvelles superstars, Adele va mettre avec cet album le monde à genoux sans qu’on la voie arriver. Un album pourtant pas lancé en grande pompe qui est devenu phénomène petit-à-petit avec du bouche à oreille et non du matraquage radio et télé (celui-ci n’est venu que plusieurs semaines après la sortie du disque). Un succès planétaire sans précédent pour un(e) artiste qui n’avait à son actif qu’un seul album passé presque inaperçu deux ans plus tôt. Un exploit d’autant plus extraordinaire qu’Adele Adkins est très réservée et n’a vraiment pas le physique ni la gueule de l’emploi. La native de Tottenham (on remarquera au passage que l’équipe de football de ce quartier de Londres est devenu depuis l’avènement d’Adele un grand d’Europe) nous prend aux tripes de façon presque surnaturelle. On ressent dans ses mots et sa musique, mais surtout dans sa voix, un intense vécu, que l’on devine plein d’une abyssale souffrance qui a engendré profondeur, habileté et originalité. J'aime beaucoup le fait qu'elle nomme tous ses albums de l'entité numérique de l'âge qu'elle a lors de la sortie du disque, j'espère qu'elle perdurera cette façon de faire tout au long de sa carrière qu'on lui souhaite très longue (en dépit de la tendance du vingt-et-unième siècle aux destins brisés et de tout ce que l'on a pu entendre dans les médias sur son inaptitude à pouvoir chanter longtemps). J’ai fait partie des rares français à m’être penché sur son premier album 19, j’y voyais quelque chose de prometteur et de déjà remarquable pour une autrice-compositrice-interprète de son âge, mais j’étais loin de douter de l’ampleur que la demoiselle allait prendre.
SEAL - SEAL (1991)
Seal est un OVNI. Son look excentrique, semblant sortir tout droit d’un film de Blaxploitation dont il serait le bad-boy hero, tranche avec son pseudonyme de "phoque", et avec la sage maturité qui émane de ses textes et qui semble mieux coïncider à son visage très marqué de sillages et détériorations en tout genre. L’artiste impose en maître sa singularité dès ce premier disque. Il se révèle comme auteur un ambitieux, tendre et inspiré poète aux accents mystiques. L’album reprend le tube Killer, coécrit avec Adamski et qui figurait à l’origine sur l’album de celui-ci (Doctor Adamski’s musical pharmacy, sorti un an plus tôt). Ce titre a révélé de façon fracassante Seal, auteur et chanteur, mais a un peu brouillé les pistes sur l’identité musicale de celui-ci, la musique signée Adamski (de son vrai nom Adam Tinley) se situant sur d’autres rivages. Le titre Killer jure d’ailleurs un peu sur cet opus. On l’aurait mieux vu situé en dernière piste, là en quatrième place, ça fait un peu dysharmonieux. Bien sûr les titres Crazy et Future love paradise ressortent immédiatement à l’écoute, mais tout l’album a ce parfum de grands classiques intemporels. La grande qualité musicale s’illustre dans tous les morceaux qui sont tous d’un long format permettant un voyage plus intense.
Seal est un OVNI. Son look excentrique, semblant sortir tout droit d’un film de Blaxploitation dont il serait le bad-boy hero, tranche avec son pseudonyme de "phoque", et avec la sage maturité qui émane de ses textes et qui semble mieux coïncider à son visage très marqué de sillages et détériorations en tout genre. L’artiste impose en maître sa singularité dès ce premier disque. Il se révèle comme auteur un ambitieux, tendre et inspiré poète aux accents mystiques. L’album reprend le tube Killer, coécrit avec Adamski et qui figurait à l’origine sur l’album de celui-ci (Doctor Adamski’s musical pharmacy, sorti un an plus tôt). Ce titre a révélé de façon fracassante Seal, auteur et chanteur, mais a un peu brouillé les pistes sur l’identité musicale de celui-ci, la musique signée Adamski (de son vrai nom Adam Tinley) se situant sur d’autres rivages. Le titre Killer jure d’ailleurs un peu sur cet opus. On l’aurait mieux vu situé en dernière piste, là en quatrième place, ça fait un peu dysharmonieux. Bien sûr les titres Crazy et Future love paradise ressortent immédiatement à l’écoute, mais tout l’album a ce parfum de grands classiques intemporels. La grande qualité musicale s’illustre dans tous les morceaux qui sont tous d’un long format permettant un voyage plus intense.
DURAN DURAN - THE WEDDING ALBUM (1993)
On croyait les Duran Duran ringardisés à l’aube des années 90, ils ont su se réinventer et se propulser au firmament avec cet album culte. Un album inusable qui à la base ne porte pas de titre, se voulant un second album éponyme (après leur premier opus de 1981) signifiant que le groupe ressuscite et repart de zéro. Mais comme le même groupe ne peut pas sortir deux disques du même titre, celui s’appellera The Wedding Album, puisque illustré sur sa couverture par les photos de mariage des parents des membres du groupe. Cette illustration très personnelle indique la couleur quant à un retour aux sources, une conscience de mémoire en forme de mise à neuf. Les gars de Birmingham ont mis leur âme dans cet enregistrement, tout leur intimement profond. On retient bien sûr tout spécialement l'universel Ordinary world, et l’inattendue collaboration avec Milton Nascimento (sur le titre Breath after Breath). Femme fatale, la reprise de Lou Reed, si elle n’ajoute rien, a le mérite de faire découvrir le titre aux jeunes générations. On est bluffé par le son 90’s, surtout sur Come undone qui a également le langage 90’s, de ce groupe que l’on pensait stéréotypé années 80.
On croyait les Duran Duran ringardisés à l’aube des années 90, ils ont su se réinventer et se propulser au firmament avec cet album culte. Un album inusable qui à la base ne porte pas de titre, se voulant un second album éponyme (après leur premier opus de 1981) signifiant que le groupe ressuscite et repart de zéro. Mais comme le même groupe ne peut pas sortir deux disques du même titre, celui s’appellera The Wedding Album, puisque illustré sur sa couverture par les photos de mariage des parents des membres du groupe. Cette illustration très personnelle indique la couleur quant à un retour aux sources, une conscience de mémoire en forme de mise à neuf. Les gars de Birmingham ont mis leur âme dans cet enregistrement, tout leur intimement profond. On retient bien sûr tout spécialement l'universel Ordinary world, et l’inattendue collaboration avec Milton Nascimento (sur le titre Breath after Breath). Femme fatale, la reprise de Lou Reed, si elle n’ajoute rien, a le mérite de faire découvrir le titre aux jeunes générations. On est bluffé par le son 90’s, surtout sur Come undone qui a également le langage 90’s, de ce groupe que l’on pensait stéréotypé années 80.
LENNY KRAVITZ - ARE YOU GONNA GO MY WAY (1993)
Lenny Kravitz donne la pleine mesure de son talent dans cet album déluré, inspiré et emphatique. On croyait qu’avec Mama said, son disque précédent, il était à son point culminant, et on le retrouve ici trois crans plus haut. Il y a des accents très religieux dans cet opus. On pourrait dire cet album christique, surtout sur les titres phares. Lenny se place dans cet enregistrement comme un porteur de lumière prophétique en ce qui concerne les textes, et en revitaliseur de la vieille école en ce qui concerne le son et la manière de concevoir la musique. Cela sonne comme du vintage et de l’avant-gardisme en même temps, là est toute la prouesse incroyable de celui qui est alors le compagnon de Vanessa Paradis.
Lenny Kravitz donne la pleine mesure de son talent dans cet album déluré, inspiré et emphatique. On croyait qu’avec Mama said, son disque précédent, il était à son point culminant, et on le retrouve ici trois crans plus haut. Il y a des accents très religieux dans cet opus. On pourrait dire cet album christique, surtout sur les titres phares. Lenny se place dans cet enregistrement comme un porteur de lumière prophétique en ce qui concerne les textes, et en revitaliseur de la vieille école en ce qui concerne le son et la manière de concevoir la musique. Cela sonne comme du vintage et de l’avant-gardisme en même temps, là est toute la prouesse incroyable de celui qui est alors le compagnon de Vanessa Paradis.
SOPRANO - COSMOPOLITANIE (2014)
Le moins que l'on puisse dire c'est que le petit Saïd M'Roumbaba partait de très loin pour espérer figurer un jour dans mon Panthéon. En effet, j'ai très longtemps considéré les Psy 4 de la Rime comme un groupe de rap sans envergure, pistonné par Akhenaton. C'est à peine si je trouvais que Soprano, et ses voix et phrasés inhabituel-le-s pour un rappeur, sortait du lot. Depuis le début de sa carrière en solo, Soprano n’a cessé de grandir et de surprendre, jusqu’à arriver à l’Everest qu’il a ici en ligne de mire. Et une fois qu’il a atteint le plus haut sommet terrestre, il se transforme en Phoenix. Pour l’heure, on est en Cosmopolitanie, pays rêvé que j’aimerais tant voir devenir le nom du seul pays terrestre. Bâtir la Cosmopolitanie est déjà aussi audacieux que de gravir l’Everest. Avec cet opus sorti le 13 octobre 2014, jour de mes 31 ans, le rappeur marseillais m’offre un magnifique cadeau d’anniversaire, de ceux qui vous font y croire à nouveau, de ceux qui vous font réaliser qu’envers et contre tout la fraternité et la paix sont possibles. Le cosmopolitisme est réussi, notre homme a trouvé la potion magique de l’universalité, de la mixité pertinente, bienfaitrice et fédératrice. On se rapproche du disque parfait, de celui qui œuvre, mieux que n’importe quel discours politique ou philosophique, au vivre-ensemble. Soprano fait là dans son époque aussi fort que ses idoles Goldman et Balavoine au milieu des années 80. Toutefois, si dans l’ensemble la plume est soignée, je déplore certaines lacunes littéraires et culturelles qui lui font parfois manquer la marche de ce que devraient être certains de ses textes. Bémol qui ne touche heureusement pas les titres majeurs de l’album, Sopra est un conteur d’exception sur Barman et Clown, poignants portraits vivants. Cosmo est un titre d’exception, un hymne fédérateur pour tous, celui que l’on voudrait voir remplacer La Marseillaise dans les années à venir, celui dont on aimerait voir la France habitée de l’esprit. On ne se lasse pas du groove, de la classe, et de l’humour bon enfant de Fresh Prince. J’étais sceptique sur le duo avec Kendji Girac (rajouté à l’album dans sa version deluxe), j’y voyais un produit marketing destiné à additionner leur notoriété et à apporter un public street au petit Kendji et au petit Sopra un public plutôt réfractaire au rap, mais le résultat est finalement plutôt sympathique. Une bonne énergie les anime tous deux, leur collaboration semble être plus qu’une pose, la synergie opère, leur amitié dans ce titre semble être en partie vraie dans la vie. Le titre est plaisant (on remarque au passage qu’avec le titre Millionnaire, lui aussi rajouté dans la version deluxe, on sentait déjà le Marseillais venir sur le terrain du Gitano). La nature a décidément le sens de l'étrange et du paradoxe, on est là face à une criante manifestation de cela, Soprano étant si incroyablement solaire alors que toujours hanté par une mélancolie chevillée au corps depuis l'enfance. Une mélancolie qui le pousse au final vers un haut sens des valeurs, vers une richesse de cœur, vers plus d'altruisme, de générosité et de positivité. Ses souffrances l'ont approfondi et rendu le meilleur possible. On pourrait reprocher à Sopra de se calquer pas mal sur Pharrell Williams, c’est toujours dérangeant et décrédibilisant d’imiter un autre, surtout quand on est français et qu’on semble chercher à imiter la superstar américaine du moment. Je m’étendrai plutôt sur le rapprochement avec une autre de ses idoles, Jean-Jacques Goldman (lequel va écrire en 2017 pour lui et Patrick Fiori le titre Chez Nous (Plan d’Aou, Air Bel)). Ce rapprochement n’est là pas du tout de pose ou d’apparence, c’est un rapprochement dans l’essence. Si on pense à leur modestie respective, aux millions de disques qu’ils vendent, et au capital sympathie qu’ils génèrent, on pense aussi à leurs deux caractères a priori opposés au show-biz (Jean-Jacques le pudique et Soprano le mélancolique). Il y a fort à parier que Saïd reprenne un jour pour longtemps le flambeau de JJG à la tête du classement des personnalités préférées des Français. Si le rappeur marseillais se rapproche de Goldman, ce n'est pas uniquement par l’universalité, l'engagement citoyen solidaire, et l’esprit rassembleur et fraternel, c'est aussi par le nombre de mégatubes pouvant émerger de ses albums (10 ici, presque autant de l’opus suivant – les a priori intouchables maîtres du genre que sont Beyoncé, Jackson et Goldman sont même battus par le petit Saïd du Plan d’Aou). Soprano est un triomphe de la positivité, un phénomène qui fait disparaître toute différence de genre, de classe, d'ethnie et de culture d’origine, un phénomène qui déjoue totalement les crises, qu'elles soient morales, identitaires, ou du disque.
Le moins que l'on puisse dire c'est que le petit Saïd M'Roumbaba partait de très loin pour espérer figurer un jour dans mon Panthéon. En effet, j'ai très longtemps considéré les Psy 4 de la Rime comme un groupe de rap sans envergure, pistonné par Akhenaton. C'est à peine si je trouvais que Soprano, et ses voix et phrasés inhabituel-le-s pour un rappeur, sortait du lot. Depuis le début de sa carrière en solo, Soprano n’a cessé de grandir et de surprendre, jusqu’à arriver à l’Everest qu’il a ici en ligne de mire. Et une fois qu’il a atteint le plus haut sommet terrestre, il se transforme en Phoenix. Pour l’heure, on est en Cosmopolitanie, pays rêvé que j’aimerais tant voir devenir le nom du seul pays terrestre. Bâtir la Cosmopolitanie est déjà aussi audacieux que de gravir l’Everest. Avec cet opus sorti le 13 octobre 2014, jour de mes 31 ans, le rappeur marseillais m’offre un magnifique cadeau d’anniversaire, de ceux qui vous font y croire à nouveau, de ceux qui vous font réaliser qu’envers et contre tout la fraternité et la paix sont possibles. Le cosmopolitisme est réussi, notre homme a trouvé la potion magique de l’universalité, de la mixité pertinente, bienfaitrice et fédératrice. On se rapproche du disque parfait, de celui qui œuvre, mieux que n’importe quel discours politique ou philosophique, au vivre-ensemble. Soprano fait là dans son époque aussi fort que ses idoles Goldman et Balavoine au milieu des années 80. Toutefois, si dans l’ensemble la plume est soignée, je déplore certaines lacunes littéraires et culturelles qui lui font parfois manquer la marche de ce que devraient être certains de ses textes. Bémol qui ne touche heureusement pas les titres majeurs de l’album, Sopra est un conteur d’exception sur Barman et Clown, poignants portraits vivants. Cosmo est un titre d’exception, un hymne fédérateur pour tous, celui que l’on voudrait voir remplacer La Marseillaise dans les années à venir, celui dont on aimerait voir la France habitée de l’esprit. On ne se lasse pas du groove, de la classe, et de l’humour bon enfant de Fresh Prince. J’étais sceptique sur le duo avec Kendji Girac (rajouté à l’album dans sa version deluxe), j’y voyais un produit marketing destiné à additionner leur notoriété et à apporter un public street au petit Kendji et au petit Sopra un public plutôt réfractaire au rap, mais le résultat est finalement plutôt sympathique. Une bonne énergie les anime tous deux, leur collaboration semble être plus qu’une pose, la synergie opère, leur amitié dans ce titre semble être en partie vraie dans la vie. Le titre est plaisant (on remarque au passage qu’avec le titre Millionnaire, lui aussi rajouté dans la version deluxe, on sentait déjà le Marseillais venir sur le terrain du Gitano). La nature a décidément le sens de l'étrange et du paradoxe, on est là face à une criante manifestation de cela, Soprano étant si incroyablement solaire alors que toujours hanté par une mélancolie chevillée au corps depuis l'enfance. Une mélancolie qui le pousse au final vers un haut sens des valeurs, vers une richesse de cœur, vers plus d'altruisme, de générosité et de positivité. Ses souffrances l'ont approfondi et rendu le meilleur possible. On pourrait reprocher à Sopra de se calquer pas mal sur Pharrell Williams, c’est toujours dérangeant et décrédibilisant d’imiter un autre, surtout quand on est français et qu’on semble chercher à imiter la superstar américaine du moment. Je m’étendrai plutôt sur le rapprochement avec une autre de ses idoles, Jean-Jacques Goldman (lequel va écrire en 2017 pour lui et Patrick Fiori le titre Chez Nous (Plan d’Aou, Air Bel)). Ce rapprochement n’est là pas du tout de pose ou d’apparence, c’est un rapprochement dans l’essence. Si on pense à leur modestie respective, aux millions de disques qu’ils vendent, et au capital sympathie qu’ils génèrent, on pense aussi à leurs deux caractères a priori opposés au show-biz (Jean-Jacques le pudique et Soprano le mélancolique). Il y a fort à parier que Saïd reprenne un jour pour longtemps le flambeau de JJG à la tête du classement des personnalités préférées des Français. Si le rappeur marseillais se rapproche de Goldman, ce n'est pas uniquement par l’universalité, l'engagement citoyen solidaire, et l’esprit rassembleur et fraternel, c'est aussi par le nombre de mégatubes pouvant émerger de ses albums (10 ici, presque autant de l’opus suivant – les a priori intouchables maîtres du genre que sont Beyoncé, Jackson et Goldman sont même battus par le petit Saïd du Plan d’Aou). Soprano est un triomphe de la positivité, un phénomène qui fait disparaître toute différence de genre, de classe, d'ethnie et de culture d’origine, un phénomène qui déjoue totalement les crises, qu'elles soient morales, identitaires, ou du disque.
DANY BRILLANT - JAZZ...(à LA NOUVELLE-ORLEANS) (2004)
Tout le monde se lève pour Dany ! Monsieur Brillant justifie plus que jamais son pseudonyme et produit le disque fantasmé dont on rêvait à partir du moment où on l’a découvert avec Suzette quelques treize années plus tôt. L’exercice était périlleux et il est réussi. Il y a ce qu’il faut de légèreté et de pétillant, tout en ayant ce qu’il faut d’âme non pervertie, de profondeur non édulcorée. Il y a d’ailleurs un certain surnaturel à ce qu’un petit européen blanc né au milieu des années 60 puisse avoir produit une œuvre pareille. Côté voix, on aimerait bien sûr que ce soit des fois un peu plus ample, un peu plus chaud ou rocailleux (surtout lorsque Dany se risque à reprendre le Fly me to the moon immortalisé par Frank Sinatra), mais ça reste toujours acceptable. Amoureux du jazz depuis la petite enfance, et tout autant des textes de chanson française, c’est l’album que j’espérais et craignais de ne jamais voir. C’est là un vrai disque de jazz chanté, et non plus un album de chanson jazz, l’album que n’aura jamais fait Charles Aznavour. Cet opus est au cordeau, fleurant bon La Nouvelle-Orléans, d’essence vintage avec parfois un langage moderne qui curieusement ne jure pas dans le contexte. Dany signe d’ailleurs ici ses textes les plus léchés, toujours fidèle à sa nature d’auteur facétieux, tour à tour superficiel à la caricature ou profond philosophe constructif ou fin psychologue. L’optimisme naturel de l’artiste met une empreinte gospel sur cet enregistrement qui est du plus bel effet.
Tout le monde se lève pour Dany ! Monsieur Brillant justifie plus que jamais son pseudonyme et produit le disque fantasmé dont on rêvait à partir du moment où on l’a découvert avec Suzette quelques treize années plus tôt. L’exercice était périlleux et il est réussi. Il y a ce qu’il faut de légèreté et de pétillant, tout en ayant ce qu’il faut d’âme non pervertie, de profondeur non édulcorée. Il y a d’ailleurs un certain surnaturel à ce qu’un petit européen blanc né au milieu des années 60 puisse avoir produit une œuvre pareille. Côté voix, on aimerait bien sûr que ce soit des fois un peu plus ample, un peu plus chaud ou rocailleux (surtout lorsque Dany se risque à reprendre le Fly me to the moon immortalisé par Frank Sinatra), mais ça reste toujours acceptable. Amoureux du jazz depuis la petite enfance, et tout autant des textes de chanson française, c’est l’album que j’espérais et craignais de ne jamais voir. C’est là un vrai disque de jazz chanté, et non plus un album de chanson jazz, l’album que n’aura jamais fait Charles Aznavour. Cet opus est au cordeau, fleurant bon La Nouvelle-Orléans, d’essence vintage avec parfois un langage moderne qui curieusement ne jure pas dans le contexte. Dany signe d’ailleurs ici ses textes les plus léchés, toujours fidèle à sa nature d’auteur facétieux, tour à tour superficiel à la caricature ou profond philosophe constructif ou fin psychologue. L’optimisme naturel de l’artiste met une empreinte gospel sur cet enregistrement qui est du plus bel effet.
PAULINE ESTER - LE MONDE EST FOU (1990)
Pauline Ester impose un grain de génie facétieux et une extraordinaire énergie qui se confirme sur scène. Elle balade ses textes, sa puissance vocale, son grain ensoleillé, ses émotions à fleur de peau et son caractère bien trempé, le long des compos hétéroclites de Frédéric Loizeau. Quel dommage que le virage du début des années 90 l’ait laissée sur la touche comme la presque totalité des artistes francophones ne s’adonnant pas au rap, au grunge ou à l’électro (il fallait avoir les reins très solides pour être encore diffusé sur les FM avec de nouvelles chansons en 1993 lorsqu’on était étranger à ces courants musicaux). Il n’y a pas à dire, Pauline a des « couilles ». Car dans la chanson française, il y a ceux qui crachent leurs tripes et leurs sentiments enflammés, à la Jacques Brel, tout en se révélant de toxiques pessimistes, puis il y a les optimistes Barbara et Goldman qui se retranchent derrière réserve, sobriété et pudeur. Il y a aussi les sérieux engagés, les désabusés, les humoristiques, les romantiques, les barrés. Pauline explose tout. Elle est tout à la fois et en atteste sur un seul album, chantant l’amour en s’exposant dans Mais pourquoi et Oui je l’adore (même lorsque la bienpensance et la raisonnabilité jugent cela malvenu). Elle dépeint aussi avec bienveillance et brio l’humain moyen du quotidien (Ces petits riens, Tony). Elle ose tout… le titre faussement bébête (Il n’a rien demandé), la critique sociale (Le monde est fou), la fable surréaliste (C’est la mer), le lascif tube d’été assuré (Il fait chaud), la ballade poétique exotique (Une fenêtre ouverte), le cri d’amour obstiné et hypnotique (Féline)... Le tout avec une dose de positive attitude et de chaleur humaine cohabitant avec une dose de critique acerbe souvent ironique. Cet album est un must !
Pauline Ester impose un grain de génie facétieux et une extraordinaire énergie qui se confirme sur scène. Elle balade ses textes, sa puissance vocale, son grain ensoleillé, ses émotions à fleur de peau et son caractère bien trempé, le long des compos hétéroclites de Frédéric Loizeau. Quel dommage que le virage du début des années 90 l’ait laissée sur la touche comme la presque totalité des artistes francophones ne s’adonnant pas au rap, au grunge ou à l’électro (il fallait avoir les reins très solides pour être encore diffusé sur les FM avec de nouvelles chansons en 1993 lorsqu’on était étranger à ces courants musicaux). Il n’y a pas à dire, Pauline a des « couilles ». Car dans la chanson française, il y a ceux qui crachent leurs tripes et leurs sentiments enflammés, à la Jacques Brel, tout en se révélant de toxiques pessimistes, puis il y a les optimistes Barbara et Goldman qui se retranchent derrière réserve, sobriété et pudeur. Il y a aussi les sérieux engagés, les désabusés, les humoristiques, les romantiques, les barrés. Pauline explose tout. Elle est tout à la fois et en atteste sur un seul album, chantant l’amour en s’exposant dans Mais pourquoi et Oui je l’adore (même lorsque la bienpensance et la raisonnabilité jugent cela malvenu). Elle dépeint aussi avec bienveillance et brio l’humain moyen du quotidien (Ces petits riens, Tony). Elle ose tout… le titre faussement bébête (Il n’a rien demandé), la critique sociale (Le monde est fou), la fable surréaliste (C’est la mer), le lascif tube d’été assuré (Il fait chaud), la ballade poétique exotique (Une fenêtre ouverte), le cri d’amour obstiné et hypnotique (Féline)... Le tout avec une dose de positive attitude et de chaleur humaine cohabitant avec une dose de critique acerbe souvent ironique. Cet album est un must !
FRANK ECHEGUT - EN DEHORS (1992)
Il est très injuste que pour beaucoup de personnes, Frank Echégut ne soit que l'auteur du tube FM Bob plane. Ce titre est loin d'être la seule réussite de cet album. Le chanteur rennais nous livre ici un petit chef-d'œuvre de lumière et de poésie. Emergé en même temps que Pascal Obispo, Echégut l'égale musicalement et le surpasse de loin dans l'écriture des textes. Lorsque Plus que tout au monde et Bob plane étaient au coude-à-coude dans les charts, qui aurait pu croire que de leurs créateurs, l'un connaîtrait une destinée si flamboyante lorsque l'autre disparaîtrait de la circulation ? Si vous n'avez jamais écouté En dehors en entier, je vous invite à rapidement y remédier. Frank a la voix chaude et claire, sa pureté vous charme et vous rafraîchit, sa délicatesse vous enveloppe, ses titres vous font voyager. On pourrait fort à-propos présenter cet album par le titre de l'un de ses morceaux (second single extrait) : "comme un bouddha sur un lit de roses".
Il est très injuste que pour beaucoup de personnes, Frank Echégut ne soit que l'auteur du tube FM Bob plane. Ce titre est loin d'être la seule réussite de cet album. Le chanteur rennais nous livre ici un petit chef-d'œuvre de lumière et de poésie. Emergé en même temps que Pascal Obispo, Echégut l'égale musicalement et le surpasse de loin dans l'écriture des textes. Lorsque Plus que tout au monde et Bob plane étaient au coude-à-coude dans les charts, qui aurait pu croire que de leurs créateurs, l'un connaîtrait une destinée si flamboyante lorsque l'autre disparaîtrait de la circulation ? Si vous n'avez jamais écouté En dehors en entier, je vous invite à rapidement y remédier. Frank a la voix chaude et claire, sa pureté vous charme et vous rafraîchit, sa délicatesse vous enveloppe, ses titres vous font voyager. On pourrait fort à-propos présenter cet album par le titre de l'un de ses morceaux (second single extrait) : "comme un bouddha sur un lit de roses".
TRACY CHAPMAN - TRACY CHAPMAN (1988)
Peu d'artistes ont été aussi impressionnants que Tracy Chapman présentant cet album, son tout premier album. On prend une claque de la part de cette modeste jeune femme, une piqûre de réveil, une leçon d'humanité.
Peu d'artistes ont été aussi impressionnants que Tracy Chapman présentant cet album, son tout premier album. On prend une claque de la part de cette modeste jeune femme, une piqûre de réveil, une leçon d'humanité.
STROMAE - RACINE CARRÉE (2013)
Même si je ne trouve pas cet album plus plaisant que ça, le moins que l'on puisse dire c'est que le belge Paul van Haver, alias Stromae, réalise là un sacré tour de force. La liste est longue de tous les faits d'armes qu'il réalise ici. Premièrement, il réussit à capter l'air du temps avec une ahurissante perspicacité, et ce tout en faisant preuve de beaucoup de personnalité et de singularité dans la forme. Deuxièmement, il réussit, avec de la chanson française à textes, à intéresser les Américains qui pourtant ne cherchent jamais à comprendre autre chose que leur langage. Troisièmement, il réussit à faire de nouveau entrer le rap dans les programmations des radios généralistes. Et j'en passe... Stromae fait voler beaucoup de barrières et de préjugés. Tout est incroyablement maîtrisé, et les milieux les plus éloignés saluent les performances de cet artiste atypique et novateur qui n'a pas peur d'oser. Il impose une véritable nouvelle forme d'expression qu'il avait déjà esquissé dans Cheese, son opus précédent. Une forme inédite, tant dans l'écriture et dans l'interprétation que dans la façon de concevoir la musique et de se mettre en scène. Le mae-stro est un novateur, un créateur, un narrateur d'un style sans précédent. De tels pionniers, on n'en croise pas souvent, surtout dans ce vingt-et-unième siècle où tout semble déjà avoir été fait, et on est heureux lorsque l'on en a un qui est francophone et qui manie la langue de Molière avec exclusivité et détermination (on est impressionné au passage de tous ces génies qui viennent de ce petit pays qu'est la Belgique). La santé précaire de notre homme l'empêchera de développer son œuvre lui-même comme il l'aurait voulu, heureusement ses collaborations formatives avec Orelsan, Bigflo et Oli, et Vitaa feront perdurer sa discipline. En écoutant cet album, on passe par un peu toutes les émotions, tout en dansant parfois, chaque titre nous accroche particulièrement. Racine carrée est un album qu'on ne peut pas simplement écouter en bruit de fond et qui ne peut nous installer dans une zone de confort. Stromae nous conduit où il veut avec une maestria presque surhumaine, il nous entraîne implacablement dans des sphères humaines que l'on a coutume de dédaigner, ce qui force le respect et l'admiration. Il reste que je regrette assez vivement que la vision du monde qui transpire de ses textes soit si pessimiste. Avec Brel et Gainsbourg, on croyait avoir atteint des sommets dans le cynisme, mais Stromae n'a rien à leur envier, il pousserait même encore plus le bouchon. Mais bon, la chanson française est rarement humaniste et positive, il n'y a guère que Goldman qui, bien que faisant preuve d'une implacable lucidité, a eu les couilles de ne pas céder à la facilité du désenchantement.
Même si je ne trouve pas cet album plus plaisant que ça, le moins que l'on puisse dire c'est que le belge Paul van Haver, alias Stromae, réalise là un sacré tour de force. La liste est longue de tous les faits d'armes qu'il réalise ici. Premièrement, il réussit à capter l'air du temps avec une ahurissante perspicacité, et ce tout en faisant preuve de beaucoup de personnalité et de singularité dans la forme. Deuxièmement, il réussit, avec de la chanson française à textes, à intéresser les Américains qui pourtant ne cherchent jamais à comprendre autre chose que leur langage. Troisièmement, il réussit à faire de nouveau entrer le rap dans les programmations des radios généralistes. Et j'en passe... Stromae fait voler beaucoup de barrières et de préjugés. Tout est incroyablement maîtrisé, et les milieux les plus éloignés saluent les performances de cet artiste atypique et novateur qui n'a pas peur d'oser. Il impose une véritable nouvelle forme d'expression qu'il avait déjà esquissé dans Cheese, son opus précédent. Une forme inédite, tant dans l'écriture et dans l'interprétation que dans la façon de concevoir la musique et de se mettre en scène. Le mae-stro est un novateur, un créateur, un narrateur d'un style sans précédent. De tels pionniers, on n'en croise pas souvent, surtout dans ce vingt-et-unième siècle où tout semble déjà avoir été fait, et on est heureux lorsque l'on en a un qui est francophone et qui manie la langue de Molière avec exclusivité et détermination (on est impressionné au passage de tous ces génies qui viennent de ce petit pays qu'est la Belgique). La santé précaire de notre homme l'empêchera de développer son œuvre lui-même comme il l'aurait voulu, heureusement ses collaborations formatives avec Orelsan, Bigflo et Oli, et Vitaa feront perdurer sa discipline. En écoutant cet album, on passe par un peu toutes les émotions, tout en dansant parfois, chaque titre nous accroche particulièrement. Racine carrée est un album qu'on ne peut pas simplement écouter en bruit de fond et qui ne peut nous installer dans une zone de confort. Stromae nous conduit où il veut avec une maestria presque surhumaine, il nous entraîne implacablement dans des sphères humaines que l'on a coutume de dédaigner, ce qui force le respect et l'admiration. Il reste que je regrette assez vivement que la vision du monde qui transpire de ses textes soit si pessimiste. Avec Brel et Gainsbourg, on croyait avoir atteint des sommets dans le cynisme, mais Stromae n'a rien à leur envier, il pousserait même encore plus le bouchon. Mais bon, la chanson française est rarement humaniste et positive, il n'y a guère que Goldman qui, bien que faisant preuve d'une implacable lucidité, a eu les couilles de ne pas céder à la facilité du désenchantement.
SUPERTRAMP - BREAKFAST IN AMERICA (1979)
Un classique ! Un des plus gros best-sellers du disque (numéro 4 de tout temps en France derrière Jackson, Cabrel et l'incontournable D'eux de Céline Dion, champion incontesté). Breakfast in America est peut-être la galette la plus jouée par le monde dans l'histoire de la musique enregistrée. Ceux qui découvrent cet opus rétrospectivement peuvent facilement croire qu'ils écoutent un best-of du légendaire groupe. Incroyable quand on pense que cet album a été conçu à la base comme un disque pour le fun. Le groupe anglais, emmené par Rick Davies et Roger Hodgson, est ici en état de grâce, et se sort de la comparaison avec Genesis pour s'imposer comme le chaînon manquant entre les Beatles et U2. Rick et Rodger ont initialement pour fil conducteur dans cet album leur rapport l'un à l'autre, et entre échange, répercussions, conflit, enrichissement mutuel et affection, ce fil est loin d'être ténu. Le son de ce disque est particulièrement remarquable, réussissant l'alchimie entre les Beach Boys et les Beatles, réunissant harmonieusement la grise Angleterre et la radieuse Californie. Mention spéciale bien sûr au titre The Logical song, un puissant récit de la vie humaine qui n'a jamais perdu de son acuité. Pour les textes, on peut juste regretter que Rick et Rodger soient comme d'habitude des auteurs si sombres et torturés, ce qui tranche avec une musique souvent légère, fédératrice et jubilatoire. En tout cas, ils démontrent ici qu'ils sont particulièrement doués en tant que conteurs, presque chaque titre est une vraie histoire narrée avec brio et profondeur. Un album dont on oublie souvent que, même s'il porte à merveille l'empreinte de son époque, il a construit son incroyable succès sur la durée, battant des records de vente plusieurs années après sa sortie. Les tubes de cet album ont connu un itinéraire plus étincelant en tant que classiques qu'en tant que tubes éphémères.
Un classique ! Un des plus gros best-sellers du disque (numéro 4 de tout temps en France derrière Jackson, Cabrel et l'incontournable D'eux de Céline Dion, champion incontesté). Breakfast in America est peut-être la galette la plus jouée par le monde dans l'histoire de la musique enregistrée. Ceux qui découvrent cet opus rétrospectivement peuvent facilement croire qu'ils écoutent un best-of du légendaire groupe. Incroyable quand on pense que cet album a été conçu à la base comme un disque pour le fun. Le groupe anglais, emmené par Rick Davies et Roger Hodgson, est ici en état de grâce, et se sort de la comparaison avec Genesis pour s'imposer comme le chaînon manquant entre les Beatles et U2. Rick et Rodger ont initialement pour fil conducteur dans cet album leur rapport l'un à l'autre, et entre échange, répercussions, conflit, enrichissement mutuel et affection, ce fil est loin d'être ténu. Le son de ce disque est particulièrement remarquable, réussissant l'alchimie entre les Beach Boys et les Beatles, réunissant harmonieusement la grise Angleterre et la radieuse Californie. Mention spéciale bien sûr au titre The Logical song, un puissant récit de la vie humaine qui n'a jamais perdu de son acuité. Pour les textes, on peut juste regretter que Rick et Rodger soient comme d'habitude des auteurs si sombres et torturés, ce qui tranche avec une musique souvent légère, fédératrice et jubilatoire. En tout cas, ils démontrent ici qu'ils sont particulièrement doués en tant que conteurs, presque chaque titre est une vraie histoire narrée avec brio et profondeur. Un album dont on oublie souvent que, même s'il porte à merveille l'empreinte de son époque, il a construit son incroyable succès sur la durée, battant des records de vente plusieurs années après sa sortie. Les tubes de cet album ont connu un itinéraire plus étincelant en tant que classiques qu'en tant que tubes éphémères.